samedi 3 juillet 2010 - par Vincent Delaury

Stevie Wonder, Prince et… Michael Jackson à Bercy !

A Bercy (1er juillet 2010, prix de la place : 73€*), on vient pour voir Stevie Wonder en concert, pour sa tournée européenne. Le show est rôdé : choristes sexy à souhait, saxophonistes jazzy, voix solaire et maestria musicale (clavier, harmonica) du grand Stevie. Celui-ci égrène les tubes avec facilité et, diantre, quels tubes ! Fingerstips (Part 2), Uptight (Everything’s Alright), My Cherie Amour, You Are The Sunshine Of My Life, Living For The City, Higher Ground, Sir Duke, Masterblaster (Jammin’), Do I Do, I Just Called To Say I Love You et j’en passe. Le bon vieux son de la Motown légendaire dans toute sa splendeur et coolitude. L’ambiance est là, ça balance pas mal à Paris, un parfum de samba plane même sur le concert, puis arrive le grand moment** : à l’entame du hit incontournable Superstition (1972), monte sur scène, pour un bœuf avec son pote Stevie, le grand, que dis-je, l’immense Prince ! Tout le monde debout à Bercy : le Kid de Minneapolis avec « Little Stevie Wonder », quel pied ! Manque plus que Michael Jackson à l’appel – allez, debout les morts et les Believers !

Voir sur scène Prince est toujours un régal. Chemise bleue à col blanc relevé, pantalon blanc classieux, solaires sur le nez, sourire aux lèvres, le Love Symbol se la joue sobre. Cherchant aucunement à voler le show, il accompagne le groove de la voix chaude et métallique de Stevie avec une funkytude jazzy qui nous enchante tous, via petites touches enlevées sur le clavier vintage de Wonder et, à la guitare, quelques riffs hendrixiens de haute volée venant se lover dans le gros son d’ensemble alimenté par des musicos afro-américains de gros calibre. C’est hénaurme. C’est cadeau. En gros, histoire d’être trivial, on a deux stars pour le prix d’une sur Cène, euh pardon, sur scène !

Deux réflexions me sont alors venues. D’une part, il se pourrait bien que Prince, superstar par excellence, soit en ce moment l’exemple même de la liberté artistique. Il se produit là où il veut et quand il le désire (on sent que c’est l’envie qui motive ses choix et non le tiroir-caisse) : un coup il est sur le Rocher de Monaco, ensuite sous la verrière du Grand Palais à Paname, puis bientôt dans les « arènes » d’Arras ; de plus, il fait la nique au système des majors qui se font du gras sur le dos des artistes : il autoproduit ses nouveaux disques et choisit lui-même ses moyens de diffusion (cet été, son nouvel album 20Ten* est proposé gratuit via l’achat de Courrier international) ; Prince montre aux jeunes musiciens du Net qu’il est possible de se faire entendre sans crouler sous les diktats des marchands de l’industrie culturelle : la donne a changé et Prince montre la voie, chapeau ! Marc-Edouard Nabe en a d’ailleurs parlé intelligemment dans Rock & Folk n°513, mai 2010, page 17 : « Au fur et à mesure de mes réflexions, je me suis aperçu que dans le livre, il y avait plein de métiers inutiles pour l’écrivain, qui ne servent qu’à ceux qui veulent gagner de l’argent sur son dos. On a cet exemple dans la musique avec Prince. Lui a tout compris. (…) Prince a voulu casser cette suprématie des majors et s’est posé la même question que moi, c’est-à-dire à quoi servent les majors, à part diffuser l’œuvre ? Je me sers d’Internet comme d’un outil de diffusion. Prince n’a plus besoin d’une maison de disques, je me passe d’un éditeur. » D’autre part, impossible de constater la fraîcheur d’un Prince (beau jeune homme de 52 ans) et d’un Stevie rechargé à bloc sur piles Wonder (à 60 ans, il roule parterre et monte sur son piano !) sans penser à la trajectoire mortifère du génial Michael Jackson mort prématurément à 50 ans. Celui-ci, à la différence des deux autres, s’est fait vampiriser par sa propre créature médiatique (King of Pop, Bambi, Wacko Jacko, Michael Jackpot, United Colors of Jackson) ; oubliant hélas sa nature humaine, de simple mortel, derrière les masques de sa célébrité planétaire. Tel un clin d’œil, sur scène, le titre jacksonien qu’a repris Stevie Wonder pour rendre hommage au frère Jackson, un an après sa mort, est… Human Nature. Tiens, tiens. Mettre en avant l’humain derrière les paillettes de la peoplelisation, le souffle revigorant de la liberté de création face au star-system mécanisé, voilà ce qu’ont fait Stevie, Prince et, en creux, Michael hier soir à Bercy. Merci à eux. Infiniment.

* 2e photo de l’auteur de l’article (juillet 2010). Précisons que Stevie Wonder, après le POPB de jeudi soir, sera au Zénith de Nantes vendredi soir, aux Arènes de Nîmes le 4 juillet prochain puis au Sporting de Monte-Carlo les 9 et 10 juillet 2010.

** A voir ici : http://blog.leparisien.fr/zik_zag/2010/07/prince-a-rejoint-stevie-wonder-a-bercy.html

*** Info ici : http://www.lexpress.fr/culture/musique/prince-dans-les-bacs-des-marchands-de-journaux_903254.html

 

 



2 réactions


  • Diva Diva 3 juillet 2010 13:09

    @ l’auteur : Article lumineux rendant parfaitement hommage à ces monuments incontestables de la musique américaine !

    Prince :

    Dance 4 me
    Anna Stesia
    7
    Money don’t matter 2 night
    Raspberry Beret
    Empty Room
    ...

    Stevie Wonder :

    If your love cannot be moved
    How will I know
    Passionate raindrops
    Time to love
    Overjoyed
    Ribbon in the sky
    ...


  • Marianne Marianne 3 juillet 2010 15:34

    J’y étais. Impressionnant ! Bercy plein à craquer : 22 000 personnes. La plupart entre 40 et 55 ans, dont je fais partie. 73 euros devait être le plus bas prix (ma place était à 150 euros dans les tribunes au 10ème rang). Ces tubes sont indémodables. Ils m’ont accompagnée depuis le bac. Ce qui m’a frappée, au delà de la qualité du concert, des artistes, de la voix inchangée de Stevie Wonder, c’est sa simplicité, sa gentillesse, son humour, sa tendresse. Il n’a pas la grosse tête. Il est humain tout simplement. J’ai aimé son appel à l’humanité, à tout faire pour rendre le monde meilleur, notamment toujours penser aux handicapés, aux aveugles, à ceux qui ont une autonomie restreinte, peser sur les politiques pour traduire vraiment dans les actes l’amélioration de l’accessibilité.
    Dommage qu’il n’ait pas entonné son tube « Happy Birthday », car c’était mon anniversaire et ce concert était mon cadeau !


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