vendredi 2 septembre 2011 - par Taverne

Paroliers de toujours

"Elle court, elle court, la maladie d'amour, dans le cœur des enfants de sept à soixante dix-sept ans". Ou : "Dans son vieux pardessus râpé, il s'en allait l'hiver, l'été dans le petit matin frileux, mon vieux." Ou encore : "J'ai crevé l'oreiller. J'ai dû rêver trop fort. Ça me prend les jours fériés quand Gisèle "clappe" dehors" De qui sont ces paroles qui chantent dans nos têtes ? D'illustres inconnus... 

Ce sont eux – ou elles – qui ont fait les paroles des chansons que nous fredonnons ou que nous chantons carrément en karaoké ou sous la douche. Et pourtant, leur oeuvre est méconnue quand leurs noms ne disent tout simplement rien à personne…Réparons cette injustice !

Yves Dessca : « La Maladie d’amour »…

J’ai bien dit « Dessca » et pas « DSK » ! Ce savoyard né en 1949 à Lugrin (Haute-Savoie), est – entre autres – un parolier français. Dès l’âge de 18 ans, il signe deux énorme tubes : « Le Rire du sergent » en 1971, « La Maladie d’amour » en 1973. Et allez donc ! Mais ce n’est pas tout bien sûr. Il continue en écrivant le célèbre « Gentleman Cambrioleur » de Jacques Dutronc. A son palmarès figurent aussi des titres comme « Tu m’oublieras » de Larusso, « Amoureux de ma femme » de Richard Anthony. Pour Nicoletta : « Ma vie, c’est un manège ». Et attention ! Deux – je dis bien deux ! – grands Prix du Concours Eurovision de la chanson : 1971 « Un banc, un arbre, une rue » pour Séverine (mais c’était pour Monaco). 1972 : « Après toi » pour Vicky Léandros. Cette jolie brune à l'accent charmant préfigurait Tina Arena. Son interprétation me bouleversa quand j’étais gamin. Cette fois, la victoire était pour la France. Dessca a même écrit pour Elvis Presley : « My boy ».

Vous comprenez pourquoi, il me fallait commencer par Yves Dessca. Les paroliers sont inconnus mais quand ils arrivent sur le devant de la scène, cela pêut créer de la brouille avec les interprètes. Deux exemples : Boris Bergman et Michelle Senlis.

Boris Bergman : « Gaby », « Vertige de l’amour »…

Ce français d’origine russe, né à Londres (en 1944), arrive en France avec ses parents à 14 ans. Il est déjà passionné par l’écriture. Les gros succès d’Alain Bashung, c’est lui : « Gaby Oh ! Gaby » et « Vertige de l’amour ». Mais ce n’était pas avec ce style de chansons que Bashung voulait qu’on se souvienne de lui. D’où un peu d’eau dans le gaz surtout quand Boris fera l’objet d’un grand portrait dans le journal Libération en 1981. S’ensuivront trois ans de brouille entre les deux hommes, qui se retrouvernt pour deux albums avant de se séparer à nouveau. Jean Fauque prenant la place de Bergman comme parolier. On doit aussi à Boris Bergman des choses comme le texte anglais « Rain and Tears » pour Aphrodite’s child ou encore « Fio Maravilla » (1973), un tube de Nicoletta.

Michelle Senlis : « Mon vieux »…

Il fallait une grande dame pour introduire cette grande dame. Donc, ce sera Édith Piaf ! Celle-ci fut la première, en 1955, à interpréter une chanson écrite par Michelle Senlis en collaboration avec Catherine Sauvage, intitulée « C’est à Hambourg ». Puis, Michelle Senlis rencontre Ferrat en travaillant pour Montand. C’est en 1962 que les choses se gâtent. En effet, Michelle écrit « Mon vieux », que met en musique Jean Ferrat. La chanson sera enregistrée par Jean-Louis Stain, mais passera complètement inaperçue. L’année suivante, le père de l’auteur décède. Dès ce moment, Michelle Senlis refuse que cette chanson soit interprétée. Or, en 1974, Daniel Guichard reprend la chanson, en change quelques mots et se l’accapare littéralement. Grand succès. L’auteure, se sentant trahie par le métier, décide d’arrêter. Elle continue néanmoins d’écrire, mais garde désormais ses œuvres pour elle. Elle aura quand même fait plein de belles chansons pour Jean Ferrat dont « C’est beau la vie « (1963). Elle a signé aussi des chansons de Juliette Gréco, Fabienne Thibault et Hugues Aufray.

Passionnant non ? Il y aura sans doute une suite…

Photo : Michelle Senlis



16 réactions


  • orage mécanique orage mécanique 2 septembre 2011 09:57

    je me suis toujours demandé comment on pouvait chanter les paroles d’un autre ou aimer un chanteur qui ne chante pas ses chansons.
    c’est un peu comme si quelqu’un montrait un tableau de Picasso et qu’au lieu d’aimer Picasso on aimait le gars qui tient la toile.


    • Taverne Taverne 2 septembre 2011 11:13

      Pourtant même Léo Ferré faisait appel régulièrement à un parolier (j’en parlerai plus en détails dans un prochain article). Il existe des paroliers qui savent coller parfaitement à l’état d’esprit et même à la façon de chanter de l’interprète, du sur mesure si bien que dernier peut avoir l’impression que le texte est de lui. C’est le cas de Pierre Delanoë. J’en causer aussi.

      Je fais des chansons avec Stéphane Bersier qui tantôt chante ses propres textes tantôt préfère chanter les miens. Comme Léo ferré... Il serait dommage de se priver de diversité de styles.

      Certains artistes sont exclusivement interprètes et par conséquent n’écrivent pas du tout leurs paroles. Mais leur interprétation apporte quelque chose de plus au texte.


    • orage mécanique orage mécanique 2 septembre 2011 12:14

      pourquoi faire appel à un nègre dans l’écriture c’est mal,
      et faire appel à un parolier c’est rentrer dans les moeurs ?


    • Taverne Taverne 2 septembre 2011 12:22

      Il y aussi des artistes comme Ferré, Ferrat, Brassens qui ont mis en musique des poètes. Je ne pense pas que l’on puisse traiter de « nègres » Aragon, Prévert ou Paul Fort.


    • velosolex velosolex 3 septembre 2011 16:34

      L’escroquerie, c’est de ne pas reconnaitre ses sources, ou dites tellement du bord des lèvres qu’on ne les entend pas.
      Peut-être pas la faute à Dutronc, mais j’ai entendu il y a encore quelques jours l’apologie du chanteur, sur france-inter, auteur du « Paris s’éveille », sans nommer le véritable parolier, Lanzman en l’occurrence. Un peu irritant, même s’il a été payé pour, et fort bien.
      Cependant, générer un portrait flatteur et inspiré à travers les paroles et le génie d’un texte venu d’un autre, c’est le vol le plus grave que l’on puisse faire.
      En même temps qu’un supercherie, et le portrait en faux, auquel Jacques Dutronc lui-même ne peut s’identifier, et faire valoir ses propres mérites d’interprête.


  • LE CHAT LE CHAT 2 septembre 2011 10:33

    J’aime bien dans ce rôle Jacques Lanzmann qui a écrit des tubes inoubliables pour Dutronc


  • SATURNE SATURNE 2 septembre 2011 14:13

    A propos de Bergman, vous dites : « les plus gros succès de Bashung, c’est lui ».

    Dites, vous sortez du congelateur, ou d’un coma de 25 ans ??
    Parce que qualitativement comme du coté des chiffres de la SACEM, c’est pas Bergman le meilleur....

    Pour le reste, il n’y pas que des inconnus à la plume qui travaillent pour des stars au micro :
    Stephan Eicher s’est adjoint sur deux albums les textes de Philippe Djian, par exemple, ce qui est bien plus original à relever.


  • Taverne Taverne 2 septembre 2011 18:07

    J’aime bien improviser selon l’actualité. En ce moment on parle de....de Qoué ? de la méthode Coué...

    La méthode Coué

    Avec sa méthode c’est tout vu,
    Tous les jours à tout points de vue,
    je vais de mieux en mieux
    Qui dit mieux ?

    Pas vous mais soyez pas vexé.
    J’étais timide et complexé
    J’ai décidé de me vouer
    Entièrement à la méthode Coué.

    Avec la méthode Coué.
    Tu ne peux pas échouer
    Ton compte sera renfloué,
    Tes problèmes seront dénoués.

    Ce Coué m’a vraiment secoué.
    Depuis je suis toujours enjoué
    Ma femme aussi j’dois l’avouer
    Répond bien mieux à mes souhaits.

    Refrain :

    Vla qu’elle revient à la mode
    Sa méthode, sa méthode !
    Il a vraiment mis dans l ’mille,
    avec sa méthode Emile.


  • Taverne Taverne 2 septembre 2011 18:30

    Ne vous fiez pas aux paroliers

    Ne vous fiez pas aux paroliers
    Ce sont tous des marchands d’chansons.
    Il faut être fou à lier
    Pour accorder de l’attention

    A ces trousseurs de chansonnettes
    Au seul vu de leurs mines honnêtes.
    Tu seras foutu si tu prêtes
    Plus de crédit aux interprètes.

    Quant aux auteurs
    n’en parlons pas
    Ils te regardent avec hauteur
    Et se prennent pour des sherpas.

    Je donne pas cher de ces sherpas.
    Chers parents, n’écoutez pas !
    Rien ne vaut moins que ces vauriens
    Qui font de l’argent avec rien.

    Ecoutez plutôt votre enfant
    Donnez-lui des crayons d’couleurs
    Car c’est ainsi que l’on défend
    L’art et pas par le vers racoleur.


  • norbert gabriel norbert gabriel 2 septembre 2011 19:45

    un comédien n’écrit pas les textes qu’il joue .. en chanson il y a tous les cas de figure, l’exemple le plus abouti étant Reggiani, je cite Moustaki « Serge est l’auteur de 200 chansons qu’il n’a pas écrites »
    Ferrat a été dans toutes les configurations, ACI, interprète, « simple » compositeur, est-ce que ça change quoi que soit ?
    Bécaud aussi a été un interprète exigeant et exceptionnel, il y avait Amade, Vidalin, Delanoé, mais c’était toujours des chansons de Bécaud
    Et Piaf aussi a été dans toutes les configurations, interprète, auteur, on voit une différence ?


  • norbert gabriel norbert gabriel 2 septembre 2011 19:52

    On peut aussi citer Salvador, qui a su trouver quelques auteurs de haute volée, comme Bernard Dimey. Salvador qui suivait avec attention Leprest, par exemple, malgré des positions politiques aux antipodes... mais il allait parfois l’écouter en salle ... discrètement...
    Pour les choix, et les chansons polémiques, si un comédien n’est pas forcément l’homme de ses rôles, est-ce qu’un chanteur est toujours l’homme de ses chansons ?? (Salut Sardou ..)
    Pas toujours, pas toujours...


  • Peachy Carnehan Peachy Carnehan 2 septembre 2011 23:00

    J’ai bien dit « Dessca » et pas « DSK » !

    Excellent.

     smiley


  • A. Nonyme A. Nonyme 2 septembre 2011 23:09

    « Les ombres s’échinent à me chercher des noises »... Bergman je crois.

    Mais le meilleur est auteur, compositeur, interprète : Lucien Ginsburg !


  • Fergus Fergus 2 septembre 2011 23:18

    Bonjour, Paul.

    Bel hommage à ces auteurs méconnus qui ont pu produire, ici et là, des textes superbes. A mettre en perspective avec ces auteurs à succès hyper connus qui ont écrit beaucoup de navets que de textes de qualité, à l’image de Marguerite Monno, parolière de Piaf.


  • Fergus Fergus 2 septembre 2011 23:19

    Monnot, of course !


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