jeudi 23 avril 2009 - par Montag

Sex Magick, Satan and Rock & Roll

Une parcelle de terrain écossaise vient d’être récemment mise en vente pour 200.000 €. Non, ce n’est pas la proximité du lac du Loch Ness qui a éveillé l’intérêt du journal The Observer. Mais bien le fait que, durant le début du siècle dernier, ce terrain ait appartenu à l’une des âmes les plus sombres que l’humanité ait pu engendrer, Aleister Crowley.
 
Outre le fait d’avoir été membre de plusieurs groupes occultistes tels que la Golden Dawn et l’Ordo Templi Orientis, Aleister Crowley est surtout connu pour avoir été l’auteur en 1904 du Book of the Law, le « Livre de la Loi », que l’on pourrait résumer en une phrase : Fais ce que tu veux sera le tout de la Loi [1]. Cette doctrine simpliste et ultralibérale sera la source d’inspiration de A.S. LaVey, fondateur de l’Église de Satan en 1966, pour écrire la Bible Satanique. A partir de cette même époque, Aleister Crowley bénéficiera d’une aura toute particulière au sein de la musique rock, il est vrai que sa loi à tout pour séduire la jeunesse hippie en quête d’expérimentations diverses… Certaines idoles de ces jeunes afficheront publiquement leur allégeance envers le maitre occulte Crowley, d’autres auront des liens plus ténus mais néanmoins bien réels. 
 
Les plus célèbres de leur temps furent les Beatles (plus populaires que Jésus selon Lennon). En 1967, ils repoussèrent les limites de la créativité musicale avec l’un de leur album majeur, Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band. La pochette de l’album possède la particularité de regrouper les personnalités qui ont marqué les musiciens, Aleister Crowley y figure en bonne place… [2]
 
La même année, les Rolling Stones ne rencontrèrent point le succès escompté avec l’album Their Satanic Majesties Request mais se reprirent de fort belle manière un an plus tard via Beggars Banquet qui débutait par le tube intemporel Sympathy for the Devil. Mais c’est en 1969 que Mick Jagger nous laissera le lien le plus pertinent avec A. Crowley. En effet, il composa gratuitement la musique hypnotique du court-métrage Invocation of My Demon Brother réalisé par Keneth Anger, adepte dévoué de Crowley.
 
Keneth Anger a été remarqué à la fin des années 40 par Jean Cocteau. « Votre œuvre vient de la nuit noire de l’âme » lui écrira-t-il dans une lettre. Deux décennies plus tard, il travaillait sur Lucifer Rising. L’acteur principal, dans le rôle de Lucifer, était un guitariste talentueux nommé Bobby Beausoleil. Ce guitariste faisait partie du line-up original des Grass Roots, groupe qui deviendra par la suite, mais sans Beausoleil, le fameux Love d’Arthur Lee.
 
Suite à un conflit avec le réalisateur, Bobby Beausoleil dérobera les bandes du film où il apparaissait et se fera ensuite surtout remarquer en assassinant un individu pour le compte de « la famille » de Charles Manson dont Bobby faisait partie. « La famille » marquera surtout l’histoire en 1969 par un autre acte sanguinaire : le meurtre de l’épouse de Roman Polanski, alors enceinte, ainsi que de ses 4 malheureux invités de la soirée. Neil Young s’est inspiré de cette tragédie pour la composition de son Revolution Blues sur l’album On the Beach. Neil Young connaissait bien Manson, déclarant même qu’il avait un certain talent musical et qu’il aurait très bien pu faire une belle carrière s’il avait été mieux entouré.
 
Mais revenons à Keneth Anger et son Lucifer Rising, projet qui fût un temps abandonné suite à la disparition d’une partie des rushs pour ensuite renaitre de ses cendres en 1972, avec cette fois comme guess star, la chanteuse Marianne Faithfull (ex-compagne de Mick Jagger) qui était à l’époque en pause carrière en raison de son addiction aux drogues dures. La musique finalement retenue pour le film fût réalisée par Bobby Beausoleil durant la fin des années 70 et ce, depuis sa cellule en prison. Cependant, dès 1973, un autre guitariste s’était également attelé à la tâche : le célèbre Jimmy Page du goupe Led Zeppelin.
 
Avec Jimmy Page, nul doute, nous avons affaire à un véritable adepte de la doctrine d’Aleister Crowley puisqu’il fera l’acquisition de la maison Boleskine, l’ancienne propriété de Crowley dont une parcelle de terrain est actuellement en vente. Pour preuve que ce n’était pas une simple lubie de rock star, il en restera le propriétaire pendant plus de 10 ans. Et puis, il y a également l’ « étrange particularité » de Stairway to Heaven, chanson emblématique des Led Zeppelin. En effet, lorsque cette dernière est passée à l’envers, de curieuses paroles deviendraient audibles :
 
“Oh here’s to my sweet Satan.
The one whose little path would make me sad,
whose power is Satan.
He will give those with him 6 6 6.[…]”
 
Info ou intox ? Libre à vous d’en juger en écoutant l’une des nombreuses versions que l’on peut trouver sur internet mais force est de constater que nous sommes dans le domaine du plausible. La technique se nomme le « backmasking » et ce sont les incontournables Beatles qui en furent les précurseurs dès 1966, avec la chanson Rain.
 
L’un des artistes ayant le plus utilisé cette technique n’est autre que le fantasque Ozzy Osbourne, le chanteur initial des Black Sabbath. La chanson Pictures of Matchstick Men en est un bel exemple. Ozzy possède un penchant certain pour l’occultisme si bien que sur son premier album solo – Blizzard of Ozz sorti en 1980 – figure une chanson au titre évocateur : Mr. Crowley.
 
Pour finir cette liste non hexaustive, citons deux exemples plus contemporains avec Marilyn Manson et les Red Hot Chili Peppers. Le premier, dont le nom provient de l’assemblage de Marilyn Monroe et de Charles Manson, possède une fascination pour Crowley selon G. Baddeley, le journaliste de la BBC spécialisé dans l’occultisme [3]. Les seconds ont appelé leur pièce maîtresse Blood Sugar Sex Magik où le k de magik, en lieu et place du c, est une probable référence au terme Magick employé abondamment par Crowley dans ses écrits. De manière moins ambiguë cette fois, leur guitariste John Frusciante s’est inspiré des textes de Crowley pour plusieurs de ses chansons sur l’album solo Inside Of Emptiness.
 
Par ces nombreux liens exposés ci-avant, il apparaît que l’œuvre d’Aleister Crowley est une influence indédiable pour bon nombre d’artistes issus du milieu rock. Il est donc fort à parier que ce terrain récemment mis en vente éveillera l’intérêt de nombreux candidats acheteurs. Et pour les lecteurs qui soudainement auraient l’envie de détruire leur collection musicale, gardez tout de même à l’esprit ceci :
 
« I know it’s only rock ’n roll but I like it »
 
 
 
 
[1] « Do what thou wilt shall be the whole of the Law » (AL I:40 - Book of the Law / Liber AL vel Legis).
[2] Il est à noter que Robert Fraser ainsi que Peter Blake, respectivement directeur artistique et auteur de la couverture de l’album, ont également placé des personnalités qu’ils admiraient sur celle-ci. Qui a choisi Crowley ? Si ce n’est pas l’un des membres des Beatles, nul doute qu’ils étaient un minimum informés sur la personnalité de cet homme…
[3] Dissecting Marilyn Manson / L’Antéchrist Superstar - Gavin Baddeley (Plexus, 2000).


7 réactions


  • pendragon 23 avril 2009 10:18

    « Fais ce que vouldra » est une formule que Crowley a empruntée à Rabelais le thélémite.




  • LE CHAT LE CHAT 23 avril 2009 10:48

    le hard rock et le satanisme vaste sujet !


    hell bells , les cloches de l’enfer AC/DC

    the number of the beast 666 de Iron Maiden

    devil is a loser de Lordi ( m^me plus de respect pour le diable ! )

    on ne compte plus les allusions à l’enfer et aux créatures qui y rôdent !

    et c’est pas d’aujourd’hui que le démon a ses fans dans le rock’n’ roll


  • John Lloyds John Lloyds 23 avril 2009 12:02

    Un des grands mérites de Crowley fut d’avoir tenté de rétablir les pratiques magico-sexuelles païennes, même si ses expériences au sein de l’astrum argentum furent pour le moins chaotiques. Il en connaissait les risques, la pratique de la voie de la main gauche est probablement la voie la plus dangereuse qui existe.

    Toutefois, en dépit d’un succès pour le moins discutable, son parcours possède l’immense avantage d’avoir laissé des repères sur cette pratique sulfureuse, c’est le cas de la dire, qu’est l’alchimie indienne, qui consiste à Unir le Soufre actif à la çakti. Il restera un incontournable dans l’histoire de la réhabilitation du tantrisme.

    Merci à l’auteur pour cet excellent article


  • Reinette Reinette 23 avril 2009 16:43


    « Frissonne sous la volupté joyeuse de la lumière,
    O homme ! Homme à moi !
    Viens, surgissant de la nuit de Pan,
    Io Pan ! Io Pan !
    A travers les mers, viens de Sicile et d’Arcadie !
    Tel Bacchus, vagabondant avec ta garde de faunes,
    De panthères, de nymphes et de satyres,
    Sur un âne d’un blanc de lait.
    A travers les mers, viens à moi, à moi,
    Viens avec Appolon en robe nuptiale
    (Berger et sorcière)
    Viens avec Artémis, chaussée de soie,
    Et lave ta cuisse blanche, ô Dieu splendide,
    A la lune des bois, sur le mont de marbre,
    Dans l’eau creuse et neuve de la source ambrée... »

    Aleister Crowley (Hymne à Pan)

    Edward Alexander Crowley (1875-1947)
     jeune il connut un exhutoire dans l’écriture de poèmes , et se montra prolifique dans ce domaine, influencé par Baudelaire, Swinburne, Keats


    « Appolon, qui pleurait le trépas d’Hyacinthe,
    Ne voulait pas céder la victoire à la mort.
    Il fallait que son âme, adepte de l’essor,
    Trouva pour la beauté une alchimie plus sainte.
    Donc de sa main céleste, il épuise, il éreinte
    Les dons les plus subtils de la divine Flore.
    Leurs corps brisés soupirent une exhalaison d’or
    Dont il nous recueillait la goutte de -l’Absinthe !
    Aux cavernes blotties, au palais pétillants,
    Par un, par deux, buvez ce breuvage d’amant !
    Car c’est un sortilège, un propos de dictame,
    Ce vin d’opale pâle avortit la misère,
    Ouvre de la beauté, l’intimine sanctuaire
    Ensorcèle mon coeur, extasie mort âme ! »

    En 1898, Crowley deviendra le propriétaire d’un grand manoir situé en Ecosse, près du Loch Ness, Boleskine, il peut enfin se retirer pendant quelques mois afin d’accomplir les indications du Livre d’Abramelin le Mage, ce rituel, relent des plus anciens mystères, correspond à une mort initiatique au terme de laquelle l’officiant devient mage.

    A-t-il réussi ? Personne ne le sait, mais un fait est évident, des phénomènes inexplicables se déclenchaient dans le manoir, Aleister y voyait une alliance avec les entités, nous allons le retrouver avec un nouveau nom : Frater Perdurbado. L’ambiance se dégrada au sein de l’Ordre, on y distingua deux clans, l’un à tendances chrétienne et gaëlique qui suivit Yeats et l’autre à tendances païenne et magico-sexuelle, nommée l’Astrum Argentum, Aleister Crowley en était l’Imperator.



     

  • edend edend 26 avril 2009 23:48

    Quelques compléments d’informations :

    Les groupes les plus proches musicalements sont, Current 93, dont le folk rappelle parfois les chansons de charles manson et les atmosphères extrèmes les rituels magiques (nombreuses citations « crowley mass », « beausoleil », etc), Throbbing Gristle & Psychic TV plus transgressifs ou encore Coil.
    Aleister Crowley participe de façon post mortem aux cotés de WB Yeats à l’album Zvezda Mix de Gestalt OrchestrA http://morne.free.fr/celluledessites/gestalt_orchestra/zvezda_mix.htm et également à la matrice Feu de Joie de Chromatic.
    http://www.dogmazic.net/static.php?op=musiqueIndex.php&album=10040+-+Feu+de+Joie

    Pour les anglophones, l’excellent comics The Invisibles de Grant Morrison est une bonne porte d’entrée à l’univers « Magick ». Il a également réalisé un petit guide de « pop magic »
    http://www.grant-morrison.com/index.php?option=com_content&view=article&id=195&Itemid=83


  • Crosstown Traffic 27 avril 2009 11:21

    Et, en complément, pour ceux qui voudraient aller plus loin, nous avons commis un petit tour de la question ici : http://www.crosstowntraffic.fr/index.php?sujet_id=7265


  • Athalide 27 septembre 2010 11:31

    Pour approfondir le sujet sur les rapports entre Crowley et la musique et sur le satanisme, l’occultisme et la musique rock un ouvrage fort intéressant vient de paraître :

    H. Chartier, La musique du Diable, le rock et ses succès damnés, éd. Camion blanc, coll. « Camion Noir », 2010, 714 p.


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