vendredi 2 février 2018 - par Theothea.com

« Macbeth » Le couple meurtrier mis en question à l’Odéon

A l’aune du souvenir latent d’un couple maudit faisant figure tyrannique au regard de l’opinion mondiale, le label « Ceausescu » pourrait faire force de focus universel tant il a marqué les esprits en fin de XXème siècle, se soldant pour tout compte par l’assassinat des conjoints le jour de Noël 1989, à la suite d’un procès aussi fantoche qu’expéditif.

  

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MACBETH
Affiche DR.

  

En choisissant Adama Diop et Chloé Réjon pour incarner son couple Macbeth, c’est un peu comme si Stéphane Braunschweig avait pris l’exact contre-pied de cette image-écran que l’histoire contemporaine aura pu brosser objectivement dans notre mémoire collective en quête incessante de références signifiantes.

Le directeur de l’Odéon a, en la circonstance, la volonté de présenter des époux à la fois stables, équilibrés et complémentaires en pleine conformité avec la perception commune d’une union conjugale réussie.

Nul besoin, à son point de vue, de recourir à la caricature monstrueuse pour justifier le crime en l’expliquant, par avance, selon des outrances comportementales.

 

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MACBETH
© Elizabeth Carecchio

  

Bien au contraire, son Macbeth et sa Lady s’affirment comme un tandem structuré et éclairé avec, certes, d’effectives ambitions politiques devant les mener au pouvoir royal suprême en s’appuyant sur une stratégie de conquête progressive à la manière d’un parcours disponible à toutes les opportunités positives leur permettant d’arriver à leur fin.

Aussi, quand les trois sorcières se mêlent de captiver Macbeth avec des prédictions concernant sa prochaine carrière monarchique et, ainsi, de l’envoûter en brossant son point faible dans le sens du poil, il est assez compréhensible que celui-ci soit, non seulement, intéressé par cette perspective mais qu’en outre, soutenu totalement par sa chère compagne, il porte crédit à ce présage en réunissant les moyens nécessaires à sa réalisation.

 

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MACBETH
© Elizabeth Carecchio

  

C’est ainsi qu’instrumentalisé par le destin, Macbeth va s’enfoncer vers sa perte au moment même où il croit atteindre le Graal en pleine légitimité divinatoire.  

Car, en ignorance totale des forces de l’esprit et du système compensatoire qui les régente, le prétendant à la couronne arme son poignard, de telle façon que la lame aiguisée soit responsable à part entière d’un acte dont, bien entendu, elle ne sera que l’outil.

A partir de cet instant crucial, seule la débandade mentale aura désormais accès à l’esprit du général Macbeth, en proie à une multitude de tourments dont il ne pourra plus se débarrasser.

 

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MACBETH
© Thierry Depagne

  

Prenant le relais pour tenter de maquiller le régicide accompli, son épouse, à son tour, aura les pires difficultés à en effacer les traces sur sa propre intégrité.

De mal en pis, les séquences suivantes n’aboutiront qu’à des impasses successives dans un aller-retour incessant entre l’apparence du pouvoir et ses coulisses ainsi scénographiées sur deux cadres frontaux différenciés qu’ils soient concomitants ou non ; ainsi, en fond de scène, la salle d’apparat où s’orchestrerait la gouvernance formelle et, au premier plan, la cuisine de l’inconscient où se joueraient les manipulations tour à tour criminelles et culpabilisantes.

Ce serait donc, selon Stéphane Braunschweig, le retour du refoulé qui aurait eu raison du ménage Macbeth a priori fusionnel selon un amour conjugal traditionnel mais au final implosé par son propre aveuglement et sa pusillanimité.

 

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MACBETH
© Theothea.com

  

De là à dire que cette déviance circonstancielle serait accessible à Monsieur et Madame Toutlemonde, il n’y aurait qu’un pas à franchir tant il serait aisé de se laisser séduire par les sirènes de la flatterie et de se laisser embrigader par des prophéties fallacieuses.

C’est sans doute les vertus de l’esprit critique qui sont au cœur de la problématique exposée par Stéphane Braunschweig proposant ainsi, sous sa direction du Théâtre de L’Europe, une démonstration interprétée par la preuve du contraire.

Cela peut déstabiliser la vision classique que d’aucuns portent à l’œuvre de Shakespeare en n’obtenant point leur dose de monstruosité fantasque tant attendue… sous finalité d'être confortés dans leurs a priori.

  
photo 1 DR.
photos 2 & 3 © Elizabeth Carecchio
photo 4 © Thierry Depagne
photos 5 & 6 © Theothea.com

   

MACBETH - **.. Theothea.com - de William Shakespeare - mise en scène Stéphane Braunschweig - avec Christophe Brault, David Clavel, Virginie Colemyn, Adama Diop, Boutaïna El Fekkak, Roman Jean-Elie, Glenn Marausse, Thierry Paret, Chloé Réjon, Jordan Rezgui, Alison Valence & Jean-Philippe Vidal - Odéon Théâtre de L'Europe

    

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MACBETH
© Theothea.com

   



2 réactions


  • Paul Leleu 2 février 2018 15:07

    Louis XVI a eu droit à un procès... mais pas Robespierre... ni les Ceausescu... deux poids deux mesures... 


    ceci dit, les Lady Mac Beth ordinaires et extra-ordinaires courent les rues smiley 

  • Ulyssien 17 février 2018 00:52

    Un Macbeth conformiste de petit joueur : ni le traducteur de la pièce et ni le scénographe véritable de la mise en scène, pourtant qui s’auto-proclame traducteur et scénographe sur le programme et la recette... Braunschweig reste très conformiste dans cette mise en scène. Le couple infernal est aussi ’light’ que du Canada Dry et leur diction souvent hésitante. Un grand raté que l’on évitera en revoyant le film génial de Welles...


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