samedi 30 mai 2020 - par rosemar

Pour écouter la musique des mots...

Les mots assemblés dans les phrases produisent une sorte de musique, une véritable mélodie, grâce à leurs sonorités. La poésie fait intervenir des effets de sonorités et a été, elle-même, souvent mise en musique : Brassens, Léo Ferré ont repris des poèmes d'Aragon ou de Victor Hugo. La musique des mots nous permet de mieux apprécier un texte, d'en savourer, aussi, tout le sens.

 

Les sons produisent des effets très différents et divers : doux ou durs, ils sont souvent en adéquation avec les idées exprimées dans un texte...

La phonétique permet de distinguer les sonorités et a pour but de classer les phonèmes, en fonction de leur articulation et de leur prononciation.

 

Les consonnes, tout d’abord, donnent lieu à des effets variés :

On distingue les gutturales, prononcées avec le fond de la gorge : les sons "gue, que, re". La gutturale est considérée comme une consonne assez dure, pleine d’âpreté, sans doute, parce que son articulation part du fond de la gorge… La langue allemande comporte de nombreuses gutturales, elle est réputée pour être pleine de rudesse.

On peut, aussi, évoquer les dentales, prononcées la langue contre les dents : les sons "d et t". Les dentales sont, dit-on, assez éclatantes.

Les labiales "b, p, m" sont articulées avec les deux lèvres rapprochées et représentent donc l’image même du baiser et de la sensualité, dans la poésie amoureuse.

Les sifflantes "s, z "sont des phonèmes pleins de douceur et d’harmonie… La fricative "f " donne, aussi, une impression de tendresse.

Les chuintantes "ch, ge" apparaissent, également, très légères et douces.

 

Quant aux voyelles, elles sont, parfois, associées à certaines idées : la voyelle "i", assez aiguë, peut faire songer à un cri.

Les voyelles nasalisées, les sons "on, in, an" ont pour effet de ralentir le rythme des phrases et donnent, parfois, une impression de rêverie, de doux balancement…

 

On voit que les sons peuvent faire naître des émotions, des sentiments bien distincts, les écrivains, notamment les poètes, les utilisent pour créer une certaine musicalité, une certaine harmonie.

On peut, ainsi, observer ce vers de Victor Hugo :

"Le soleil s'est couché, ce soir, dans les nuées..."

Cet alexandrin qui ouvre le poème intitulé Soleils couchants est particulièrement doux : on repère, à 4 reprises, l'emploi de la sifflante "s" : c'est une allitération. La chuintante "ch", utilisée au milieu du vers renforce cette impression.

Victor Hugo, dès ce premier vers, décrit la beauté d'un coucher de soleil, grâce à une harmonie de sonorités : le lecteur perçoit d'autant mieux le calme de ce tableau, plein de charmes, de sérénité.

 

La Fontaine dans la fable, Les animaux malades de la peste, évoque, au début du texte, cette terrible maladie :

"Un mal qui répand la terreur

Mal que le Ciel en sa fureur

Inventa pour punir les crimes de la terre,

La Peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom)

Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,

Faisait aux animaux la guerre.

Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés..."

On remarque, dans cet extrait, l'emploi récurrent de la consonne gutturale "r" : La Fontaine traduit, ainsi, la violence de l'épidémie et la peur qu'elle suscite.

Nous sommes indéniablement sensibles à la musique des mots et nous percevons la dureté ou la douceur de certaines notes consonantiques ou vocaliques.

 

Ainsi, les mots constituent une sorte de mélodie et leur enchaînement peut nous emporter dans des univers teintés de nuances variées : rêve, émotion, peur, angoisse, harmonie...

 

Le blog :

http://rosemar.over-blog.com/2015/10/pour-ecouter-la-musique-des-mots.html

 

Vidéo :



38 réactions


    • pemile pemile 30 mai 2020 21:10

      @rosemar « et les effets produits. »

      Et il est démontré que ces « effets produits » sont identiques chez chacun ou à minima chez une majorité ?


    • rosemar rosemar 30 mai 2020 21:12

      @pemile

      Regardez, écoutez les exemples que j’ai donnés dans l’article : qu’en pensez-vous ??


    • pemile pemile 31 mai 2020 23:57

      @rosemar « La forme est là pour souligner les idées »

      Pourtant un brouilage de la forme laisse passer les idées ?

      Sleon une édtue de l’Uvinertisé de Cmabrigde, l’odrre des ltteers dnas un mot n’a pas d’ipmrotncae, la suele coshe ipmrotnate est que la pmeirère et la drenèire lteetrs sinoet à la bnnoe pclae. Le rsete peut êrte dnas un dsérorde ttoal et vuos puoevz tujoruos lrie snas porblmèe. C’est prace que le creaveu hmauin ne lit pas chuaqe ltetre elle-mmêe, mias le mot cmome un tuot.


    • JC_Lavau JC_Lavau 1er juin 2020 10:03

      @pemile. Dans Lauriers coupés, Courteline a expliqué l’effet de peu de coquilles mises par pur hasard par le typographe :
      ... Je vous envoie ce petit pot pour vous dire que je me suis levée catin...


    • Nicole Cheverney Nicole Cheverney 1er juin 2020 22:08

      @mikadonf

      Bonsoir, justement, je n’en sais rien, et ne connais personne de la direction d’Agoravox.


    • foufouille foufouille 2 juin 2020 10:38

      @Nicole Cheverney

      installe ccleaner et un anti spyware récent si tu en as pas.

      utilise la version mobile au lieu de www pour voir vu que l’affichage est simplifié.


    • pemile pemile 2 juin 2020 11:22

      @Nicole Cheverney " J’ai un frère qui est un crack en informatique, il pourra résoudre très facilement mon problème. De plus, il connait très bien Linux. Je vais donc attendre qu’il vienne, fin juin, et je pourrai recommencer à aller sur Agoravox"

      Demandez lui déjà de tester, depuis chez lui, l’accès aux articles d’Agoravox avec vos identifiants ?


    • Nicole Cheverney Nicole Cheverney 2 juin 2020 12:47

      @pemile

      Bonjour, il est à l’étranger (Sud Espagne) et je ne peux le joindre qu’à travers des mails. Je vais donc lui poser la question.


  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 30 mai 2020 20:38

    Mal barrée la Rosemar avec le re’ho maioi qui a très peu de consonnes...pourtant langue qui est considérée comme l’italien du pacifique sud .


  • Clark Kent Séraphin Lampion 31 mai 2020 07:22

    Quand les sons seront tous décalés, notre bouche pourra-t-elle encore les débiter ?


    • JC_Lavau JC_Lavau 31 mai 2020 09:51

      @Séraphin Lampion : « Quand les sons seront tous décalés, notre bouche pourra-t-elle encore les débiter ? ». A merveille sur le sujet.


  • Jean Dugenêt Jean Dugenêt 31 mai 2020 08:24

    « les sons »d et t« . Les dentales sont, dit-on, assez éclatantes. »

    Dans le contexte des « hécatombes » de Brassens où « tant de têtes tombent » le « t » fait nettement le bruit d’un couperet.


    « Les sifflantes »s, z « sont des phonèmes pleins de douceur et d’harmonie… »
    Les sifflantes nous sifflent simplement aux oreilles comme les fameux serpents qui sifflent sur nos têtes.


    • Clark Kent Séraphin Lampion 31 mai 2020 08:48

      @Jean Dugenêt

      ce n’est pas ce qui manque ! Voir dans Wikipédia :


      • Allitération qui vise une harmonie imitative avec la reproduction du bruit du serpent par redoublement des consonnes sifflantes :

      « Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? » Racine (Andromaque)

      • Allitération suggestive en dentale d et labiale m, avec assonance des voyelles o et a ,qui évoque le sommeil :
      • « Dormeuse, amas doré d’ombres et d’abandons ».
      • La Dormeuse. Poème de Paul Valéry.1920.
      • Allitération imitative en dentales t et d, évoquant le son du tambour :
      • "Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueur".
      • La femme noire. Poème de Léopold Sédar Senghor.
      • Allitération qui vise une harmonie imitative avec la reproduction du mot huissier sous plusieurs formes en tenant compte des liaisons phonétiques : « Dans son étude, si ça lui siedl’huissier a l’huis scié ; Lũis y est, mais celui-ci hait l’huissier, car il a, lui, six haies » - Guy BARTHELEMY : illustre inconnu né le 2 août 1956 à Laxou, Meurthe et Moselle, FRANCE]
      • Allitération évoquant le bruit de l’hélice : « Y a pas d’hélice hélasc’est là qu’est l’os. » — La Grande Vadrouille.
      • En chanson chez Boby Lapointe pour évoquer le tic tac de l’horloge après une rupture

      « Ta Katt’quitté (tic-tac tic-tac)
      T’as plus qu’à tcuiter
      Et quitter ton quartier (...)
      Ttactique était toc »

      — Boby Lapointe(Ta Katy t’a quitté)

      • Le virelangue :
        • « Un chasseur sachant chasser sans son chien de chasse est un chasseur qui chasse assez bien »
        • « Un chasseur sachant chasser doit savoir chasser sans son chien »
        • « Les chaussettes de l’archiduchesssont sèches, archisèches »
        • « Csoir, je suis chez ccher Serge  » (toutes les trois des allitérations en CH et en S).
        • Même dans les slogans publicitaires : « Je suis passé chez Sosh ».



    • rosemar rosemar 31 mai 2020 08:56

      @Jean Dugenêt

      « Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes... »
      Une belle allitération menaçante, mais il faut tenir compte du contexte et d’une autre sonorité présente dans ce vers : la gutturale « qu » qui est dure...


    • JC_Lavau JC_Lavau 31 mai 2020 10:01

      @ZXSpect. L’analyse statistique du choix des mots et associations de mots a établi que seize pièces de Molière, notamment toutes celles en vers, sont de la main de Pierre Corneille. Et au moins les deux premiers actes du Bourgeois Gentilhomme.
      Molière fournissait la trame et les gags.


    • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 31 mai 2020 10:46

      @JC_Lavau

      Hummm ...debat non tranché il me semble ..


    • Clark Kent Séraphin Lampion 31 mai 2020 11:48

      @JC_Lavau

      Une étude statistique de Florian Cafiero et Jean-Baptiste Camps datant de fin 2019 (lien) a analysé des textes de Molière et Corneille à l’aide de six méthodes différentes :

      • fréquence des mots
      • fréquence des unités lexicales
      • fréquence des rimes
      • fréquence des mots-outils
      • ordre des éléments des phrases
      • fréquence des successions de mots de trois natures grammaticales donnée

      Cette étude a montré que toutes les pièces analysées ont été écrites par les auteurs qui ont signé les textes concernés et auxquels elles sont traditionnellement attribuées. Pour eux, Molière est bien un auteur différent de Corneille et de tout autre « nègre » présumé.


    • rosemar rosemar 31 mai 2020 11:50

      @Séraphin Lampion

      MERCI pour ces précisons et cette mise au point !


  • Decouz 31 mai 2020 12:54

    Oui mais il arrive que les peintres par exemple signent des tableaux exécutés par leurs disciples, tellement ces derniers ont assimilié la manière et le caractère de leur maitre, éventuellement ils peuvent apporter quelques corrections.

    On peut supposer aussi que dans le théatre (mais pas uniquement) l’auteur devienne un peu médium et revête le caractère de tel ou tel personnage qui doit en avoir son propre discours différent de celui d’un autre.

    Enfin dans des temps anciens, la notion d’auteur n’avait pas la même signification, on ne cherchait pas forcemment la notoriété individuelle pour une oeuvre nouvelle, mais on l’attribuait à un auteur déjà connu et respecté ce qui lui conférait une autorité.


  • arthes, Britney for ever arthes 31 mai 2020 16:07

    Et la métrique la dedans ?

    La musicalité de la poésie, avec la métrique syllabique ?

    Personne pour évoquer cela ???

    Le rythme bordel, the beat !!! smiley

    Rosemar ????


    • JC_Lavau JC_Lavau 31 mai 2020 16:48

      @arthes. Pasternak a évoqué combien le tétramètre de Pouchkine se mesure à la Russie entière.
      Iévguin Oniéguin.


    • arthes, Britney for ever arthes 31 mai 2020 17:00

      @JC_Lavau
      Une merveille !!!
      Me semble être  toute pitite devant cette oeuvre....
      Que je dois relire, encore et encore, comme Faust.
      Eugène Onéguine, c’est de l’orfèvrerie, Pouchkine, le Mozart de la littérature Russe.


    • JC_Lavau JC_Lavau 31 mai 2020 17:43

      @arthes. Le suédois et le norvégien ont une autre particularité unique en Europe : ce sont des langues chantées. Ce qui les oppose au danois, par exemple.
      Un problème dans mes tâches de garde-malade d’avant le confinement : l’édition française de Nils Holgersson cumule les fautes typographiques, faute pour l’imprimeur d’avoir approvisionné la bonne fonte.
      Pour rétablir la bonne prononciation des noms propres j’ai dû d’abord charger les 55 chapitres du texte d’origine, puis deux versions parlées, L’une en deux cd juste parlés, l’autre en 53 chapitres, en suédois simplifié et illustré, pour débutants. Qui m’a démontré que ma prononciation avait grand besoin d’être améliorée dans cette langue.

      Par exemple, dans Den mystika stjärnan (L’étoile mystérieuse, page 14) , Tintin qui veut arrêter le saboteur qui s’enfuit de l’Aurora doit crier en double-ton « Stanna ! Stanna ! ».  Double ton : sur « Stan », la voix descend, sur « na », elle est plus haut perchée qu’au départ. Impensable pour qui a l’oreille franco-française. La phonétique française est beaucoup plus morne.


    • JC_Lavau JC_Lavau 31 mai 2020 17:48

      @JC_Lavau. Erreur. Iévguiéniï Oniéguin.
      Je n’ai plus ce livre depuis 21 ans : volé.


    • Decouz 31 mai 2020 21:32

      @JC_Lavau

      Chaque langue a une « soupe » de base qui correspond aux sons les plus employés, les rythmes, les intonations, ce qui permet de reconnaitre une langue alors même que l’on ne la comprends pas.
      Mandarin : 4 ton, cantonnais 9 tons, Vietnamien 6 tons, on a vraiment l’impresssion d’entendre un chant.


    • rosemar rosemar 1er juin 2020 08:51

      @arthes

      Bien sûr, le rythme contribue aussi à la musicalité des textes et plus particulièrement de la poésie...


  • arthes, Britney for ever arthes 31 mai 2020 16:11

    Bon, allez, rythme, cool sympa (parce que ..Renaud, bah,bof, mais devenu beurk, Sandro doit déja avoir préparé son brouillon pour son futur papier nécro hé hé )

    https://youtu.be/bS3O5zg290k


  • JC_Lavau JC_Lavau 1er juin 2020 10:07

    « l’emploi récurrent de la consonne gutturale « r » ». A Carcassonne, le r est apical. Comme en russe.


  • Francis, agnotologue JL 4 juin 2020 08:05

    « La poésie, on ne sait pas ce que c’est, mais on la reconnaît quand on la rencontre. » Jean L’Anselme, poète

     

     


  • gerard12 7 juin 2020 23:39

    Merci pour cet article très inspirant. Les mots ont effectivement quelques chose de magique lorsqu’ils sont prononcés dans un certain ordre. C’est un sujet très intéressant en tout cas. 


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