mardi 23 avril 2013 - par henry_jacques

Peindre la ville

  Peintures abstraites ou superbes trompe l’œil, les artistes ont investi la grisaille des façades d’immeubles. Les peintures murales constituent une des expressions artistiques les plus anciennes dans l’histoire de l’humanité. 

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©JPPorcher / Université de Toulouse Mirai

  L’idée de départ, améliorer le cadre de vie. Il s’agit de rénover ou de camoufler les murs pignons mis à nu lors des grands travaux d’Haussmann, et plus récemment avec la démolition d’immeubles insalubres. Dès les années 30, les entreprises utilisèrent les murs à des fins publicitaires. Banania, Bébé Cadum et Dubonnet s’affichent jusqu’en 1943, année où la réclame picturale est strictement réglementée. Elle cède la place aux trompe l’œil élaborés par des artisans. Il faudra attendre les années 80 pour qu’apparaissent des œuvres magistrales.

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©JPPorcher / Quartier des Canuts à Lyon. Fresque en hommage à l’abbé Pierre

 Le support est visible, peu coûteux et solide. L’œuvre peut être destinée à durer, et le message peut compter sur une longue durée de diffusion. Le support est donc idéal pour qui veut que son message soit vu, compris, assimilé et mémorisé, et qu’il résiste efficacement à la censure. La diffusion s’inscrivant dans la durée, l’auteur du message peut investir davantage dans son élaboration ou sa représentation artistique. On trouve ainsi des représentations extrêmement abouties, ce qui renforce d’autant plus l’efficacité du message.

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©JPPorcher / Fresque murale dans Gaza
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©JPPorcher/ Fresque murale de Miss Van dans Toulouse
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©JPPorcher/ Fresque murale c/ Ample en Barcelona
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©JPPorcher/ Fresque murale dans une église de Managua au Nicaragua
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©JPPorcher/ Fresque murale à Freetown en Sierra-Leone

Peindre les murs c’est résister

 Les peintures murales d’Irlande du Nord sont bien connues. L’affiche y est davantage utilisée, toujours sur le même support : le mur. Les peintures murales sont ici l’expression du conflit ethno-nationaliste et du processus d’identification nationale.

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©JPPorcher/ Portadonn- Irlande du Nord, après une nuit d’émeutes

 Des concentrations particulièrement importantes se situent dans des zones de conflit, le support étant « naturellement adapté » dans ces situations. La zone la plus connue et la plus étendue se situe en Irlande du Nord.

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©JPPorcher/ Belfast dans Falls road - Irlande du Nord

 La fin des années 1970 et le début des années 1980 fut une période clé dans les deux conflits, et ce n’est probablement pas le fruit du hasard si l’explosion du nombre de peintures murales se situe à ce moment là.

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©JPPorcher/ Fresque murale dans le quartier des Falls à Belfast

 Depuis cette explosion, les peintures murales forment une expression nationaliste permanente, et une curiosité, voire un attrait touristique depuis le développement du processus de paix.

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©JPPorcher/ Célèbre fresque « Petrol bomber » dans le Bogside à Derry

Mur…mur d’Art Mur

 Au détour d’une rue de la capitale, on découvre ses autoportraits, créatures chevelues et sensuelles. Ses messages bombés en rouge et noir, griffés de son pseudo Miss Tic, sont familiers des parisiens.

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©JPPorcher/ Pochoir et aphorisme de Miss Tic

 Poête et plasticienne de ‘’déformation’’ comme elle aime le dire, son art s’étale dès 1985 sur les murs. Ses textes moqueurs et si bien pensés visent tous ceux qui se prennent au sérieux : des pseudos révélations de l’art académique aux ‘’créatifs’’ sortis des écoles de publicité. 

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©JPPorcher/ Détournement du tableau de Botticelli dans « Muses et Hommes ».

 Ses pochoirs sont aussi un moyen moderne et médiatique de faire lire la poésie, afin qu’elle ne reste plus élitiste.

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©JPPorcher/ Pochoir et aphorisme de Miss Tic

 Tout est travaillé, pensé dans l’atelier, le texte définit le travail. Miss Tic aime changer de support : toile, papier, brique. Aujourd’hui reconnue, l’artiste vit grâce aux commandes des collectionneurs et expose régulièrement dans différentes galeries.

 La légende raconte que tout a commencé quand un de ses amants la quitte en lui assénant « Je ne peux plus te voir en peinture ». Elle le prend alors au mot… 

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©JPPorcher/ Détournement du tableau de Toulouse Lautrec dans « Muses et Hommes ».

 Et pour se venger de ce cruel, elle peint sur son trajet des silhouettes enjôleuses, sortes de doubles sublimés d’elle-même, qui déclament des rimes comme on dégaine une arme « J’enfile l’art mur pour bombarder des mots coeurs » clame l’un de ses premiers pochoirs.

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©JPPorcher/ Miss Tic réalisant un pochoir.

 Une diversité de fonctions est attribuée aux peintures murales. Les peintures murales sont en général utilisées comme illustrations de travaux sur les conflits. Elles sont aussi le fait que ces représentations prennent tout leur sens dans leur environnement spatial, qu’elles ne peuvent être déconnectées des quartiers où elles sont situées, car c’est dans ce cadre que doit être située leur fonction première : l’art à l’assaut des murs.



14 réactions


    • henry_jacques henry_jacques 23 avril 2013 19:17

      « Comment taire, comment dire » 

      Miss Tic est la poétesse des murs dégradés, des mots tendres et spontanés, avec parfois des aphorismes acerbes à l’encontre des artifices. Son éditeur est la rue.


  • Ariane Walter Ariane Walter 23 avril 2013 15:47

    Bonjour selena !


    Oui, je gouvernerai un pays , j’offrirai tous ses murs a l’art et la beauté !

  • rocla (haddock) rocla (haddock) 23 avril 2013 18:45

    Un poète a été projeté contre un mur avec un lance-poète 


    on vit  jaillir des mots  rouges gouliner 

    zic - hip-hop - jazz et java - Qu’est ce qu’ on attend pour faire 
    la fête -Vaut mieux Plutarque jamais - des épithaphes ci-gît 
    amourtoujours -mon père ce héros au sourire si doux -
    scaphandrier-salade-pinson-ours .

    L ’autobus passa avec trois poissons bleus sur le toit .

    • Sandro Ferretti SANDRO FERRETTI 23 avril 2013 21:21

      Beau sujet. Merci pour Miss Tic , à qui j’avais rendu hommage il y a quelques années ici même.

      Pour Had et Sabine : c’était bien la peine de lancer un sujet en l’air et une bouteille à la mer, sous l’article de Had.

      Je l’ai relancé, il y a près d’un mois, et personne n’a suivi.

      Déçu, mais déçu...

      Enfin bon, vaut mieux Plutarque que jamais.


  • L'enfoiré L’enfoiré 23 avril 2013 19:20

    Et à Bxl, c’est même du tag au tact

    Il suffit de se promener pour en trouver. smiley

  • Hervé Hum Hervé Hum 23 avril 2013 21:09

    Cela me rappelle quand j’étais en Guyane à Cayenne, je voyais bien la ville faire une sorte de festival d’art mural quartier par quartier, année après année pour faire de Cayenne la ville Toucouleur et attirer l’attention sur elle...

    Bon, je suis un idéateur, mais cela s’arrête là... Jusqu’à présent !


  • COVADONGA722 COVADONGA722 23 avril 2013 22:46
    Yep beau sujet , aérant les remugles viciés qui règnent en maître ici !
     à contrario les tags sur les mur de Marseille sont bien laid à l’image de la ville entrée en putréfaction.
    yep je vais jouer l’ancien combattant vaincu ,qui se souvient ? des fresques si belles sur les murs de Lisboa juste après la révolution des capitaines aux œillets ! le monde semblait a conquérir
     et les filles si belles !!
    l’ane salue l’ami virtuel trop rare, qui vient de passer 
    Asinus : ne varietur 

  • Ruut Ruut 24 avril 2013 06:47

    Les jolies peintures oui, les tags non.



  • Piere CHALORY Piere Chalory 24 avril 2013 12:03

    Bonne idée cet article, ça nous change un peu des attentats de Boston, guerres et autres nouvelles sinistres. J’ai moi m^me commis quelques exactions picturales sur les murs de Marseille, notamment lors de performances couplées avec des concerts de groupes locaux. Dont celle ci ;





  • rocla (haddock) rocla (haddock) 24 avril 2013 13:31

    Bien vu Piere .La turpein et la zic c ’est tag attaque ..


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