lundi 7 mars 2016 - par Theothea.com

« Nous qui sommes cent » ou Une... à La Manufacture des Abbesses

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NOUS QUI SOMMES CENT
photo 1 © Jean-François Faure

Trois jeunes femmes traversent la salle en ouragan et s'emparent du plateau comme d'un ring, telles des boxeuses qui vont lutter avec la vie, de la naissance à la vieillesse.

Elles vont s'affronter dans une joute verbale explosive pendant 1h20, se questionnant, essayant de tracer leur chemin, butant, comme les ailes du papillon sur une fenêtre close, aux difficultés de l'existence et n'arrivant pas à trouver leur place au soleil.

Vêtues de tutus bleus et enrubannées comme des petites filles, elles se remémorent des pans de vie dans un décor de chambre d'enfant avec ours en peluche et 2 ou 3 jouets qui serviront de sources d'inspiration à leurs narrations.

Ainsi, une grosse locomotive rouge en bois leur permettra de ressusciter ou fantasmer un voyage en train qui les mènera jusqu'à Oslo, incapables, sous l'emprise du charme envoûtant d'un beau séducteur assis en face d'elles, de descendre avant le terminus.

Trois femmes qui sont peut-être une et même personne, avec ses facettes tantôt rebelles tantôt matures.

Il y a celle qui accepte la rencontre fleur bleue avec Arthur, l'autre qui la rejette ne trouvant pas le garçon assez intéressant. Bataille intérieure, schizophrénique, je te désire-je te déteste, la troisième tentera de les concilier en concrétisant un choix.

Ou bien ce pourraient être trois filles à des âges différents. A l'adolescence, on se révolte puis, à l'âge adulte, on se raisonne et, enfin, on accepte de se conformer en faisant des concessions.

Trois phases de la vie qui apporteront finalement l'amertume, le regret de ne pas avoir été au bout de ses envies, de ne pas avoir réalisé ses rêves ou de s'être installée dans un confort "bourgeois" en bonne épouse, tout en cessant de manifester pour ses idées politiques, écolo ou humanitaires.

C'est ainsi que l'une d'entre elles, dépressive, dont le mari et les enfants sont partis, veut entraîner les deux autres dans un plongeon suicidaire. Cette aspiration à en finir est contrebalancée par les tentatives à trouver encore un peu de goût pimenté aux choses.

Se rappeler quand on était enfant suggère la seconde ; moi "je voulais être pilote de bonbons !" renchérit la troisième. Oui, c'est drôle ! mais... ce vide abyssal et ce mal d'être au milieu de tous ces conflits qui mettent le monde à feu et à sang ! Oui, c'est dur ! mais... la saveur des souvenirs n'a-t-elle pas l'exquise douceur du miel !

Ainsi, tiraillements conjoints entre délire, rire et tragique feront renoncer au saut final. Profonde respiration, tel un nageur de compétition, pour refaire surface et réaffronter le monde.

Comme à l'escrime, ces trois filles, souvent rivales, manient l'estocade à fleurets rompus. Elles sont interprétées par des comédiennes qui jouent à réécrire leurs nombreux désaccords, déchirements, atermoiements ou rabibochages avec un décalage comique plutôt détonant.

Laura Perrote, la raisonnable accommodante, Caroline Monnier, l'indocile trouble-fête, Isabelle Seleskovitch, l'idéaliste tourmentée, incarnent avec impétuosité la triple proposition d'une seule partition, celle d'une pièce écrite par un jeune dramaturge suédois des plus prometteurs de sa génération, Jonas Hassen Khemiri : « Nous qui sommes cent » mise en scène par une des comédiennes ci-nommée précédemment, Laura Perrote.

"On n'a pas le vertige. Maintenant on le fait !" disaient-elles, en choeur, en entrant sur scène. Oui, dans l'écrin de la Manufacture des Abbesses, elles assurent sans trembler, sans tomber dans le vide, fortes et déterminées.

Elles sont trois pour jouer une ou cent facettes d'une vie. Qu'importe le singulier ou le pluriel. Elles se démultiplient et servent, avec un éclaboussant talent, un texte à l'imaginaire féminin, à la fois, très personnel dans son écriture et universel dans son propos.

photo 1 © Jean-François Faure

photo 2 © Theothea.com

NOUS QUI SOMMES CENT - ***. Cat'S / Theothea.com - de Jonas Hassen Khemiri - mise en scène Laura Perrotte - avec Caroline Monnier, Laura Perrotte & Isabelle Seleskovitch - La Manufacture des Abbesses

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NOUS QUI SOMMES CENT
photo 2 © Theothea.com


1 réactions


  • chantecler chantecler 7 mars 2016 13:56

    Ben salut « Théothéa » ,
    Ca fait des années que je suis ton fil ...
    Parfois je l’ai emprunté pour y glisser des messages , ce que tu as accepté sans rechigner ...
    Mais aujourd’hui tu parles de« la manufacture des Abbesses ».
    Il se trouve que j’ai été plombier zingueur, dans une scoop basée à l’angle de la rue des Trois frères et de la rue Androuet , dans les années 1976.
    Et que parfois j’ai la nostalgie du petit blanc que je prenais avec des potes à 50 m de notre local ...
    Je pourrais t’en raconter ,ça ferait certainement du biau théâtre ...
    Tiens le ramonage avec Blin Blin , l’électricien , chez la fille de Darius Milhaud , avocate , rue des Trois Frères ...
    Du Pouf et Noiraud !
    Si des ex des A.S me lisent , qu’ils me répondent ....
    Sinon je ne regrette rien ....
    Cr.


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