mercredi 13 mai 2009 - par actu

our body : censuré

   « La décision du TGI de paris, par une ordonnance de référé rendue le 21 avril 2009 a demandé la fermeture de l’exposition our body / à corps ouvert  », voilà ce qu’énonce la première page du site officiel de l’exposition. 

Cette exposition présente de vrais corps humains conservés et mis en scène dans diverses positions pour que chacun découvre ce que seuls jusque-là les médecins et les scientifiques pouvaient voir.

L’organisateur d’un tel projet, la société Encore Events, met en avant l’aspect pédagogique d’une telle présentation puisqu’il s’agit de nous montrer et nous faire comprendre le fonctionnement du corps humain. 

Sont utilisés des corps et des organes disséqués, mis en scène dans un but purement scientifique. La portée n’est qu’explicative et permet de mieux appréhender l’anatomie humaine.

Malgré tout effet morbide supprimé, malgré des moyens de conservation enlevant tout caractère réaliste des organes et des sujets, en France, la pédagogie a très vite fait place à la polémique. Les critiques sont elles aussi nombreuses. 

De nombreuses questions sont soulevées :d’où viennent ces corps ? Qu’en est-il du respect du corps humain ? Que diriez-vous si ces êtres exposés étaient de nationalité française ? (les personnes exposées étaient toutes de nationalité chinoise). Peut-on vraiment se fonder sur un aspect pédagogique ? Etc.. en bref, les questions fusent ! Les réponses sont en effet d’autant plus nombreuses puisque les avis sont variés.

Mais la question essentielle est ici : qu’est-ce qui a poussé la législation française à faire interdire cette exposition ? Pourquoi une décision en référé, synonyme de situation d’urgence a-t-elle été nécessaire alors que cette même exposition, dans de nombreux pays, ne pose aucun problème ? 

Le problème vient du fait que deux associations, « Ensemble contre la peine de mort » et « Solidarité Chine », affirment que les cadavres exposés sont ceux de condamnés à mort chinois. 

Évidemment chacun peut décider de donner son corps à la science mais qu’en est-il de ces condamnés à mort chinois ? S’il s’avère véridique qu’il s’agit de condamnés à mort, ont-ils vraiment donné leur accord ? On peut supposer que non, c’est d’ailleurs la qu’interviennent les associations. 

Pourtant, la société Encore Events prétend avoir récupéré ces cadavres auprès d’une institution de recherche chinoise : la fondation Anatomical Sciences and Technologie de Hong Kong. Cette dernière avance que les cadavres fournis ont émis un accord avant leur mort mais le problème de la preuve de cet accord se pose, le créateur disposant d’un simple papier certifiant l’origine de ces cadavres. Et lorsque l’on cherche un peu plus loin, le prétendu nom de cet institut de recherches semble peu connu... de quoi entretenir les doutes !

Le juge des référés, Louis-Marie Raingeard déclare que « l’espace assigné par la loi aux cadavres est le cimetière ».Le ministère public rappelle que « le corps humain a droit au repos et à la tranquillité  ».

Encore Events a signé une convention avec cette fondation chinoise pour organiser l’exposition en France. « Une convention qui ne rapporte en rien la preuve du consentement des personnes décédées » selon M.Richard Sedillot, l’avocat des deux associations ayant obtenu l’interdiction de l’exposition.

En effet, sauf disposition particulière relevant de la volonté du défunt, un corps doit être inhumé ou incinéré. Les organisateurs n’obtiennent donc pas gain de cause puisqu’ils se voient contraints, par la décision rendue le 21 avril par le tribunal de grande instance de Paris, de retirer les pièces dans les 24H suivant le verdict, sous peine d’une astreinte à payer 20 000 euros d’amende par jour de retard. Le juge a d’ailleurs exigé que les corps soient placés sous séquestre , « aux fins de chercher, avec les autorités publiques françaises compétentes, une solution conforme aux droits de l’inhumation ».

La raison invoquée : une exposition contraire à la décence.

Le tribunal de grande instance considère qu’il s’agit ici de la « présentation des cadavres et organes, par des mises en scène déréalisantes ». 

En plus de cette décision, la critique appuie l’aspect immoral et morbide d’une telle exposition. 

Les organisateurs tentent alors un recours en appel, la décision est rendue le jeudi 30 avril : l’exposition « Our Body // à corps ouvert » est bel et bien interdite, mais cette fois-ci, ce n’est pas la question de la dignité qui s’est posée mais plutôt celle de l’origine des corps.

La décision en appel énonce : "La société Encore Events ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de l’origine licite et non frauduleuse des corps litigieux et de l’existence de consentements autorisés". L’hypothèse des corps de condamnés à mort chinois domine. 

Ce cas d’interdiction en France est un des plus rares, d’autant plus que de nombreux avis étaient favorables à une telle exposition. 

Si la question de la décence est le cœur du problème, cela irait jusqu’à remettre en cause de nombreuses expositions au musée de l’homme. On craint alors une atteinte aux libertés de ces expositions, d’autant plus qu’on avait reproché au juge des référés de se baser sur des convictions personnelles. Il est vrai que cette exposition a suscité la critique, mais si l’on tient compte des témoignages de personnes ayant assisté à cette exposition, la plupart d’entre elles ne semble pas indignée, bien au contraire ! 

Nombreux sont ceux qui ont employé le terme de « voyeurisme » pour qualifier l’intérêt de certains, mais le fait de toucher à l’anatomie humaine relève-t-il vraiment du voyeurisme ? 

De plus, la décision de la cour d’appel de paris a bien montré que ce n’était pas le fond du problème, le problème vient d’une situation floue, apparemment irrégulière. 

En effet, le code civil énonce que « le respect du corps humain ne cesse pas avec la mort » mais que « cette protection n’exclut pas l’utilisation des cadavres à des fins scientifiques ou pédagogiques ». En définitive, les expositions impliquant des cadavres humains restent encore possibles en France, qu’adviendrait-il sinon, des fameuses momies humaines au musée du Louvre par exemple ? Qu’adviendrait-il au final de l’accès au savoir dans ce domaine ? 

On peut alors se demander si cette polémique ne révèle pas le fait que certains tabous ne sont pas encore vraiment levés en France. 

C.Lagorce

 



11 réactions


  • Massaliote 13 mai 2009 16:54

    Un tabou dites-vous ?

    Trouvez vous normal que certains se fassent du fric sur une exposition de cadavres dont on ne sait même pas s’ils n’ont pas été exécutés rien que pour ça ?

    Mais j’affabule, la démocratie chinoise est trop exemplaire pour que des prisonniers de préférence politiques soient assassinés à des fins mercantiles.


    • thorontor 13 mai 2009 17:17

      Avec des si on mettrait paris en bouteille....

      Toujours est t’il que grâce a ces associations nous n’avons plus notre liberté de choix....

      j’aurais bien aimé allez voir cet exposition qui m’aurait permis de voir comment est fait le corps humain.

      Personne n’était obligé d’y aller mais grâce à ces association tous le monde en est interdit ...


  • Taranis21 13 mai 2009 22:10

    A tous ceux qui s’insurgent contre l’exposition de cadavres ou leur momification dans le plastique. A mon sens, le fond du problème n’est pas dans le devenir des corps sans vie, mais dans la raison qui les a fait passer de vie à trépas. Si ce sont des prisonniers exécutés, il serait bon de lutter contre la peine de mort, même en Chine et de ne pas consacrer son énergie à déplorer une exposition d’un goût douteux, certes mais qui ne nécessite pas une levée de boucliers. Les droits de l’Homme ( vivant ) me semblent plus importants et si des actions pouvaient tarir la source des cadavres, ça n’en serait que mieux .


  • Plus robert que Redford 13 mai 2009 22:22


    @ thorontor

    « j’aurais bien aimé allez voir cet exposition qui m’aurait permis de voir comment est fait le corps humain. »

    Point n’est besoin de vrais cadavres pour satisfaire votre curiosité légitime ! Il existe des tonnes de bouquins, des vidéos, des moulages en cire particulièrement réalistes où la précision le dispute à la pédagogie, qui permettraient d’étancher votre soif de connaitre la physiologie et l’anatomie humaines...
    Si la dissection des vrais cadavres est réservée aux étudiants en médecine, c’estbien pour leur permettre de se faire la main sans rien ignorer des vicissitudes qu’ils devront affronter par la suite...

    Allez, avouez-le ! la contemplation de ces anatomies éclatées, pédagogiques et informatives, c’est chiant ! 

     A moins qu’un discret parfum de charogne.. ?



    • thorontor 13 mai 2009 22:31

      L’interêt de cette exposition c’etait d’avoir tout en un endroit.
      Pour le côté chiant j’aurais bien aimé pouvoir le découvrir par moi même ;) ...


  • Reinette Reinette 14 mai 2009 00:09
    TRIBUNAL D E GRANDE INSTANCE DE PARIS
    Format de fichier : PDF/Adobe Acrobat - Version HTML
    mort exposent que la société ENCORE EVENTS présente

    Encore Events ? http://www.google.fr/search?sourceid=navclient&hl=fr&ie=UTF-8&rlz=1T4TSEE_frFR319FR319&q=soci%c3%a9t%c3%a9+Encore+Events


  • Ornithorynque Ornithorynque 14 mai 2009 11:08

    La force d’encore events est d’avoir réussi à faire passer pour les gogos, une extraordinaire cash machine pour, selon les besoins de la cause , une exposition pédagogique sur le corps humain(!), ou encore un geste d’art contemporain, ce qui permet à chaque fois d’expliquer que leur éventuelle interdiction serait le fruit de l’obscurantisme et de la censure.

    C’est simple, il s’agit simplement de faire beaucoup de cash au mépris de la dignité humaine, et du respect (qui nous différencie de l’animal encore pour quelque temps) dû aux cadavres.

    Parler de censure est l’ultime défense des marchands.


  • krolik krolik 14 mai 2009 11:51

    A pied de chaque cadavre ils auraient pu indiquer l’âge de la personne décédée et indquer la raison de la mort, avec une mise en évidence :
    - tumeur au cerveau, avec cerveau découpé.
    - infarctus
    - etc...
    Rien de tout cela.
    Si l’on veut voir des trucs incroyables en anatomie et bien l’on va visiter le musée de l’AP-HP ou des hospices civils de Lyon, ils ont de beau stocks, y compris des foetus en bocaux avec des grosses têtes, comme à Tchernobyl sensément, mais bien plus vieux que Tchernobyl.

    Et puis payer 15 euros pour la visite... ce n’est pas de la science c’est strictement du « commercial » avec la pub afférente.
    Il faut mettre ces cadavres dans un cimetière. Là où ils auraient du être depuis longtemps.

    @+


  • armand armand 14 mai 2009 14:43

    « certains tabous ne sont pas encore vraiment levés en France.  »

    C’est ça ! L’auteur raisonnerait-il de la même façon si c’était sa mère qu’on exposait dans le formol, ou plastifiée en train de jouer avec ses tripes, ou soigneusement écorchée, juchée sur un vélo... ?

    Heureusement qu’il reste un ultime sursaut de décence dans ce pays. Autrefois on avait des attroupements à la morgue, ostensiblement pour identifier les cadavres repêchés dans la Seine, en fait pour que des voyeurs morbides se rincent l’oeil. Cette expo, c’est la même chose et en plus ça fait gagner du fric. Et je ne parle même pas de la filière des exécutions pour en arriver là.


  • xa 14 mai 2009 14:55

    La décision de la Cour d’appel n’interdit pas l’exposition. Elle demande à la société d’apporter la preuve du consentement éclairé des donneurs. Avec cette preuve, l’exposition peut ouvrir. Sans cette preuve, elle ne peut ouvrir.

    Le problème est donc bien, depuis la cour d’appel, ces corps ont-ils été réellement légués à la science ou non.

    La société a décidé de se pourvoir en cassation. Mais sans preuve d’origine des corps, je ne vois pas comment la cour de cass peut suivre l’avis de la société.


  • Reinette Reinette 14 mai 2009 16:40

    Les cadavres présentés pourraient en effet être des prisonniers ou des condamnés à mort chinois. Une série d’indices permettent d’avancer cette hypothèse hautement probable :

    - Tous les morts exposés sont jeunes, sans pathologie apparente et leurs tissus sont parfaitement conservés ce qui laisse penser que leur mort a été programmée afin de les plastiner dans les meilleurs délais, avant la dégradation cellulaire ;

    - Tous les morts exposés sont Chinois or la Chine est le pays au monde qui exécute le plus (6 à 8000 exécutions par an) ;

    - Tous les corps sont masculins, or la très grande majorité des condamnés à mort sont des hommes ;

    - Les corps des condamnés à mort chinois sont rarement réclamés par les familles pour trois raisons : éloignement du lieu d’exécution, manque d’information sur la situation du prisonnier et de sa date d’exécution, honte. Les corps non réclamés sont alors donnés à des écoles de médecine et c’est précisément là que la fondation dit se fournir.


    ECPM et Solidarité Chine dénoncent cette marchandisation des morts en provenance de pays où les droits humains ne sont pas respectés et se félicitent de la décision de la justice française http://www.abolition.fr/ecpm/french/article.php?art=640


    la peine de mort en Chine http://www.abolition.fr/ecpm/french/fiche-pays.php?pays=CHN


    >> Télécharger le rapport de la Fédération Internationale pour la Justice en Chine, qui soutient l’action d’ECPM




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