mardi 15 juillet 2008 - par norbert gabriel

Radio-France, Pollen dans la tourmente, aux actes, citoyens !

Chanter c’est lancer des balles...

Il n’y a pas beaucoup de presse chanson, c’est une expression très populaire, mais si tout le monde connaît la chanson, les revues qui en parlent, à part 2 ou 3, ne s’intéressent qu’aux pipoleries façon Voici, Gala.

Ce préambule explique pourquoi nous sommes attentifs aux actions-chanson des différents médias. Avec une attention particulière aux médias institutionnels qui œuvrent pour en montrer toutes les facettes, pas seulement les stars et néo-stars qui squattent les sommets des hit top.

La plupart des artistes qui ont marqué la chanson ont commencé « petits », dans des petits lieux, dans des spectacles en première partie, scènes parfois confidentielles et années d’apprentissage... (sauf Gérard Manset qui n’a jamais fait de scène et Hallyday qui est né idole des jeunes). Et tous ces artistes ont arpenté les sentiers de la création en attendant les autoroutes du succès. Mais au début du sentier, il faut des Canetti, Monique Le Marcis, Max Amphoux, Claude Dejacques et quelques autres relais indispensables pour que les voix qui chantent vous arrivent dans l’oreille. Pour que les artistes « en développement » puissent se développer autrement qu’en culture intensive tendance poulet dopé aux hormones... Un des acteurs majeurs de la promotion de la chanson, depuis quarante ans, pas au sens marchandisage, mais au sens découverte de nouveaux talents, une des voix historiques de France Inter, c’est Jean-Louis Foulquier.

France Inter doit beaucoup à ces fous de radio que sont José Artur (et pas Arthur, s’il vous plaît), Claude Villers, Pierre Bouteiller, Jacques Chancel, Jean-Christophe Averty, Kriss, Mermet... et à ces génies de la technique radio, dont l’archétype est Yann Paranthoën, des créateurs de sons de génie, le mot est souvent galvaudé, mais là, il prend tout son sens.

Aujourd’hui, en ce début d’été 2008, la direction de France Inter vire l’émission Pollen de la grille de rentrée (on vire Foulquier, et aussi l’émission ) avec pour raisons : la nécessité de diversifier les programmes. Sous-entendu, Pollen est une émission de vieux... J’en conclus qu’on est vieux à 30-40 ans, car je suis toujours épaté de constater le mélange de générations des publics de Pollen. Publics de très jeunes, de moins jeunes et de seniors, qui découvrent dans une même soirée Thomas Dutronc, Kwal, Tiken Jah Fakoly ou Juliette, Baloji, Daniel Fernandez...

Je vous mets les sous-titres, pour les noms peu connus : Kwal, c’est du slam musical avec un trio à cordes, Baloji, un Belge Congolais, Tiken Jah Fakoly, un Malien aux textes puissants... Et les d’jeuns de Tremblay, venus applaudir Baloji, s’emballent avec les délires de Juliette, et les moins jeunes qui viennent pour Thomas Dutronc à Nanterre, font un triomphe à Kwal... Et ces soirées se passent dans ces banlieues qu’on dépeint toujours comme des territoires sauvages sans foi ni loi. Dans des salles remarquables de confort d’écoute et de confort tout court.

Durant ces années, je n’ai pas assisté à toutes les émissions publiques, mais je suis allé plusieurs fois à Nanterre, Clichy-sous-Bois, Le Blanc-Mesnil, Tremblay en France, jamais un incident, jamais un quelconque souci de sécurité, même quand il faut prendre le RER à des minuits passés.

Alors, je me demande bien quels motifs inspirent les autorités des programmes en décrétant que Pollen, c’est de la chanson de vieux... Si ces théoriciens de la programmation écoutaient la radio (on ne leur demande même pas d’aller assister à un concert Pollen en banlieue, quelle horreur, il faut être intrépide, irresponsable, inconscient, pour aller à Tremblay écouter Juliette Nouredine ou Marie Cherrier à Nanterre, une vieille de 22 ans et demi...) s’ils écoutaient la radio, messieurs les chefs des programmes éviteraient ce genre de bourde, insultante pour les auditeurs et spectateurs qui ne peuvent se reconnaître dans cette cornichonnerie majuscule. Dire que Pollen n’est pas diversifié, j’aimerais qu’on me précise le sens de diversifié.

Qu’on mette à la retraite les vieillards de 65 ans, ça peut se défendre, mais en l’occurrence, les raisons avancées seraient "un manque de diversité des programmes Pollen, et un public vieillissant".

Dans cette logique, il faut bannir de l’antenne Aznavour, Anne Sylvestre, Juliette Gréco, Higelin, Brigitte Fontaine, Moustaki, Hallyday, out of limit, les écrivains, les musiciens, les comédiens de plus de 65 ans, place aux jeunes ! Et les comédiennes de plus de 40 ans, des vieilles selon Stevie... Et Jeannie Longo qui s’obstine à remporter des titres de championne de France à 49 ans, mais ils ne respectent rien ces vieux ! Quant à Albert Jacquard, Hubert Reeves, Théodore Monod, Alain Rey et autres savants de quatre fois 20 ans, c’est un scandale de les voir ou les entendre sur des antennes nationales soucieuses de rajeunir les cadres.

(Les cadres, c’est surtout l’intérieur du cadre qui est l’important, il me semble ?)

Diversité, dites-vous ? Mais Ray Léma, Touré Kunda, Cesaria Evora, Youssou N’Dour, Idir, Dee Dee Bridgewater, Cheb Khaled, Rachid Taha, Richard Desjardins , Pierre Akedengue, Doudou N’Diaye Rose, Rachid Taha, ça fait plus de vingt ans qu’on les entend dans Pollen, Abd al Malik, il était invité bien avant d’être récompensé par les instances du show-biz... Claire Diterzi, elle était dans Forguette Mi-Note, et dans Pollen, il y a bien quinze ans , et les Voleurs de poules qui ont pas mal tourné avec Pollen, étaient drivés par un certain Stéphane Sansévérino, Olivia Ruiz, avant de s’enfuir de la Star Ac, c’est au pied des scènes des Francofolies de la Rochelle qu’on pouvait la trouver en 2000/2001...

Je ne vais pas vous faire l’inventaire, c’est pratiquement tout le gotha de la chanson qui est passé dans Pollen, et ces artistes étaient invités au début de leur parcours, pas en venant au secours du succès. Bien sûr, il n’y a pas eu beaucoup de produits labélisés Nouvelle Star Ac, on ne peut pas tout faire, heureusement...

Alors bon, qu’on vire Foulquier pour âge limite, comme Alain Gerber sur France Culture, un des plus émérites chantres de tous les jazz, l’âge ne fait rien à l’affaire, comme disent les politiciens octogénaires...

Alain Gerber présente plusieurs émissions, histoire et histoires du jazz, écrivain de talent, il sait faire chanter le jazz dans les mots ; il a presque failli me faire faire aimer le be-bop, comme TiMal, le magazine musical qui suit Pollen m’a parfois convaincu du talent de certains rappeurs,

Que leurs émissions soient supprimées sur le simple fait de l’âge de leur créateur, je prends ça comme une offense personnelle, ça veut dire que cette diversité culturelle que j’aime retrouver n’est pas la bonne diversité, ça veut dire que ces publics de banlieue, ces prétendues crapules multiraciales avec qui je partage des moments de musique extraordinaires, ne sont pas les bonnes fréquentations (ou alors c’est Pollen qui a une bonne influence sur eux ?)

Mais je vous le dis tout net, le jour où une émission publique-concert se fera à Neuilly, avec Doc Gynéco, Faudel et Hallyday, je ne suis pas sûr du tout de faire le voyage, pour cause d’incompatibilité génétique. Sauf si on glisse Bernie Bonvoisin en résurgence d’Antisocial...

Et Enrico Macias quand il chante, et qu’il parle de fraternité...

Norbert Gabriel

Normal blanc de 66 ans et demi

Concrètement, que pouvons-nous faire ? Envoyer des cartes, des lettres, à la direction de France Inter, 116 av Pt Kennedy 75016 Paris

Ou des mails ?

Dans ce cas, voici une adresse pour donner votre avis sur la question de la suppression de Pollen :

[email protected]



11 réactions


  • Le Hérisson Le Hérisson 16 juillet 2008 10:01

    J’écoute souvent Pollen. Je suis atterré par ce que vous m’aprenez !!!


  • Sandro Ferretti SANDRO 16 juillet 2008 11:43

    Bonjour,
    Merci d’avoir mis en exergue ce beau titre de "la souche" ("chanter, c’est lancer des balles").
    Encore un soixantenaire, comme Bashung, Christophe, Manset.
    Et faudrait les jeter ? Désolé, mais alors, il resterait qui ?

    ps : Puisque vous parlez de Bernie Bonvoisin, savez-vous ce que devient François Guierre, qui avait fait un merveilleux album bluesy dans les années 85/88, mais qui est resté en 33 tours dans mon grenier, car jamais ré-édité en CD ?


  • sisyphe sisyphe 16 juillet 2008 12:02

    On vire des émissions et des animateurs qui ont pris les risques de faire entendre (et donc de contribuer à lancer) des artistes encore inconnus ; alors que le tapis rouge est toujours déployé, à longueur d’antenne, pour la carpette Drucker, qui, lui, n’a jamais fait venir dans ses émissions que des gens confirmés.

    Préférence est toujours donnée à ceux qui volent au secours de la victoire, pourvu qu’ils ne fassent jamais de vague...

    A quand 10 années sabbatiques pour l’hyperenvahissant Michel Drucker ?


  • morice morice 16 juillet 2008 15:23

     il avaient déjà tenté de tuer FIL dans les années 85 et Julien Delli Fiori s’en souvient bien de ce fabuleux postier du Nord fan de Jaco Pastorius !! Pollen doit être défendu, comme  les Fips en grêve !!!!  un grand bonjour à toute la maison ronde au passage, aux techniciens et techniciennes également (ah, les techniciennes....).... 


  • Dominique LIN Dominique LIN 16 juillet 2008 17:04

    Dans la famille "contenu vidé de sa substance", je demande France Bleu...
    En Vaucluse, plusieurs émissions à réel contenu, c’est à dire structurées, préparées, commentées, illustrées, ... et je ne pense pas que nous ayions cette éxclusivité !

    Nous avions blues session, un régal le samedi à 18h avec des morceaux sortis d’on ne sait où, un historique, une ambiance, bref, que du bon.
    Nous avions aussi Jean-Pierre Belmond qui nous parlait du pays, pas avec les people, mais avec les vieux des villes et des campagnes, ceux qui avaient encore quelque chose à dire sans avoir quelque chose à vendre.
    D’autres émissions sont parties avec.
    Vidé, rincé, karchérisé !
    Les journalistes se contentent de lire les offres d’emploi, appellent leurs "correspondants météo" pour savoir s’il fait beau chez eux et posent des questions stupides pour faire gagner un produit "culturel" manufacturé.

    Manifestations, site, pétitions, ... tout le taintoiuin a été mis en place, mais que nenni, nous ne serons pas écoutés ( Voir le site : http://radionostro.free.fr/ pour signer la pétition)
    Lors de la disparition de l’émission "arrêt sur image sur la 5, une vague de protestation avait envahit le net et certains médias... que dalle, ça n’a servi à rien.
    Alors, il est bon, salutaire, indispensable de faire savoir notre aversion pour le tout mercantile, mais gare à celui qui a l’espoir car il sera déçu, malheureusement.

    voir l’article sur France bleu

    Dominique


    • norbert gabriel norbert gabriel 16 juillet 2008 17:15

      merci de cette réaction très documentée. Elle sera reprise dans le numéro de septermbre du mag web culturel"le doigt dans l’oeil"
      Cordialement

      Nobert Gabriel


    • Dominique LIN Dominique LIN 16 juillet 2008 18:37

      Je fais partie de ceux qui prennent la radio pour un canal culturel (la télé, ça fait longtemps que j’ai abandonné tout espoir) et j’aurais aimé ne pas être aussi "riche" en détails...
      Quand j’écoutais Blanc Franquard à 20h10 sur France Inter, c’était un vrai RV (c’était aux alentours des années 75...). Les vinyls import, les introuvables, ... quel pied ! Il bossait avec Jacques Pradel, c’était bien avant sa période "perdu de vue".
      A croire que les radios comme les télés s’amusent à créer de bonnes émissions pour mieux les arrêter !
      Dans le même esprit, même si c’est privé, Europe 2 racheté par Virgin... déjà que je n’écoutais pas, mais maintenant... bon apétit !


    • norbert gabriel norbert gabriel 16 juillet 2008 18:51

      il est vrai que l’offre musicale des soirées Inter dans les années 75-85 était riche
      chanson avec Pollen ; jazz avec Delli Fiori, rock avec Lenoir, et le Pop club en mag culturel, dans ma région forézienne, j’étais au top del’info en matière culturelle....
      Globalement ; sans vouloir faire le vieux com....battant, c’était plus diversifié, aujourd"hui il y a plein de chaînes mais qui font à peu près la même chose, l’exemple d’Apostrophes est significatif, il y a plusieurs émissions qui ont remplacé Pivot, mais leurs audiences cumulées sont en dessous...
      Bon il reste Le masque et la plume...
      ce qui ne nous rajeuninit pas


  • Amada 10 juin 2009 18:56

    Bonjour Norbert Gabriel,


    je découvre votre article suite à vos commentaires sur le mien (Une France percluse de rhumatismes). D’une certaine manière, vous confirmez mon (mes) constat(s) (de paupérisation -blocage des jeunes et moins jeunes) par un biais fondamental : le rôle des grands médias dans notre société... Un sujet de la plus haute importance !
    Merci à vous.
    Cordialement
    Amada

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