mercredi 23 août 2017 - par C’est Nabum

Quand les livres se vendent sous le manteau

L’engorgement des librairies.

Tout le monde a quelque chose à écrire désormais et comme me le faisait justement remarquer un photographe, un peu piqué par mon billet, « Si la photo est bonne », l’explosion des écrits de toute nature est de même nature que celle des photographies. L’ordinateur et les réseaux sociaux ont fait de chacun de nous des êtres en mal d’expression.

Les plus adroits dans l’art complexe de manier la langue, d’assembler des phrases, d’aligner quelques mots en ne commettant pas trop de fautes d’orthographe ni de syntaxe sont alors remarqués dans le flot de banalités bancales et impudiques qui sont offertes à la curiosité de tous. Ils se prennent à rêver d’être eux-mêmes des auteurs. J’en sais quelque chose, j’ai moi-même succombé à ce délire narcissique.

Hélas, bien vite la réalité se fait affliction. Les maisons d’édition font la sourde oreille aux chants des sirènes de la toile. Il n’est pas possible de les en blâmer tant sont nombreux désormais les scribouillards qui se rêvent des destins à la « Alexandre Vialatte ». Les chroniques font florès sur le net et un grand flop en librairie. Le lecteur est assez frileux dès qu’il s’agit de payer et je le crains, assez cossard pour lire entièrement un texte y compris sur son ordinateur.

C’est ainsi que le nombre supposé de lecteurs correspond le plus souvent à des gestes compulsifs, des clics, rarement suivis d’effet véritable. Le titre est parcouru, les premières lignes sont survolées puis le reste est rapidement délaissé avant que d’être définitivement oublié. Le visiteur occasionnel passe très vite à autre chose, pignocher est la règle dans ce petit monde virtuel.

Se berçant d’illusions, l’auteur numérique se pense investi d’un talent littéraire fort de l’adoubement des fantômes qui peuplent son compteur de visites. Il s’imagine alors être en mesure de franchir le pas, passant de l’écran immatériel à la page par le truchement du livre. C’est alors que débute pour lui le grand parcours du combattant en zone hostile.

Pour publier dans une maison ayant pignon sur rue et réputation flatteuse, il convient d’avoir un immense talent, ce qui est fort rare ou bien de disposer d’un nom clinquant qui attirera les gogos. Pour les seconds, pas de soucis à se faire, la machine médiatique est capable de faire passer des textes insipides pour de somptueux récits même s’il faut parfois tout faire réécrire par une plume souterraine. Pour les premiers, la chance doit jouer son rôle pour sortir du lot et émerger de ce fatras indigeste.

Quant à tous les autres, les besogneux, les inconnus, les talents incomplets, les sans grade et les anonymes, la désillusion est à la hauteur des espérances. Les portes se ferment et seules quelques maisons d’édition locales leur ouvrent les portes. C’est alors une fausse joie. Le livre existera mais sera si peu distribué qu’il croupira en arrière plan dans des rayons régionalistes qui n’attirent personne.

S’étant brûlé les ailes, le plumitif irréductible décide alors de se charger lui-même de la diffusion et opte alors pour l’auto-édition. Dans ce cas-là, les choses sont bien plus claires, l’auteur ne compte que sur lui-même et déploie alors des trésors d’ingéniosité pour se faire entendre tout en renonçant à mesurer son temps et ses efforts. Il se lance ainsi dans un marathon de séances de dédicaces en maison de la presse, de longues attentes dans les salons du livre régionaux, de patientes démarches auprès de supermarchés disposant d’un rayon culture, les librairies ayant d’autres chats à fouetter.

L’auteur vend sous le manteau, il fait le pied de grue pour attirer le chaland, il se met en scène ou bien en Loire pour attirer l’attention, il fait le clown ou bien il défraie la chronique pour que son enfant bénéficie d’une petite couverture que je qualifierai de survie. Il n’a pas d’autres solutions pour exister dans ce monde impitoyable du livre. Pour lui, les ventes se comptent en dizaines tout au plus et il convient de s’en satisfaire.

Voilà vous savez tout. Vous comprendrez mieux pourquoi « Règlement de Conte sur la Loire » ne se trouvera pas dans les librairies et tant qu’à le vendre sous le manteau, autant le faire avec humour et distance, auto dérision et imagination. Mon vieil ami La Pistole, le colporteur des livres d’antan, n’est plus. Je dois me charger de tenir son rôle et j’écumerai les foires et les marchés, les fêtes et les banquets, les estaminets et les lieux improbables pour proposer notre cher enfant. Faute de talent, autant disposer d’une belle dose d'opiniâtreté. Et ce ce côté-là, ma collègue et moi, nous ne manquons pas de ressources.

Livresquement vôtre.

 



22 réactions


  • Olivier 23 août 2017 10:38

    Pour avoir quelque expérience en la matière, je sais qu’il est très difficile de se faire publier quand on est un inconnu : les éditeurs ne prennent que rarement en compte les manuscrits, quand ils ne les lisent pas par paresse ou même les perdent du fait de problèmes de secrétariat ! 


    Le comité de lecture d’une maison d’édition connue qui a rejeté mon manuscrit ne l’avait manifestement pas lu, n’allant pas plus loin que l’avant-propos. Indépendamment de la qualité du manuscrit, ce serait bien que les éditeurs apprennent à lire ! 

    De toute façon, un éditeur est quelqu’un qui gagne de l’argent avec des livres, sa finalité est commerciale et nullement culturelle. Très souvent les maisons d’édition fonctionnent avec des auteurs connus qui servent d’appel publicitaire, peu importe s’ils ont écrit ou non eux-mêmes leurs ouvrages.

    Même si on arrive à se faire éditer (généralement chez un petit éditeur), dans 99% des cas le livre n’arrive pas à « percer » en librairie et disparaît des écrans radar, définitivement en général. Pour un livre publié, la moyenne du nombre d’exemplaires imprimés en France doit être de l’ordre de 6 ou 7.000 exemplaires, c’est-à-dire presque rien à l’échelle d’un pays.

  • jymb 23 août 2017 13:03

    Ii y a encore plus difficile, éditer par exemple un ouvrage de mémoire personnelle n’allant pas dans le sens de l’histoire imposée par les pseudos bien-pensants, à moins de s’appeler Pierre Clostermann...



  • marmor 23 août 2017 16:16
    Le type reste prétentieux même dans l’auto-flagellation. C’est triste de penser qu’on ne va laisser aucune trace de son passage sur la terre...
    Il n’est pas tout à fait convaincu de sa médiocrité litteraire alors il s’octroie de l’opiniâtreté, comme le démarcheur en aspirateurs, qui vend de la merde mais essaie de se convaincre du contraire, histoire de faire bouillir la marmite du fat.

  • abriko 23 août 2017 16:53

    @C’est Nabum
    Tu as utilisé pour cet article un dessin de Marek in « La Suite de Skolem », magnfique BD en 2 tomes parus en 2016/2017, Grand Prix de la Ville de Limoges. Il te faut citer ta source , toi qui appelle au respect de tous les auteurs !
    Les éditeurs sont parfois gros, parfois tout petit. Les éditions PIrate(s) sont un minuscule éditeur BD ’ 4 livres sortis depuis 2015) et ils ont besoin de pub !
    cordialement,


  • lisca lisca 23 août 2017 20:18

    Il y a en effet beaucoup d’écrivains candidats à l’édition papier. Ceux qui sont choisis le sont pour des raisons commerciales. L’impératif un est qu’il faut vendre, et l’impératif deux pour les grandes maisons d’édition (qui font du chiffre) c’est le politiquement correct.
    Il FAUT raconter des trucs qu’on veut que vous racontiez. Dans les années 90, il avait été décidé que les bonnes femmes raconteraient leurs histoires d’alcôve en long, en large et en travers, n’épargnant au lecteur aucun pénible détail, et ne montrant aucun naturel, à part la peau. Par exemple. Les bonshommes aussi d’ailleurs, mais eux, on a l’habitude.
    Ensuite, un comité de lecture d’une GME (grande maison d’édition) est composée de gens pas littéraires souvent, une concierge par exemple (dans un but commercial, toujours). Seule une personne décide (politiquement correcte évidemment) quand il choisir ’un bouquin parmi ceux qu’auraient lu les autres (mais pourquoi le feraient-ils ? ils sont payés autant en ne le lisant pas).
    Un auteur qui envoie son roman par la poste perd son timbre : il n’est jamais publié. Il peut même donner ses idées au directeur du comité de lecture, qui fera réécrire son roman par un type connu, ou même par un nègre d’une personne connue.
    Cette personne sera de préférence jeune et présentable physiquement ; apte à dire des choses convenues sur les plateaux.
    Le danger étant qu’elle ennuie tout le monde, on laisse passer parfois des auteurs plus sulfureux, mais pas trop, uniquement sur relations.
    La seule solution est donc bien celle de Nabum : l’auto-édition, qui peut ne pas être très onéreuse.


  • kalachnikov kalachnikov 23 août 2017 22:54

    Je n’ai pas le sentiment que Nabum et Lavigue aient réalisé que la civilisation de l’écrit, c’est finito.


  • Henry Canant Henry Canant 24 août 2017 00:19
    Nabum,
    Les intervenants qui te charient sont en fait de bons conseils.
    Ceux qui te louent t’ont trompé et t’ont poussé à publier. Prends toi à eux et remercient çeux qui ont dit que tu n’avais aucun talent, rien à raconter et que ton égo surdimensionné t’aveuglait.

    De plus, étaler ses sentiments sur la toile est impudique, voire obscène.

  • hervepasgrave hervepasgrave 24 août 2017 21:32

    Bonjour,

    • Cela faisait longtemps que je ne suis pas venu te taquiner !
    •  Rassures toi cela n’est pas méchant ,mais simplement réaliste.
    •  Il suffit que je repense a mon Oncle qui écrivait des poésies et qu’il aurait aimé qu’elles soient publiées. Il y a un bout de temps j’étais vraiment jeune ,mais pour te situer l« époque c’était celle ou Pompidou avait publier un recueil de poésies.
    •  Mon Oncle après maintes et maintes courriers a fini par avoir une réponse d’un éditeur à l’époque les éditeurs sur la place n’étaient pas si nombreux.
    •  Il lui fallait si je me rappelle bien débourser un million cinq ou je dirais quinze mille nouveaux francs.La culture sans argent »un comble !« Montrer pattes banches pour des interviews et avoir quelques misérables pourcent.
    • Hum ! comme tu le vois ,la culture a un prix et cela n’est pas nouveau. La culture,oui ! c’est surtout un beau mot irréaliste et totalement dénué de sens.
    • Car est-ce le fait d’être publier qui est important ou simplement qu’un seul être puisse y accéder ?
    • Nous le voyons bien la culture est une imposture et simplement un business éhonté sans vergogne.Si je ne commente pas tous tes articles ce n’est pas parce que je ne les lis pas.Il serait fatiguant et déprimant de toujours ouvrir sa grande gueule.
    • Et puis si il y a une preuve qu’aujourd’hui que la culture ne sert qu’a sortir du rang et se faire une réputation et des brouzoufs, change de tactique,cela commence trop par se voir de jour en jours et d’année en années.
    • Et non ! la culture c’est du partage gratuit sans reconnaissance a attendre.Point final.
    •  Ne pas arriver a canaliser les spotligths n’est que de la merde en barre. Pour la culture c’est foutu depuis,depuis.......... ?
    • Alors regarde que même s’il en restait de la culture elle est perverti d’entrée de jeu. Un exemple pour peut-être les seuls auteurs sincères qui laisse la culture fonctionner.avec comme exemples les chanteurs que je n’ai pas besoin de nommer pour que l’on devine qui ils sont.
    • Aussitôt mort les chanteurs reprennent en hommage les chansons.Humm ! je vais être vulgaire et détestable mais ce ne sont en Français de basse condition que »des encul...". Maintenant la culture ce n’est que de l’argent.Car même pour avoir accès a des œuvres libre de droit depuis la nuit des temps,il faut bien l’éditer et a la clé,le chantage du pognon.
    • La culture a un prix et elle est sans partage.
    • Alors il n’y a rien a défendre derrière le mot culture, c’est une imposture . a part cela ,je vois que tu persistes dans se domaine
    • .Alors puisses tu avoir raison.et dans tous les cas cestpasgrave !

    • hervepasgrave hervepasgrave 25 août 2017 13:36

      @hervepasgrave
      bonjour moi même oh !
      Je suis déçu Nabum de ce mutisme ? Alors si je ne suis pas cultivé ou culturé je ne sais pas trop définir cette chose.Même devant des réponses a mes commentaires qui sont sans appel ,un jugement dur et direct ,je réponds.Eh ! oui l’erreur humaine est naturel.Il y a plusieurs manières de réagir le silence et ici il y a beaucoup de silence .Elle signifie certainement une culture supérieure.Nous ne nous avons nous pas appris jeune ,qu’il fallait répondre a l’imbécilité par le silence. Tout en sachant que le silence est coupable. Aie ! aie ! la culture a des voies décidément impénétrable ,mais cestpasgrave ! et moi je m’amuse gratuitement ,sans attente de retour.Quoique j’attends quand même des signes venants de personnes intelligentes et cultivées.Mais est-ce compatible ? Note d’humeur,d’humour ,de méchanceté gratuite de ma part ?Plus certainement manque de culture contemporaine.


    • C'est Nabum C’est Nabum 25 août 2017 16:03

      @hervepasgrave

      Je n’attends rien
      je souhaite simplement disposé d’un espace autre que cette toile souvent illusoire

      Mais bon, mes contempteurs m’affirment médiocre, insipide et sans aucune valeur

      Ils ont certainement raison


    • hervepasgrave hervepasgrave 25 août 2017 17:12

      @C’est Nabum

      • Oui ! moi aussi je viens sur cette toile illusoire et je ne suis pas encore parti et toi non plus d’ailleurs et c’est incompréhensible n’est-ce pas !
      • Pour ce qui est du talent c’est un autre sujet et grandement subjectif
      • .Et vendre sous le manteau est encore tout autre chose.
      • Allez ne perd pas courage l’artiste.

    • C'est Nabum C’est Nabum 25 août 2017 18:33

      @hervepasgrave

      Merci l’ami

      C’est quand même étrange qu’aucune commande ne vienne de l’endroit

      à croire que ce n’est qu’un coupe gorge où l’on s’étripe joyeusement sans jamais se donner la main


  • hervepasgrave hervepasgrave 25 août 2017 20:41

    Bonsoir ,de rien

    • Je te reconnais une qualité et elle n’est pas des moindres.Tu as eu le courage de te faire mal et de me répondre.Je comprends aisément que je suis abrupte et direct dans ma manière d’agir.
    • Pour le reste qu’il n’y ait pas réponses,alors pour moi cela n’est qu’instructif et cela signifie que soit le principe douteux que l’« on ne répond pas à l’imbécilité » n’est qu’une défense lâche ! de lâcheté de bassesse .
    •  Ou que le risque de répondre ne garantie pas que l’on obtienne ce que l’on désire et il n’y aurait jamais de fin.
    • Et il ne reste qu’une chose « qui se sent morveux se mouche ».
    • Dans tous les cas ce n’est que le signe d’une culpabilité de gens malveillant.
    Comme tu le vois ,je peux exprimer mes sentiments,certes très mal exprimé et orthographié.
    Je peux aussi donner des compliments et cela ne tiens qu’a peu de choses
    .Bonne soirée et cestpasgrave !

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