Le printemps est un barbare qui déchire les robes...
"Le printemps est un barbare qui déchire les robes, s'engouffre dans les villes, saccage les citadelles de la raison. Le printemps est une cathédrale de feuillage et de désir qui surgit dans les ruines de l'hiver."
C'est ainsi que René Frégni décrit l'irruption du printemps, dans un tableau à la fois brutal et poétique... Le printemps assimilé à un barbare semble tout emporter sur son passage...
"Un barbare" ! Quelle violence, quelle cruauté, quelle sauvagerie surgissent, à la seule évocation de ce mot ! Les sonorités nous révèlent un être primitif et fruste.
La répétition redondante de la même syllabe restitue une sorte d'aspect primaire, d'autant que la gutturale "r" , consonne assez dure correspond bien à cette notion d'âpreté et de férocité...
La labiale "b" réitérée semble, aussi, nous montrer un être dont le langage est hésitant, rudimentaire, peu développé.
Ce mot très ancien nous vient directement du grec, "barbaros" : il désigne, à l'origine, l'étranger, celui qui parle un autre langage peu compréhensible, celui qui ne maîtrise pas la langue grecque...
Le "barbarisme" s'applique, ainsi, à des incorrections, des fautes de langue...
Terme particulièment expressif, le mot "barbare", formation d'onomatopée, évoque des bruits incompréhensibles... Il qualifie, à l'origine, tous les peuples qui ne sont pas gréco-latins...
Il en vient à désigner, ensuite, des êtres sauvages, grossiers, inhumains, cruels...
Quel mot éloquent ! Ce mot nous parle de langues différentes, jugées vulgaires, inintéressantes, il nous dit aussi toute la cruauté du monde : les guerres, les meurtres, les destructions, les exactions, la violence...
Il nous raconte des siècles de férocité, d'inhumanité, il nous dit également une forme d'intolérance puisque le barbare est, dans l'antiquité, celui qui parle une langue différente...
Il nous raconte notre monde fait de fureur, de fanatisme, de haines, il nous dit la brutalité, le mépris, l'arrogance des êtres humains.
L'homme n'a-t-il pas été le plus barbare des animaux, au cours des siècles et ne l'est-il pas encore, maintenant ?
Des guerres inhumaines se perpétuent, irrémédiablement, elles révèlent toutes les formes de barbarie qui traversent le monde.
Ce terme peut être utilisé aussi, dans un sens imagé, comme le montre la description du printemps, dans l'extrait de René Frégni. On y voit le printemps s'emparer du monde, dans une personnification pleine de violence et d'expressivité...
On apprécie ce type de barbarie qui s'abat sur la nature, la transforme, lorsque des feuillages et des désirs nouveaux apparaissent.
Le mot restitue, alors, toute cette force de la nature qui balaie les rigueurs de l'hiver.
On le voit : le mot "barbare", venu directement du passé, a connu une belle continuité, dans notre langue, avec une évolution de sens notable.
Ce terme à connotations péjoratives peut être employé dans un sens figuré, pour traduire une forme d'impétuosité et d'emportement. Venu du grec, il nous fait remonter aux sources de notre langue... plein de résonances, il évoque tout un passé et toute une histoire.
Comment ne pas apprécier toutes les nuances de ce mot, si riche de sens ?
Comment ne pas en voir tous les éclats et toute la force ?
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