mardi 4 décembre 2018 - par Theothea.com

« Peau d’Âne » Du Film de Jacques Demy à La Scène du Marigny

Le théâtre Marigny, fermé pour travaux durant 5 longues années, a revêtu ces plus beaux atours pour inaugurer sa réouverture. Le spectacle proposé brille de mille feux contrastant d'ailleurs avec la sobriété du grand hall d'accueil habillé essentiellement d'un noir très chic et débouchant sur une grande salle qui s'éclaire en blanc et or dans laquelle va exploser la comédie féerique détonante sur laquelle le nouveau directeur Jean-Luc Choplin, qui fut à la tête du Châtelet de 2004 à 2016, a misé, c'est-à-dire "Peau d'Âne", le film de Jacques Demy et Michel Legrand d’après le conte de Perrault adapté, pour la première fois, sur une scène théâtrale. 

    

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PEAU D’ÂNE
© Julien Benhamou

    

La Comédie musicale du metteur en scène espagnol Emilio Sagi s'ouvre sur un plateau recouvert de miroirs et envahi par une forêt impressionnante, celle où se cachera Peau d'Âne pour échapper aux griffes de son père. Un rideau de perles sur lesquelles dégoulinent et scintillent les lumières vient estomper ce décor éclatant derrière lequel va surgir la narratrice, ici, Claire Chazal qui, dans une robe psychédélique fuchsia ceinturée de grosses roses, introduit le spectacle. 

  

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PEAU D’ÂNE
© Julien Benhamou

  

On plonge vite dans l'univers onirique du conte et, par ses couleurs vives qui se nourrissent du pop art, on retrouve là toute l'influence du cinéaste des années 70. La symbolique en est riche : le bleu domine du côté du château d'où provient Peau d'Âne rappelant le conte de Barbe bleue, avec le Roi bleu qui propose à sa fille de l'épouser. Le rouge du royaume où Peau d'Âne se réfugie évoque au contraire une dimension idyllique où la jeune Princesse peut échapper à son géniteur et, ainsi, rencontrer le Prince rouge qui en tombe amoureux. Enfin, le blanc de l'innocence et de l'amour sublimé nimbe tous les personnages lors des noces de la Princesse et du Prince. Les costumes démesurés de Pepa Ojanguren qui a investi sur le brillant, le strass et les paillettes sont chatoyants et magnifiques.

 

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PEAU D’ÂNE
© Julien Benhamou

 

Mais qui parle de Peau d'Âne n'entend-il pas la musique iconique de Michel Legrand qui pétille dans ses oreilles. Pour cette création qui l'a émoustillé, ce dernier, à 86 ans, a retravaillé la partition, allongeant certains morceaux pour accompagner le passage de l’écran à la scène. Toutes ces mélodies sont exécutées en live par l'orchestre du théâtre Marigny.

Quant au fameux "cake d'amour", il est chanté avec justesse par Marie Oppert à qui les rôles de Catherine Deneuve vont bien puisqu'elle jouait Geneviève dans "Les parapluies de Cherbourg". Sa fraîcheur porte le rôle-titre face au prince du Royaume rouge, Mathieu Spinozi, un peu moins à l'aise bien qu'il ait physiquement un petit air qui rappelle Jacques Perrin, le Prince dans le film.

 

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PEAU D’ÂNE
© Julien Benhamou

  

Et ce copier-coller des ressemblances est particulièrement frappant chez Michaël Denard, le père de Peau d’Âne, le Roi du royaume bleu. Son timbre de voix et sa gestuelle ne sont pas sans rappeler ceux de Jean Marais, mimétisme troublant pour cet ancien immense danseur étoile de 73 ans. Marie-Agnès Gillot qui vient de prendre sa retraite de l’Opéra national de Paris est, elle, une resplendissante Reine au port majestueux faisant virevolter avec une superbe élégance sa flamboyante robe.

Et que dire de la Fée des lilas, toute de mauve vêtue, Emma Kate Nelson dont l'accent anglais rappelle celui, délicat et chantant, de Delphine Seyrig. Jouant la marraine excentrique aux conseils délirants, faisant revêtir successivement sa filleule de robes couleur "du temps", couleur "de lune" et couleur "du soleil", elle se déplace en trottinette et, malicieuse à souhait, charme complètement le public.

 

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PEAU D’ÂNE
© Julien Benhamou

  

Le choeur des figurants jouant les accessoiristes déplace les objets ou les éléments de décor en pas de deux, en menuet, avec une grâce visuelle et sonore incontestable.

Le voeu de Jean-Luc Choplin est exaucé. Faire du Marigny "un théâtre du beau temps". Peau d'Âne, conte basé sur la transgression, devient une comédie fantasmagorique, merveilleusement baroque et légère comme les bulles musicales qui nous poursuivent après le spectacle.

  
photos © Julien Benhamou
   
PEAU D'ÂNE - **** Cat'S / Theothea.com - d'après Charles Perrault & Jacques Demy - Musique Michel Legrand - Direction artistique Emilio Sagi - avec Marie Oppert, Michael Denard, Emma Kate Nelson, Olivier Fredj, Marie-Agnès Gillot, Christine Gagnieux, Franck Lopez et la participation exceptionnelle de Claire Chazal - Orchestre et Chœurs du Théâtre Marigny - Théâtre Marigny
  

  
  

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PEAU D’ÂNE
© Julien Benhamou

   




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