lundi 4 octobre 2010 - par Taverne

Les chansons grivoises de Georges Brassens

En 1956, Georges Brassens donne à son 6ème album le titre de pornographe, reprenant un titre de livre de Rétif de la Bretonne consacré à la prostitution. Par cette chanson, Brassens se définit enfin  : il sera le « pornographe du phonographe, le polisson de la chanson » !

Il est peu de textes où Brassens parle de lui directement.

 
Ainsi, on recense, en plus de "Le pornographe" les titres suivants : "Les trompettes de la renommée", Le bulletin de santé où il rassure les curieux "je baise, je baise"... et "L’andropause" qui fait partie des toutes dernières chansons de Brassens qu’il n’aura d’ailleurs pas le temps d’enregistrer. Mais ne nous y trompons pas, s’il parle avec beaucoup de tapage de sa sexualité, il tait sa vie privée et son amour intime.
 
Un polisson qui cache sa vie privée
 
 
Son amour intime, il est unique, il est pour Puchen, ce qui signifie "poupée" en allemand (il lui dédie d’ailleurs "Je me suis fait tout petit"... devant une poupée). Il a rencontré en 1947 cette Joha Heiman (qui sera enterrée avec lui, 18 ans après sa mort). Mais ils ne se marieront jamais (Georges lui écrit "La Non-demande en mariage"). Il ne vivront jamais sous le même toit non plus. Les chansons inspirées par sa muse (par exemple, "J’ai rendez-vous avec vous") sont bien plus sages que celles qu’il écrit sous sa plume de "polisson de la chanson". La plus osée est sans doute "Rien à jeter"
 
La parodie licencieuse
 
L’une des façons de faire dans le grivois est de parodier une chanson déjà faite. Brassens a mis en musique le poème "Carcassonne" de Gustave Nadeau et il en fait "Carcassonne" puis il trousse deux chansons grivoises sur la même musique et en modifiant à peine les paroles : "Le nombril des agents de police", "La chaude pisse" interprétée ici par Maxime Le Forestier.
 
Le thème des cocus
 
Ce thème donne l’occasion de chansons très drôles comme "A l’ombre des maris" ou "La traîtresse".Mais aussi "Le cocu", "L’assassinat", "Lèche cocu".
 
Le thème des putains
 
Georges Brassens s’empare de ce sujet au point d’approcher quelquefois même le sujet de la pédophilie avec "La princesse et le croque-nottes" et "Concurrence déloyale". La chanson "La complainte des filles de joie" a été écrite à la demande du collectif des prostituées de Paris qui, le 16 juin 1976, adresse à Georges Brassens la lettre suivante : "Cher Georges Brassens, Nous les Putains vous disons merci pour vos si belles chansons qui nous aident à vivre. Malheureusement nous n’avons eu votre adresse que très tard. Voici une invitation. Nous vous embrassons toutes. Vos Copines du Collectif de tout cœur avec vous toujours." Enfin, Embrasse-les tous "de Pierre à Paul, en passant par Jules et Félicien", utilise le procédé de l’énumération dont Brassens saura tirer profit. "La nymphomane" évoque ces salopes qu’il ne faut pas confondre avec les catins. Putain de toi est inspirée des amours de jeunesse de Brassens.
 
Le procédé de l’énumération comparative.
 
On la trouve notamment dans "Fernande" qui passe en revue les prénoms de la gent féminine dont un seul produit l’effet désiré, et dans "La femme d’Hector" où ce sont les noms des épouses qui sont passés en revue sans jamais égaler la femme d’Hector.
 
La pointe de misogynie :
 
Brassens reprend, dans "Misogynie à part" une citation de Paul Valery : "Il y a trois sortes de femmes : les emmerdeuses, les emmerdantes... et les emmerderesses." Lors de la rencontre radiophonique célèbre du 6 janvier 1969 sur RTL entre Brel, Ferré et Brassens, celui-ci précisa sa pensée : "Non moi je suis pas du tout misogyne moi je m’en fous une femme me plait elle me plait quoi. Une femme me plait pas elle me plait pas. Ça va pas plus loin. C’est pas un parti pris(...) Misogyne, c’est le type qui se méfie des femmes." Dans "Les casseuses", le message est autre ; il s’agit ici d’une dénonciation des revendications sociales des femmes et du danger de dévirilisation de la société (image à l’appui des c....qu’elles cassent). Ce message est repris plus crument dans "S’faire enculer" (interprété par Jean Bertola : "Sous les coups de boutoir des ligues féministes / La moitié des messieurs brûle d’être onaniste / L’autre d’aller s’ faire enculer." Il n’a pas eu le temps d’interpréter cette chanson ; on n’en a pas de regrets... "Si seulement elle était jolie", interprété ici par Maxime Le Forestier, fait aussi partie du dernier album et a le mérite d’être amusante.
 
L’évocation du corps féminin par morceaux de choix :
 
Brassens s’intéresse aux seins dans "Brave Margot" et dans "Le sein de chair et le sien de bois (texte seulement). Dans "La fessée", c’est à une autre partie charnue qu’il rend hommage. Enfin, avec "Le blason", il en vient enfin, sans le nommer, à la partie la plus délicate à évoquer et s’attriste en s’adressant aux dames que "ce morceau de roi de votre anatomie porte le même nom qu’une foule de gens." Il parle bien entendu du "con".
 
Brassens chante la gaudriole
 
Il en parle soit avec bonheur soit avec désabusement : Ainsi, selon lui "Quatre vingt quinze pour cent" des femmes s’emmerdent en faisant la chose. L’homme aussi et c’est pour cette raison qu’il cherche des aventures toutes plus étonnantes, versant parfois dans le fétichisme ("Le nombril des agents de police" déjà cité ou "Le pince-fesse" (texte seulement), ou la conquête sans fin ("Don Juan") mais il nous présente ici Don Juan sous un jour philanthrope.Voire carrément l’inceste ("Le petit-fils d’Oedipe", par Pierre Perret). Quand l’amour n’est pas là ("Cupidon s’en fout"), l’effeuillage de "La marguerite" fait un flop. Quant à l’Amour avec un grand "A", Brassens s’en moque : "Sauf le respect que je vous dois". Pourtant, cet amour transparait dans l’oeuvre mais plutôt comme un trésor précieux et difficilement trouvable qui exige un effort : "La fille à cent sous", "Les sabots d’Hélène". En tous les cas, une chose est sûre, amour ou pas amour, on se souvient toujours de la première fille qu’on a tenu dans ses bras : "La première fille".
 
Les situations propices aux aventures :
 
Brassens multiplie les histoires dans lesquelles une situation exceptionnelle ou inattendue sert de prétexte et d’occasion à l’aventure amoureuse. On peut citer à ce titre : L’orage, La chasse aux papillons, Le parapluie, Dans l’eau de la claire fontaine, L’amandier...
 
La chasteté est égratignée
 
La chasteté est évoquée avec une certaine férocité dans "La religieuse" et Chansonnette à celle qui reste pucelle".
 
La pornographie
 
Le porno fait son apparition de manière évidente dans "Les radis" et dans "Mélanie".
 
En vrac pour conclure :
 
 
Bonne écoute !
 


18 réactions


  • ARMINIUS ARMINIUS 4 octobre 2010 10:27

    Brassens a joué sur l’effet de choc du«  »gare au Gorille« et du » Marché Brive la Gaillarde "pour bousculer le calme paysage de la chanson française encollé dans la bluette insipide.
    L’effet de choc passé on a découvert, aussi un énorme poète, toutes ses chansons, joliment ciselées comme œuvres d’orfèvre, ne tombent jamais dans la vulgarité, même si elles frôlent parfois la salle de garde. C’est du grand art, chapeau l’artiste. Et merci à l’auteur pour ce rappel qui comblera une fois de plus tous les amis de Georges


  • rocla (haddock) rocla (haddock) 4 octobre 2010 10:29

    Joli article La Taverne . 

    Pupchen . 

    Quand je vois Fernande je bande , 

    Quand je vois Lulu je bande plus 

    Quand je vois Raymonde j’ ai honte 

    Quand je vois Rolande je rebande 

    Quand je vois Félicie .....aussi .


  • Taverne Taverne 4 octobre 2010 10:40

    Amis mélomanes,

    Cet article est la suite de « Georges Brassens et les poètes »

    A la rédaction : je ne comprends pas l’image en illustration : une photo de calligraphie chinoise !!!


  • Taverne Taverne 4 octobre 2010 10:44

    Georges est un facétieux, il est revenu du royaume des morts pour nous concocter un nouvel album dans le genre dont il a le secret : Mon cul sur la commode »


  • sisyphe sisyphe 4 octobre 2010 11:05

    Merci pour cet article, et le rappel de ces magnifiques chansons. 


    J’y rajouterai juste pour le plaisir : 

    - Sale petit bonhomme (sur la fin d’un amour, et la rupture) 

    et, sur le corps féminin, un oubli (de taille smiley


    la plus belle étant, à mon sens, sur ce thème, « Le Blason » plus haut évoqué... 

    Il y en aurait encore tant d’autres à évoquer sur l’amour charnel : 



    Toutes des merveilles de langue, de poésie, d’images, qui restent un patrimoine irremplaçable de plaisir toujours neuf (comme le coeur des filles quand ça dit « je t’aime », c’est comme un second baptême...)



    • Taverne Taverne 4 octobre 2010 11:15

      Si mon stylo s’est montré rétif
      A se montrer trop exhaustif,
      La vôtre n’est donc pas réticente
      A traquer les chansons absentes.

      Qu’à cela n’tienne !
      Cette fois je pige.
      La grande faute qui fut mienne
      En perdant Vénus callipyge.

      Pour la chanson « Les ricochets »,
      Croyez ou pas ma bonne foi,
      J’ai cru qu’elle était à l’endroit
      Du tennisman Henri Cochet.

      Voris Bian


    • Taverne Taverne 4 octobre 2010 11:16

      Zuteu !

      Après correction :

      Si mon stylo s’est montré rétif
      A se montrer trop exhaustif,
      Votre plume n’est pas réticente
      A traquer les chansons absentes.


    • sisyphe sisyphe 4 octobre 2010 11:29

      De ces oublis 

      Ni de terre ni du ciel 
      Ne vous tiendrai rigueur
      Puisque dans votre pli 
      Demeure l’essentiel
      L’âme du poète, et son coeur


    • sisyphe sisyphe 4 octobre 2010 11:33

      Oupssss.... 


      Rectif : 

      « De ces maigres oublis.... » 

      (pour respecter le nombre de pieds ; mais, comme disait Nougaro, "c’est pour vous tous que sur mes doigts, la nuit je compte mes pieds...) 

    • Taverne Taverne 4 octobre 2010 12:20

      Rectif de la Bretonne n’a pas oublié le Pornographe. smiley


  • Fergus Fergus 4 octobre 2010 11:31

    Salut, La Taverne.

    Merci de faire revivre la gand Georges, en l’occurrence par un biais amusant. Quelques-unes de ces chansons sont de purs chefs d’oeuvre d’humour et de poésie.

    Un petit rectificatif : Joha Heiman, la petite poupée, c’était « Püppchen ».

    Une suggestion : j’avais envisagé d’écrire durant l’automne un article sur « la vie quotidienne dans les chansons de Brassens » en m’appuyant sur La marine, les amoureux des bancs publics, Pénélope et bien d’autres textes. Je m’efface devant toi pour le réaliser si tu le souhaites.

    Bonne journée.


    • Taverne Taverne 4 octobre 2010 11:58

      Salut Fergus,

      « Püppchen » est, il est vrai, la bonne orthographe mais celle que je donne est celle de Brassens (qui l’a simplifiée, francisée) et celle qui figure aussi sur la terre tombale.

      Mais non, ne t’efface pas ! Tu m’as l’air en plus bien inspiré. Je ne suis pas sûr de faire une 3ème partie et si je l’écris, ce sera autour de la contestation par Brassens des institutions (armée, justice, police...) et des préjugés de la société (inclus : les cons).


    • Fergus Fergus 4 octobre 2010 19:48

      OK, je m’y collerai bientôt. En fait, c’est en écrivant mon récent article « Ballade avec Brassens  » que j’ai pensé à faire ce papier. Cela dit, il y tant à dire et à cérire sur ce sacré bonhomme !

      Bonne soirée.


  • Taverne Taverne 4 octobre 2010 12:18

    Bon l’illustration, c’est toujours n’importe quoi. Je crois que l’éternel estivant doit se retourner sur sa planche de surf (*).

    (*) oui le pédalo, c’est ringard alors il aurait changé le mot....

    Avis :
    Mon site de musique sur Jamendo ne comporte QUE des articles sur la musique. Donc pas de politique. Tous les genres sont abordés. Quelques articles ne sont pas encore en ligne mais ça viendra.


  • LE CHAT LE CHAT 4 octobre 2010 13:15

    eh oui , avant Elmer food beat , il ya avait de quoi écouter aussi ! smiley


    • Taverne Taverne 4 octobre 2010 14:40

      Le Chat, tu sais d’où vient le nom du groupe ? Un jour, n’en pouvant plus de chercher un nom, un des membres s’est écrié « Merde ! Foutre ! Bite ! » Enfin, selon la légende.


  • Jean-Pierre Llabrés Jean-Pierre Llabrés 4 octobre 2010 14:02

    À l’auteur :
    « Quant à l’Amour avec un grand »A« , Brassens s’en moque »

    Croyez-vous ?
    Écoutez donc « Les passantes » ! ! !
    Paroles d’Antoine Pol


  • Spip Spip 4 octobre 2010 23:13

    Merci pour cet article.

    Il manque cruellement dans ce paysage de « produits » aseptisés mais il ne pourrait plus écrire grand chose aujourd’hui sans déclencher des plaintes pour incitation à la pédophilie, au sexisme, etc.

    J’ai eu la chance de l’approcher de très prés un soir qu’il passait dans ma ville. Un copain m’avait embauché pour le service d’ordre du concert. Il n’a jamais réalisé le cadeau qu’il m’a fait.

    A la séance des dédicaces, ça poussait aussi fort que pour une rock-star ! Depuis, l’encre de sa signature s’efface doucement sur ma photo mais pas le souvenir.


Réagir