lundi 18 novembre 2019 - par Theothea.com

« Nous pour un moment » Le cycle Arne Lygre / Braunschweig se perpétue à L’Odéon

A Berthier, la perspective relationnelle est présente sur scène dès l’entrée des spectateurs plongeant leurs regards depuis les gradins sur une sorte de livre blanc disposé ouvert sur sa tranche délimitant ainsi l’espace où trônent cinq chaises se reflétant les pieds dans l’eau.

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NOUS POUR UN MOMENT
© Theothea.com

  

Lorsque ce panneau livresque angulaire montera à plusieurs reprises vers les cintres, le champ visuel embrassera un ersatz de piscine dont le fond n’autoriserait qu’une hauteur d’eau limitée à faire trempette cependant que l’on devinera la présence cachée en profondeur d’un disque de dimension scénique pouvant tourner sur lui-même et ainsi faire circuler les chaises, un lit, une table… tous de même blancheur… ainsi que les personnages eux-mêmes.

Au nombre d’une vingtaine, cinq rôles leur sont dévolus comme étant « une personne », « un(e) ami(e) », une « connaissance », « un(e) inconnu(e) », « un(e) ennemi(e) » se succèdant ou se substituant dans des dialogues débutant dans l’intimité jusqu’à parvenir à l’autre extrémité du spectre dans l’anonymat et l’indifférenciation. 

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NOUS POUR UN MOMENT
© Elizabeth Carecchio

  

Exercice stylistique signant la marque de fabrique chère à Arne Lygre privilégiant l’abstraction relationnelle pour mieux en stigmatiser la vacuité existentielle ou plus précisément en cibler les doses de haine et de passion paradoxales la caractérisant.

D’une certaine façon, parvenu à l’épilogue, le processus pourrait remonter à son prélude et recommencer ainsi en boucle dans une métaphysique se situant à fleur de peau du vécu des êtres ne se rencontrant que pour une période relativement brève dans la quête de l’autre ressenti tout à la fois complémentaire et antagoniste, protecteur et prédateur. 

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NOUS POUR UN MOMENT
© Elizabeth Carecchio

  

Cette angoisse diffuse s’exprime au travers de gestes prosaïques affectifs ou agressifs selon les besoins d’une cause semblant dictés par le hasard et la nécessité.

Chacun des protagonistes s’entend parler à distance de lui-même et des autres selon des répliques narrant ce qu’il a cogité ou énoncé précédemment : « pensais-je, disais-je… ».

L’esthétique de la scénographie rejoint ainsi celle du texte avec la volonté évidente de faire œuvre artistique tout en faisant sens sur l’intuition sensitive d’êtres manipulés par la destinée. 

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NOUS POUR UN MOMENT
© Elizabeth Carecchio

  

Le titre norvégien difficilement traduisible pourrait signifier approximativement « Te laisser exister ». Cette invite est à l’image d’un désarroi latent que la version française davantage rationnelle a préféré, s’appuyant sur la structure de la pièce s’élevant au niveau du relationnel et de la communication, désigner selon des termes spatio-temporels : « Nous pour un moment ».

Cette pièce ouvre donc des abymes de réflexion indicible que chacun pourra projeter à l’infini sans jamais pouvoir être assuré d’en cerner toutes les implications conceptuelles.  

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NOUS POUR UN MOMENT
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C’est la quatrième pièce d’Arne Lygre que Stéphane Braunschweig a monté d’abord, pour les précédentes, au Théâtre de La Colline et donc, maintenant, à l’Odéon.

Selon toutes probabilités, le directeur du Théâtre de l’Europe prolongera cette collaboration selon des étapes qui contribueront toujours davantage à un éclairage rétroactif sur ce cycle thématique focalisant la précarité et l’incertitude de l’existence identitaire : Je disparais (2011), Jours souterrains (2012), Rien de moi (2013).

   
photos 2 à 4 © Elizabeth Carecchio
photos 1, 5 & 6 © Theothea.com
  
NOUS POUR UN MOMENT - ***. Theothea.com - de Arne Lygre - mise en scène Stéphane Braunschweig - avec Anne Cantineau, Virginie Colemyn, Cécile Coustillac, Glenn Marausse, Pierric Plathier, Chloé Réjon, Jean-Philippe Vidal - Théâtre de L'Europe / Odéon - Berthier 

   

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