mardi 30 septembre 2008 - par Vincent Delaury

NTM à Bercy ou les Guerriers de la nuit !

Entrée Porte 27, Fosse debout, samedi 20 septembre 2008, Suprême NTM, le plus grand groupe de rap français, est entre les murs de Bercy* : du gros son qui tue.

A la limite par moments, faut bien le dire, d’un soundsystem proche de la bouillie sonore, notamment sur le morceau mélancolique Laisse pas traîner ton fils (1998) dont la mélodie entêtante venait quelque peu se perdre dans la tuyauterie du vaisseau spatial qu’est le POPB. Pour autant, sans nul doute possible, et c’est le plus important pour du live, l’émotion était là et l’énergie aussi. Ayant eu l’occasion d’avoir vu et écouté le phénomène « Joey Starr le Jaguar » à l’Olympia il y a plus d’un an, je craignais deux choses : que Bercy soit trop grand pour du hip-hop et que Kool Shen se fasse bouffer par l’énorme présence freestyle sur scène de Joey le corsaire - gare au jaguar, quoi ! Or, il n’en est rien. Bien sûr, au départ, Nique Ta Mère à Bercy, ça fait un peu musée des antiquités, reconstitution « comme si on y était, vingt ans auparavant », ainsi on peut s’amuser de tout le merchandising – tee-shirts, posters, affiches, briquets estampillés NTM - qui va avec et se dire que l’esprit de rébellion initial du rap est bien loin, on peut aussi trouver quelque peu risible de voir NTM faire chanter à une foule de bobos parqués à Bercy (vu le prix des places, 45 à 99 €, ce n’était pas un public très métissé et pas tellement Seine-Saint-Denis Style) des « Nique la Police » à tue-tête ! Pour autant, en dépassant ces quelques scories, il faut se rendre à l’évidence, les anciens scores de NTM cognent toujours autant dans les oreilles et n’ont en rien perdu de leur force d’attraction et de leur (urgente) actualité, je pense à des hits imparables comme Ma Benz, Police, Tout n’est pas si facile et autres Qu’est-ce qu’on attend. Ouais, La Fièvre du samedi soir était bien là, du côté obscur de la force punchy. Le corps sec et nerveux de Kool Shen, couplé à son timbre de prédicateur charismatique, offre un contrepoint bienvenu à la voix de gorgone du bondissant Joey Starr qui joue fort bien son rôle de mauvais garçon et d’« ogre du 9-3 » ruant dans les brancards, style « Avec ma gueule de métèque, mon œil de prédateur/ En phase avec son temps, j’ai poussé sans tuteur/ Poussé comme une mauvaise herbe. » (Métèque, 2006).

Et puis surtout au-delà du plaisir ressenti du fait de (re)voir ces deux frères ennemis, véritables bêtes de scène et « athlètes affectifs », de nouveau en scène pour plus de deux heures, c’était aussi assez émouvant de voir à quel point ils voulaient rendre hommage à la culture rap & hip-hop. Il y avait du monde sur la plate-forme de Bercy, truffée d’écrans vidéo et de cases rappelant L’Académie des 9, rien que ça ! On était bien plongés dans les eighties et suivantes ! En quelque sorte, on avait l’autre soir une espèce de Star ac du hip-hop, bref une Star Académie des 9-3 ! : on avait un « ambianceur » gros calibre (Joey Starr, avec son Carnival, ses « Faites du bruuuuuuuuuit ! » et « Vous avez de l’arthrite ou quoi ?  », ferait un GO d’enfer !), on avait aussi les DJ James et Naughty J (en remplacement des Daft Punk ?), des choristes sexy, des danseuses en bikini torrides, et une armada d’invités de prestige (Sefyu, Lord Kossity, Zoxea des Sages Poètes De La Rue, Busta Flex, Papalu, Natty, Jeff le Nerf, les danseurs d’Aktuel Force et on en passe… passe le oinj !) : bref, tout ce p’tit monde-là, bariolé à souhait, fêtait tambour battant la culture mean streets du hip-hop. NTM, en affirmant haut et fort sa volonté de faire un show à l’américaine, s’est montré généreux parce qu’une fois encore, bien cool (And The Gang), Kool & Joey se sont faits, via leur « talk-show » en haut débit, les haut-parleurs du « ghetto » des banlieues et de la marge, sur fond de « Que vive le 9-3 ! » : certes, ce soir-là, ils n’ont fait que de l’entertainment et n’ont pas cherché à conscientiser les foules : aucune pique frontale contre le président Sarkozy hormis un « Carla Bruni » de prononcé, suivi quelque temps après d’un « tasspé » à l’égard d’une certaine… Edvige - on les a connus plus agressifs tout de même !

On le sait, ils sont venus à Bercy, au-delà des thunes à la clé (faut le préciser aussi, ne soyons pas naïfs !), pour faire parler énergiquement et poétiquement la RUE, et ça, ça marchait vraiment bien : on pensait, via Aktuel Force, aux origines du hip-hop, au breakdance, au smurf et à Sidney (émission télé culte des 80’s), on pensait également, grâce aux filles métissées ravissantes et aux tee-shirts bling-bling (argentés, dorés) des rappeurs, au « rap de gangster » hardcore façon Scarface (les NTM pourraient d’ailleurs passer pour des American boys, on n’a qu’eux en France pour entrer en compet’ avec le rap outre-Atlantique), on faisait aussi un petit détour par le funk et le reggae, via des musiciens anglo-jamaïcains de talent et un mur d’écrans vidéos saturé de feuilles de marijuana comme si l’on voulait nous téléporter dans un Amsterdam haut en couleurs hallucinogènes. Mais, ce que j’ai vraiment préféré, à coup sûr, c’est, à un moment donné, l’aspect cinéma et clip vidéo du concert. Pendant l’intro d’outre-tombe de Paris sous les bombes (1998), la salle est plongée dans le noir, on voit sur écrans un Paris nocturne illuminé, un métro parisien s’arrête à quai et, alors là, au moment où les portes s’ouvrent, on voit arriver sur scène des taggueurs encapuchés (de la bombe de graffitis, bébé !) suivis de graffitis vintage qui défilent derrière eux sur l’écran saturé - RER, 9/3, HLM, POPB, NTM… CQFD. Ce moment est épatant, on salue au passage cette culture transversale qu’est le rap (n’oublions pas qu’à la base NTM est un groupe de « Graffiti Writers », dont l’esprit des grafs sauvages est bien connu de nous tous, cf. photo), puis surtout, on pense, question septième art, aux clips choraux eighties de Michael Jackson ainsi qu’aux bad boys des Guerriers de la nuit, de Rusty James et autres Wassup Rockers, et l’on se dit alors que toute cette famille de « pieds nickelés », qui se donne à fond ce soir-là, fait bel et bien partie, via ses outrances, ses cuts, ses syncopes, ses entorses à la langue, son imagerie pirate et sa comédie urbaine, de notre patrimoine et culture audiovisuels : C’est ça la France aussi, et entre autres, pourrait chanter un Marc Lavoine inspiré. In fine, laissons le mot de la fin à Amélie Nothomb, rédac’chef de Métro (n° 1 437, 18 sept. 2008, p. 3) : « [NTM] Ce n’est pas du tout ma came, mais je suis fascinée comme tout le monde par le phénomène. Joey Starr est un violent, il frappe des animaux, des femmes et, pourtant, on continue à l’adorer. » Et Joey, mazette, Pose ton Gun et Check The Flow, yo !


* NTM (formé en 1988, dissout en 1998, puis reformé en 2008) était en concert à Paris/POPB les 18, 19, 20, 22 et 23 septembre, puis est en tournée jusqu’à fin octobre : Genève (2 octobre), Marseille (3 octobre), Strasbourg (9 octobre), Bruxelles (11 octobre), Bordeaux (16 octobre), Toulouse (17 octobre), Montpellier (18 octobre), Lyon (23 octobre) et Lille (24 octobre). L’image principale de l’article est un détail de l’œuvre signée Villeglé, NTM-Boulevard Godard, Bordeaux, 8 juillet 1998, actuellement exposée à Beaubourg dans l’exposition Jacques Villeglé, La Comédie urbaine (17 septembre 2008-5 janvier 2009)

 



13 réactions


  • Yvance77 30 septembre 2008 10:58

    Que c’est beau de donner encore du crédit à un usurpateur d’identité, un tabasseur de femmes, un mec condamné pour cruauté envers des animaux et j’en passe ...

    On a pas autre chose bordel à mettre en valeur comme individu ?

    A peluche



  • TSS 30 septembre 2008 13:39

    au fait où en est on du procès fait au courageux(ah ah) joey Starr ... ?


  • LE CHAT LE CHAT 30 septembre 2008 14:11

    le guerrier de la nuit est juste capable de frapper des ouistitis !
    http://www.ciao.fr/Par_J__Avis_358366


  • jakback jakback 30 septembre 2008 14:42

    concernant le hip hop et NTM en particulier, merci, Vincent Delaury pour cet article fort bien troussé, votre connaissance de la street culture étonne sur AVX, dérange surement, le conformisme ambiant.
     je vous joint ce lien http://www.bkrw.com/sommaire.


  • Webes Webes 30 septembre 2008 15:58

    Ohhh, les bobos bien pensant n aiment pas les gars de la rue qui ont reussis !


  • TSS 30 septembre 2008 18:35

    Ohhh, les bobos bien pensant n aiment pas les gars de la rue qui ont reussis !

    ce que je n’aime pas,essentiellement,c’est les pseudo "gros durs" qui frappent ,en priorité sur des femmes et

     sur des animaux sans defense !!!


    • Webes Webes 30 septembre 2008 20:00

      Eh oui personne n est parfait TSS. Allez c est bientot samedi, tu vas avoir du temps pour aller faire ton shopping et allez a ta soiree ou tu retrouveras ceux avec un beau costume qui les utilisent pour tes medicaments ou ta creme de beaute . Ils sont tellement plus frequentable !


  • A. Nonyme Trash Titi 30 septembre 2008 18:51

    Aux empécheurs de rapper en rond, écoutez "laisse pas traîner ton fils". On peut faire des conneries dans la vie, mais aussi avoir une conscience. Voici les paroles.


  • hans lefebvre hans lefebvre 30 septembre 2008 19:37

    Merci pour le billet, un peu décalé sur AGX, mais ça fait pas de mal ! Quant à contester la valeur artisitique de nos loustics préférés, laissons cette appréciation aux incultes de la scène hip hop, les maîtres sont dans la place, rien à dire ! J’ai pu aussi apprécier le jaguar en live, noisy, débordant d’énergie, un concentré d’adrénaline enveloppé dans des textes forts intelligents. Quant à la stigmatisation du dénommé Joe, l’étiquetage perdure et que faire ! Certes ce n’est pas le Mahatma, mais il n’est pas pire que la moyenne et ne s’est jamais décrété archange Joe. En outre, nombre d’artisites furent abjectes et Joe ne doit pas être le pire.
    Quant à ceux qui parlent de feignants, ils pourront l’ouvrir lorsqu’ils arriveront à la cheville de ces créateurs !
    Qu’on aime ou pas, là n’est pas le problème, artistes ils sont, artistes ils restent, que cela n’en déplaise à certains....
    Vivement le concert de Bordeaux !


  • TSS 1er octobre 2008 00:40

    @webes

    ou l’art de juger les gens sans les connaitre !!

    je ne vous demande pas si vous mettez votre passe montagne pour aller faire les poubelles demain matin

    à 5h !! et de plus je m’en fous !!

    quand aux personnes dont vous me conseillez la frequentation ,je ne les connais point ,ils ne font pas parti

     de mes relations,mais ayant ete bien elevé je ne conçois pas que l’on puisse (artiste ou pas ,ce n’est pas

     une excuse)maltraiter des animaux ou frapper une femme !!

    remarquez,reste de mon education,moi je vous voussoie.... et vive le Hard Rock !!


  • TimeLord Wetz25 1er octobre 2008 02:06

    @TSS
    Oui, vous avez parfaitement raison, et de plus vive le Hard Rock ! XD
    @ l’auteur,
    Article interressant qui change de l’ordinaire. Personnellement, je n’écoute pas de rap, mais il m’est arrivé d’entendre quelques chansons, que j’ai trouvé interréssante. La seule chose qui m’énerve un peu, c’est l’accent et les faux airs de "durs" qu’ils se donnent tous. 


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