jeudi 21 août 2008 - par Argoul

Succès pour « Les Hommes qui n’aimaient pas les femmes »

Gros succès pour ce thriller suédois. Avec raison. Il sagit - pour une fois - dun polar économique le héros nest pas agent secret ou flic, mais journaliste dinvestigation. De quoi nous rappeler que la Suède est une nation industrielle qui a su tirer des atouts de la mondialisation.

stieg-larsson-millenium-1.1219223417.jpgMikael Blomkvist aime léconomie, la justice, les droits de lhomme. Il est le Suédois que chaque famille aimerait pour gendre tant il répond au politiquement correct local. Sauf quun financier très puissant lui a fait mordre la poussière - procès, amende et trois mois de prison. Celui qui na comme fortune que sa réputation ne saurait pardonner !

Cest alors que lhistoire se complique. Le thriller économique se transforme en traque policière sur un tout autre sujet : un mystérieux tueur en série qui sévit depuis des dizaines dannées en Suède et qui aurait fait disparaître Harriet, la nièce du PDG dun autre puissant groupe industriel familial suédois. Comme Mikael na rien à faire, en attendant que la profession oublie un peu son procès et quil fasse son temps de prison, le PDG octogénaire Heinrik Vanger lembauche comme traqueur pour revoir toute laffaire. Elle a été lobsession de sa vie et il veut faire une dernière tentative avec un œil neuf.

Et cest que lon saperçoit que les techniques du journalisme dinvestigation sapparentent fort aux techniques denquêtes policières - voire à celles des agents secrets. Une jeune fille, Lisbeth, à lexistence déstructurée et chaotique, se révèle experte en informatique avec des procédés sophistiqués de hacker. Après avoir lu ce livre, vous ne pourrez plus vous connecter à internet sans avoir au préalable vidé votre ordinateur de tout ce quil peut contenir de personnel - et soigneusement haché les fichiers transférés...

Sans dévoiler lhistoire, palpitante et bien menée dans le décor exotique de lhiver glacé dune Suède constamment baignée par la mer, on peut résumer le tome 1 de Millénium de la façon suivante. ‘Milléniumest le titre dun magazine dinvestigation économique ; cest lui le vrai héros du livre. Lauteur a lui-même dirigé un magazine de ce type, ‘Expo’, avant de décéder en 2004. Son journaliste va sauver un empire industriel et en couler un autre ; il va soutenir la famille patriote et détruire en vol les escrocs apatrides. Voilà une belle quête pour une Suède du XXIe siècle en quête didentité !

Nhésitez pas à lire ce livre : vous allez entrer dans le monde contemporain la combinaison ordinateur + connexion ADSL est désormais larme la plus puissante - comme la faille la plus grave de léconomie.

Les nouveautés de la finance, qui frisent lescroquerie, devraient être mises au jour et dénoncées par les journalistes, si ceux-ci ne restaient pas fascinés par la richesse et trop frileux pour sengager. Le roman a été écrit juste après léclatement de la bulle internet. « Les analystes économiques suédois étaient ces dernières années devenus une équipe de larbins incompétents, imbus de leur propre importance et totalement incapables de la moindre pensée critique. » p.109 On peut en dire autant des journalistes spécialisés du monde entier. Surtout lorsquon empile des sociétés bidons qui traversent des places off-shore. Stieg Larsson écrit, non sans humour : « Wennerström se consacrait à lescroquerie sur une échelle tellement vaste quil ne sagissait plus de crime - il sagissait daffaires. » p.543

La dernière pique est réservée aux affolés sociaux qui préfèrent ne jamais lever le voile, des fois que « léconomie suédoise » en pâtisse. Ils se font, ce faisant, complices de lescroquerie. Or, déclare le journaliste, « il faut distinguer deux choses - léconomie suédoise et le marché boursier suédois. Léconomie suédoise est la somme de toutes les marchandises et de tous les services qui sont produits dans ce pays chaque jour. (...) La bourse, cest tout autre chose. Il ny a aucune économie et aucune production de marchandises ou de services. Il ny que des fantasmes dheure en heure on décide que maintenant telle ou telle entreprise vaut quelques milliards de plus ou de moins. » p. 560. Rappelons que la Suède est restée en couronnes, elle ne compte pas en euros. Non que la bourse nait pas dimportance, mais il faut garder à lesprit que la spéculation se déconnecte des actifs réels. « Cela signifie quun tas de gros spéculateurs sont actuellement en train de transférer leurs portefeuilles boursiers des entreprises suédoises vers les entreprises allemandes. Ce sont donc les hyènes de la finance quun reporter avec un peu de couilles devrait identifier et mettre au pilori comme traîtres à la patrie. Ce sont eux qui systématiquement et sciemment sapent léconomie suédoise pour satisfaire les intérêts de leurs clients. » p. 561.

 

Le patriotisme économique contre les requins apatrides, est-ce un signe des temps ?

Stieg Larsson, Millénium 1 - Les Hommes qui n’aimaient pas les femmes (Man som hatar kvinnor), 2005, éd. française Actes Sud 2006, traduit du suédois par Lena Grumbach et Marc de Gouvenain, 575 pages.



5 réactions


  • Zalka Zalka 21 août 2008 13:41

    Très très bon bouquin.

    L’article décrit juste ce qu’il faut.


  • CAMBRONNE CAMBRONNE 21 août 2008 14:45

    BOUQUIN REMARQUABLE

    A lire la suite absolument . Aprés les financiers ce sont les services spéciaux de la guerre froide qui sont en ligne de mire .

    Cependant je ne suis pas tout à fait d’accord avec l’auteur de l’article qui résume un peu trop le livre à une description du monde de la finance internationale .

    Pour moi ce sont les personnages avec leurs caractéristiques incroyables qui font tout l’intéret du roman et la suite le confirme . Lisbeth SALANDER est le clou des trois tomes et le pivot de toute l’histoire .

    Bien à vous Argoul


    • Castor 21 août 2008 16:58

      J’ai dévoré les trois tomes...

      Un regret toutefois  : le décès inopiné de l’auteur après avoir remis ses manuscrits à son éditeur, décès qui, si je ne m’abuse, laisse présager une absence cruelle de suite...


    • Traroth Traroth 21 août 2008 17:37

      C’est même encore plus sordide : les romans ont, si j’ai bien compris, été co-écrit par Larson et sa compagne, et maintenant, ladite compagne est largement spoliée par les héritiers de Larson. Toutefois, il semblerait qu’elle possède un manuscrit inachevé, le quatrième tome.


  • Mordius 21 août 2008 21:58

    J’ai trouvé les deux tomes suivant qui sont en fait un roman à deux tomes beaucoup plus intéressant.
    Trilogie à conseiller ! .
    Comme le dit Traroth, il semble en effet que la compagne de l’auteur soit en possession d’un quatrième tome. Elle pourra le négocier facilement aux vues des ventes des trois premiers et récupérer un peux de ce que la famille de l’auteur n’a pas voulu lui donner.


Réagir