lundi 21 décembre 2009 - par Vincent Delaury

Sur « La Route »

En ces temps de neige et de grand froid, quel ne fut pas mon plaisir d’aller en salle voir un film sur un monde apocalyptique, plombé par un froid polaire, nous permettant de relativiser certains de nos désagréments actuels : toux, lèvres gercées, pieds et mains frigorifiés. Adapté du roman éponyme de Cormac McCarthy, prix Pulitzer 2007, La Route (The Road (1)), signé John Hillcoat, est l’histoire d’un père et d’un fils qui, face à un monde dévasté par une brusque chute de température, décident de partir sur les routes à la recherche d’un climat plus doux. Obsédés par la nourriture, les chaussures et le froid, ils doivent aussi affronter des bandes de vagabonds et des hordes de cannibales. A la fois guide de survie et parcours initiatique, ce film se double d’une jolie réflexion sur l’amour filial, sur le tout-consumérisme et sur certaines valeurs américaines. Que faire et que penser lorsqu’il s’agit de revenir à l’essentiel (se nourrir, se protéger du froid et du danger) ? Peut-on faire confiance à l’autre ou faut-il s’en tenir à son individualisme frénétique au risque de passer à côté d’une belle rencontre ? « Nous sommes tous les témoins d’une nouvelle époque de violents conflits mondiaux, et nous sommes tous hantés par le spectre d’une catastrophe environnementale à l’échelle globale qui entraînerait la fin de notre monde. La Route résonne donc dans notre psyché collective avec la force d’un cauchemar universel. » (Hillcoat). Surfant sur la mode actuelle des films sur la fin du monde (Wall-E, Les Derniers jours du monde, 2012…), La Route évite pour autant de se faire trop leçon de morale bio-écolo-chlorophylle, quelque peu asphyxiante, afin de s’élever jusqu’à l’universel : les parents se souciant de leur progéniture ; le père à sa femme : « Je suis prêt à faire ce qu’il faut. Je tuerai ceux qui vous approchent, c’est mon job. Nous survivrons à ça. »

Plastiquement, le film est superbe. Avec ses camaïeux de gris, d’ocre et de terre d’ombre brûlée, avec ses perspectives vertigineuses, ses carcasses de voitures, ses arbres déracinés et son univers de terrains vagues, on croit au monde post-apocalyptique qui nous est donné à voir : plus d’oiseaux, plus d’énergie, plus de soleil, plus de nourriture. Avec le père, homme ordinaire (un grand Viggo Mortensen) s’élevant jusqu’à l’extraordinaire pour sauver son fiston affamé, on navigue dans un no man’s land constitué de bâtiments fantômes, de sacs plastiques, de blousons de ski et de caddies de supermarchés. Juste une petite réserve : le décor fait de bric et de broc aurait peut-être pu davantage lorgner vers le bric-à-brac, façon marabout-de-ficelle, de sculpteurs contemporains (Tony Cragg, Anthony Caro…) qui multiplient dans leurs œuvres les résidus de l’ère industrielle (outils, poutres, rails, boulons de fixation) et qui font feu de tout bois afin de dégager une poésie de ce qui est d’habitude appelé à mettre au rebut : la rouille, les armatures métalliques, les accidents de l’acier et autres. En même temps, si La Route évite de trop aller dans cette direction-là, et on comprend Hillcoat, c’est pour ne pas trop renvoyer à l’accumulation d’objets hétéroclites à l’œuvre dans un film post-apocalyptique qui fait référence dans ce genre-là - Mad Max - et qui a même fait école (Waterworld). D’ailleurs, et c’est à saluer de la part du réalisateur de La Route, ce film trouve habilement la juste mesure entre différentes références filmiques qui, trop appuyées (ce qui n’est pas le cas), pourraient vite virer au copier-coller et à la simple révérence postmoderne.

Cela est flagrant dans les deux scènes-climax du film. Lorsque le duo de survivants se cache pour guetter l’arrivée d’une équipée sauvage de voyous sur un camion crasseux, on se dit qu’on risque de tomber dans la thématique des guerriers de la route chère à Mad Max. Mais, ce moment du film, jouant non pas sur l’ultraviolence mais sur la suggestion, évite avec bonheur de s’aventurer dans un film d’action qu’il ne veut pas être - « Nous voulions éviter de créer un univers à la Mad Max parce que tout le monde connaît ce film qui a défini le genre post-apocalyptique. » (Hillcoat). Autre exemple : la scène tendue et remarquable de l’arrivée du couple de survivants dans un repaire de cannibales, dont le sous-sol cauchemardesque s’apparente à une revisitation de visions d’horreurs à la Bosch, évite, grâce à ses ellipses, d’égarer le long métrage dans un film de zombies à la Romero, ce qu’il n’est pas. Bref, La Route ne se perd pas en route, tant mieux. Il jongle d’ailleurs avec aisance entre des scènes de tension extrême et d’autres propices à la sérénité zen. La scène au coin du feu, avec un Robert Duvall impressionnant, fait penser à une scène de western contemplatif façon Monte Hellman. Et, les jolis moments qui rappellent, dans la vie de tous les jours, tous ces petits riens qui font tant de bien [la contemplation de la nature (d’un arc-en-ciel, d’un scarabée) ; les plaisirs de la vie (savourer un Coca pétillant, un verre de Jack Daniel’s)], fonctionnent ici comme autant de temps suspendus qui entrent en harmonie avec les plages, de solitude, de sable et autres, de La Route. Enfin, et chose rare dans les productions hollywoodiennes contemporaines, le monde de l’enfance n’est pas confondu avec l’infantilisme et le neuneu. Kodi Smit-McPhee, qui interprète le fils fuyant les Méchants, n’est jamais gnangnan et, au passage, la morale de cette histoire universelle sur la filiation est à méditer : si le fils apprend du père, l’inverse est également valable. Si le père n’est pas complètement résigné face à la nature humaine, fort poisseuse, et s’il parvient encore à activer sa capacité à poétiser le réel, c’est grâce à son enfant qui lui rappelle l’innocence et la fraîcheur du premier regard sur le monde. 

Face à certaines qualités indéniables du film (des paysages défigurés impressionnants, des acteurs talentueux, des plages contemplatives bienvenues), on pourra cependant regretter certains écueils : les nombreux flash-back, qui nous montrent la vie passée entre le père et sa femme dépressive, sont trop systématiques : ça sent le tic scénaristique déjà à l’œuvre dans un Mémoires de nos pères, pourtant signé du grand Eastwood. Autre regret, la musique lyrique sirupeuse de Nick Cave est étonnamment malvenue ; elle a tendance à tirer le film vers une certaine bondieuserie dont on se serait largement passé. Cette musique chantilly ressemble fort à une erreur de casting, et on se met alors à rêver de ce qu’aurait pu offrir au film une partition aux sonorités urbaines et aux accents métalliques du Howard Shore de Crash. Mais, si la musique de ce film n’est en aucun cas la plus-value de La Route, force est de reconnaître que celui-ci bénéficie d’une arme redoutable en la personne de Viggo Mortensen. Si ce film tient largement la route (du 4 sur 5 pour moi), c’est grâce à lui. Avec ses yeux vifs, son air mutique de cow-boy et ses silences qui en disent long, Mortensen - dont l’immense talent n’est plus à prouver (il suffit d’évoquer ses superbes prestations de personnages doubles chez Cronenberg) – porte littéralement le film. C’est vraiment lui le meilleur effet spécial de La Route. Cet acteur-là, assurément l’un des tout meilleurs acteurs d’aujourd’hui, a un énorme charisme à l’écran. On le sent profond, habité par quelque chose, et on sent bien que ce n’est pas qu’une impression : voilà bien un acteur qui ne cachetonne pas, qui prend le temps de vivre et qui sait multiplier les chemins de traverse (poésie, peinture) afin que la célébrité people ne fasse pas écran à sa vie d’homme et d’artiste : « J’ai ma famille, mes poèmes, mes tableaux… La vraie vie, ce n’est pas le cinéma. » (2). Bref, le Roi Viggo, c’est bien lui ! Et que la Cérémonie des Oscars à venir pense à lui pour ce qu’il fait, ou ne fait pas (car c’est quand il en fait le moins possible qu’il est à son meilleur), dans La Route. Oui, croyez-moi, si ce film mérite d’être vu, c’est grâce à lui.

(1) En salle depuis le 2 décembre.

(2) Viggo Mortensen, in magazine UGC Illimité, décembre 2009.

 



24 réactions


  • Francis, agnotologue JL 21 décembre 2009 10:21

    J’ai vu ce film, je n’ai qu’un mot : laid.

    Laid sur le fond et laid sur la forme.

    Ha, oui, ridicule aussi, et sale. Par exemple, le noir grassouillet censé mourir de faim, et qui, dans ce monde apocalyptique où il est seul et va probablement mourir sous peu, est tétanisé parce qu’il n’a plus de vêtements, non pas parce qu’il a froid mais parce qu’il a honte d’être nu, honte au point de ne plus pouvoir rien faire sinon utiliser ses deux mains pous cacher compulsivement son sexe. Et la caméra s’attarde incompréhensiblement sur cette image !

    Bref, le film le plus affreux qu’il m’ait été donné de voir aussi loin que je me souvienne.


    • Francis, agnotologue JL 21 décembre 2009 10:57

      Je passe sur le coté absurde de la mort de la mère : la scène se passe des années après la catastrophe, mais toute la famille se porte bien. Puis la mère, un soir, décide d’en finir avec la vie : elle se tire. Où ? Mystère.

      Le titre du film est « La route » et non pas « Sur la route » comme l’écrit Vincent Delaury. Il ne faut pas confondre le livre culte de Jack Kérouac avec le roman de Cormac McCarty lequel n’a rien à voir avec la « beat generation » 


    • RebelBird RebelBird 21 décembre 2009 16:25

      Tu n’as pas aimé ? Moi, j’ai trouvé ce film fantastique : un vrai choc artistique. Ca faisait longtemps que je n’avais pas vu un survival avec un héros aussi fin et un environnement aussi hostile.

      L’auteur de cet article parle d’un « monde dévasté par une brusque chute de température ». J’ai eu pour ma part l’impression que c’était plus grave que ça : toutes les plantes meurent et plus rien ne semble pousser, le ciel est gris tout le temps et l’environnement est de plus en plus froid. Bien que ce ne soit pas clairement dit, tout cela me fait penser à un hiver nucléaire.
      En tout cas, la mort des plantes et, par elle, le tarissement de la chaîne alimentaire me semble être un problème bien plus grave que le froid.

      J’ai trouvé ce film extrêmement triste. En sortant de la salle, je me suis senti vidé, lessivé, presque sous le choc. Je n’ai pas ressenti ça souvent après un film. Peut-être la liste de Shindler ou Bloody Sunday.

      Je n’ai pas bien compris la fin (SPOILER ALERT). Dans ce monde où on se traine comme on peut sans autre but précis que survivre, il m’aurait semblé logique que le gamin reprenne le flambeau seul. Pourquoi vouloir caser une sorte de happy end qui ne s’intègre pas très bien au reste du scénario ? Est-ce que le livre finit de la même façon ? Est-ce que la production l’a imposé ? Est-ce que ça vous a semblé bien s’intégrer à vous chers agoranautes ?


    • BDKnut BDKnut 27 décembre 2009 00:46

      Rigolo, moi c’est le bouquin qui m’a fichu à genoux ... mais je l’ai dévoré en deux soirées, avec bcoup de plaisir ... j’ai hâte d’aller voir le film, qui a mis presque un mois à arriver ds mon département paumé ... pfffff ...


  • lorenzo7 21 décembre 2009 10:43

    un film sur la survie dans un monde post apocalyptique doit t’il être beau et propre, avec des décors mignons et colorés ? Je trouve au contraire que l’objectif est atteint dans ce film mille fois plus pertinent que les Hollywoodiens 2012 et Cie, ici on y croit et Mortensen est un géant.


  • UnGeko 21 décembre 2009 10:47

    J’ai vu ce film et je partage le point de vue de l’auteur !
    Tout comme vous j’ai regretté le petit côté bondieuserie et quelques longueurs ! Ca fait du bien de voir un film qui met l’accent sur le jeu des acteurs sans tomber dans une pluie d’effets spéciaux, à l’opposé d’un 2012 qui joue sur l’émotion des sens mais laisse l’encéphalogramme de la réflexion au niveau Z !


  • Sandro Ferretti SANDRO 21 décembre 2009 10:53

    Par respect pour le grand Cormac Mc Carthy, l’un des trois plus grands écrivains vivants, et par dévotion pour « The Road », joyau littéraire quasi-indépassable, je n’irai évidement pas voir ce film.
    C’est comme mettre à l’écran « le voyage au bout de la nuit » : mission impossible, avec ou sans Cruise....
    Bien que trahissant pas mal le roman original , j’avais tout de méme apprécié « No country for the old man ». Mais ce genre de films doivent étre vus, à mon sens, par des gens qui n’ont pas lu le roman , sinon, c’est trop décevant.

    Bref, gens d’ Avox, « fuck le cinoche », L. I.S.E.Z.
    Ca aère autrement le cerveau...


    • Francis, agnotologue JL 21 décembre 2009 11:00

      @ Sandro, c’est exactement ce que je me disais, mais trop tard, en voyant le film : le roman est peut-être intéressant, quoique : je doute que cette succession d’aventures navrantes et d’une certaine façon répétitives puisse captiver longtemps un lecteur.


    • Vipère Vipère 21 décembre 2009 13:17

      vipère, vip pour faire court,

      S’en tiendra donc au roman de Cormac Mc Cartthy que j’ai dévoré d’un trait.

      L’errance d’un père et d’un fils « le petit » , des sans domicile fixe, des post apocacalyptiques , errant sur la route, sombre, enneigée, dangereuse, traversant des terres brûlées pour se rendant vers le sud.

      Constament, affamés, épuisés de fatigue et de froid, avec l’obsession lancinante de trouver un abri, de la nourriture, d’échapper « aux méchants » d’autres humains devenus cannibales, se maintenir en vie le plus longtemps possible, malgré l’adversité.




    • lorenzo7 21 décembre 2009 15:12

      J’ai apprécié le film mais j’ai acheté le roman pour le lire pendant les vacances


    • BDKnut BDKnut 27 décembre 2009 00:51

      Réaction débile ... désolé de vous le dire, mais c’est ce que je pense ...

      Pourquoi, ds votre monde, ne peut-on pas concilier livre ET cinéma ??? Ds n’importe quel ordre, d’ailleurs ...
      Parallèle : j’ai lu le Parfum de Süskind, j’ai pris un pied fou, j’ai vu le film (très sceptique) et j’ai aussi bcoup aimé ...
      Idem le Seigneur des Anneaux et qques autres ...
      Alors ?

  • Vincent Delaury Vincent Delaury 21 décembre 2009 11:15

    JL : « Le titre du film est »La route« et non pas »Sur la route« (...) »

    JL, SVP, relisez-moi bien. Dans mon titre, les guillemets sont pour « La Route », ’sur’ n’étant pas compris dedans. Mais, je vous l’accorde aisément, ce ’ Sur « La Route » ’ est en effet un clin d’oeil à Jack Kerouac.


    • Francis, agnotologue JL 21 décembre 2009 11:27

      Dont acte, mais convenez qu’il n’y a rien de commun entre les deux ouvrages. Je dois dire que le cinéma est avant tout un spectacle, et la laideur à l’écran, désolé, je n’ai jamais trouvé ça esthétique.


  • Mmarvinbear mmarvin 21 décembre 2009 11:27

    J’ai été voir ce film hier. Pour être sincère, il me donne envie de réclamer des dommages et intérêts pour le temps perdu au visionnage.

    Ce film est fort d’une bonne critique publique, mais sincèrement, je ne comprends pas pourquoi.

    Le scénario est minimaliste au possible. On critique avec justesse les films d’actions pour ce travers mais là le réalisateur a fait pareil : un emballage de carambar suffit pour y transcrire le film !

    Les personnages n’ont absolument aucune profondeur. Le père est dépeint comme un obsédé de la survie de son fils (ce qui ne l’empeche pas de lui coller le canon du revolver sur la tempe trois secondes après lui avoir dit qu’il ne laisserait personne lui faire du mal...), qui ne tire aucune leçon des rencontres qu’il fait ou des erreurs qu’il commet. Dans la réalité, un tel zozo ne met pas un mois avant de se faire éliminer ! Alors tenir 10 ans...

    Le gamin est une véritable poupée de son, qui ne prends aucune initiative ou presque. Dans une telle réalité, un tel mouton se serait fait bouffer depuis longtemps ! Au sens propre !

    Niveau personnage, impossible de faire plus unidimensionnel !

    Les décors sont crasseux au possible : en voyant le film, on n’a pas l’impression d’un film catastrophe, mais plus d’ un reportage sur Emmaus en Roumanie !

    Quand à l’environnement, c’est le pompon ! Rien sur la catastrophe. On ne sait pas ce qui est arrivé, sauf que ça a tout zigouillé, végétaux comme animaux ( à part un clebs et un scarabée...), sauf les humains. C’est pas crédible une seconde.

    Le pire, c’est quand même les dialogues. :

    « Mais pourquoi vous n’avez pas arreté de nous suivre ?
    - Non, c’est vous qui nous suiviez ! »

    ( Hum... Y’en a qui ont un problème pour différencier le devant du derrière vous croyez pas ?)

    « Le mettre au monde m’a arraché le coeur. »
     
    ( On nage dans la collection Harlequin...)

    Et le reste est à l’avenant. On finit pas espérer que les cannibales mettent la main dessus et se tapent un bon méchoui afin de dire qu’on n’a pas perdu notre temps mais non, on n’a même pas ce bonheur.

    ( Sois dit en passant, je sais pas si vous avez remarqué, mais le père du gamin est quand même un beau salopard quand il ressort de la cave des cannibales et refermant bien la porte pour empecher les victimes d’avoir une chance de s’en sortir. Y’ a pas de morale...)

    Bref, ce film est un ratage complet.
    Vous êtes prévenus.


    • Francis, agnotologue JL 21 décembre 2009 11:31

      @ mmarvin, je confirme ce que vous dites : je l’ai vu il y a un mois et j’avais un peu oublié les détails de ce cauchemar.


  • Sandro Ferretti SANDRO 21 décembre 2009 11:50

    @ Tous :
    Lisez « la route », c’est un autre monde.
    « C’est de l’autre coté de la vie », comme disait Céline dans sa préface du « Voyage ».
    Le roman est un joyau.
    S’il ne faut emporter qu’un livre sur la banquise, c’est celui-là.


    • Francis, agnotologue JL 21 décembre 2009 13:16

      @ Sandro : est-ce que dans le roman il y a cette vénération affichée pour le revolver ? Le père a un revolver dans lequel il reste une balle, mais avec cette arme il paraît se sentir invulnérable. Quand il part sur le bateau échoué, il met l’arme dans les mains de son fils, qu’il installe confortablement dans la tente, comme pour dormir, mais en lui disant d’être vigilent ! 
       
      Puis il se jette à l’eau pour aller voir dit-il, « s’il n’y a rien pour nous sur ce bateau » (sic).

      Et tout ce qu’il ramène, c’est un pistolet d’alarme ! Lequel pistolet d’alarme lui servira à économiser la précieuse balle qu’il reste dans le barillet, puisqu’il sera utilisé pour envoyer la fusée qu’il contient en plein coeur d’un archer qui leur voulait du mal ! Comme si un pistolet d’alarme avait une telle précision !

      Bref, ça ressemble à un jeu vidéo dans lequel, au passage le joueur se saisit d’objets qui lui serviront ultérieurement à se sortir de situations scabreuses.

      Je ne sais pas si le toman est aussi idiot ou si c’est la réalisation qui est débile, mais sincèrement, sachant ce qu’est ce film, même si on me payait pour le voir, je n’irais pas.


  • Sandro Ferretti SANDRO 21 décembre 2009 13:35

    Non, bien sur.
    Dans le roman, le père, qui se sait mourrant, garde la balle pour lui ou (c’est très elliptique), pour son fils ( pour l’achever, ce qu’il ne pourra faire, ou pour que le fils abrége ses souffrances lorsqu’il sera seul dans le froid, après sa mort).
    Comme toujours dans la vie, ce n’est ni l’une ni l’autre situation qui se passera.
    Il y a beaucoup de dignité elliptique dans le livre, sur ce sujet comme sur d’autres.


  • jondegre jondegre 21 décembre 2009 14:02

    la route = very (very) bad trip, un pur moment désagréable plongé dans un univers absurde et absolument glauque, paroxystique-ment sombre et non-sens total.

    Et puis bien d’accord avec Marvin (ce sera surement la seule smiley  : "On ne sait pas ce qui est arrivé, sauf que ça a tout zigouillé, végétaux comme animaux ( à part un clebs et un scarabée...), sauf les humains. C’est pas crédible une seconde."


    • BDKnut BDKnut 27 décembre 2009 00:43

      Le bouquin n’explique pas non plus ce qui est arrivé ... même si on soupçonne fortement, en le lisant, un hiver nucléaire ...

      Au début, ça m’a énervé, j’aime bien savoir ... ensuite, je me suis dis que si le personnage principal a survécu au cataclysme, c’est qu’il devait se trouver relativement loin de son épicentre (aux 1ères loges, il serait mort comme les autres) et donc probablement ds la plus grande ignorance de « ce qui s’est passé » ... ensuite encore, je me dis que l’auteur a voulu aussi nous transmettre l’état d’esprit probable d’un type ayant passé x années à survivre en bouffant des ordures et en s’habillant de sacs en plastique, il n’en a probablement plus rien à faire de « ce qui s’est passé » et de « qui a commencé », l’éternelle question « cour de récré » que l’on retrouve ds tous les films « de ce type » ...

  • MICHEL GERMAIN jacques Roux 21 décembre 2009 17:29

    Bonjour à tous,

    je suis allé voir ce film influencé par les « bonnes » critiques émises à son endroit. J’aime voir des films qui me déplacent l’esprit, la manière de voir la vie, les hommes...S’il s’y ajoute un peu de technique, ma foi, pourquoi pas, mais point trop n’en faut.

    J’ai été fort déçu. Tout ce qui aurait pu être dit où fait sur ce thème a été évité. L’apocalypse pouvant permettre la volonté de renaissance, de lien humain, de nouvelles règles pour ne pas dire éthique, d’une nouvelle pensée...rien. Je pensais que Camus aurait pu prêter une lumière dans cette nuit de dictature, rien. Qu’un enfant aurait pu s’opposer à son père plus radicalement dans un œdipe créateur et critique de l’attitude d’un homme qui a visiblement sombré dans le chacun-pour-soi du vieux monde, même pas.

    Certes il en fallait du talent pour éviter un remake de « Mad Max ». Éviter la gonflette technologique de « Matrix » et autres « Avatar » n’était pas sans risques, mais de là à faire tomber des arbres uniquement pour sauver provisoirement les héros d’un groupe de cannibales, voila qui manque de classe et présume un brin la main invisible du... du Divin (ah ! ces Américains !).

    Rencontrer un vieillard pour une fade discussion de 4 mots autour d’un feu aurait pu, au contraire, faire jaillir la mémoire, l’Histoire (ces gens devaient avoir fait une terminale S en 2010) l’expérience, et leur critique, rien non plus.

    Le père meurt mais aussitôt la famille de Babas-cool, qui n’avait pas une chance de survie si l’on en croit ce qui advient aux autres dans ce monde, récupère l’enfant sur le mot « Fin ». Peut être fallait il que l’enfant soit débarrassé du « père » pour trouver, grandir et s’élever dans un monde nouveau ? Ce pourrait être cela ? Mais je me demande si je ne cherche pas des excuses pour sauver le soldat Hillcoat...

    La passion amoureuse, le désir d’essentiel, au moins, traversaient « les derniers jours du monde »...

    Désolé Vincent, ce coup ci, nous n’avons pas la même approche.

    A bientôt. 

     


  • Vincent Delaury Vincent Delaury 21 décembre 2009 18:34

    jacques Roux : « (...) mais de là à faire tomber des arbres uniquement pour sauver provisoirement les héros d’un groupe de cannibales, voila qui manque de classe et présume un brin la main invisible du... du Divin (ah ! ces Américains !). »

    Pas faux !


    • BDKnut BDKnut 27 décembre 2009 00:44

      Mais c’est, euh ... si je me rappelle bien, conforme au livre ... plus tout à fait sur, je l’ai lu il y a qque temps ... et je n’ai pas encore vu le film ! Lundi soir probablement ...


  • rodofr rodofr 27 décembre 2009 04:14

    Je vous conseils une des meilleurs critiques du livre « la route », traduite dans plusieurs pays que jamais « bien sûr » le film ne fait ressortir car la route est avant tout une langue, une poésie minimalisme...
    Lien ici de stalker mis ci-dessous pour sa version littéraire et la critique du Film lien ici

    Je dédie ce texte à la mémoire de Vincent Murlin. Puisses-tu, sur la route blanche, trouver un peu de chaleur et de réconfort.

    Bien sûr, La route de Cormac McCarthy évoque l’écriture dépouillée (non pas pauvre) du premier Hemingway, celle du dernier Beckett, toute remplie de silences, ces derniers semblant parfois occuper plus de place que le texte lui-même, les souvenirs des plus noires tragédies de Shakespeare (mais aussi le génial foisonnement de sa langue, c’est un point qu’André Bleikasten, qui sans doute ne sait pas lire l’anglais, mésestime gravement), les images au symbolisme démoniaque que Conrad dispersa, comme autant d’énigmes insondables, le long du fleuve lentement remonté par Marlow, l’errance des personnages des Raisins de la colère de Steinbeck, la certitude que la barbarie ne peut être vaincue par le progrès comme l’évoque Sa Majesté des mouches de Golding, la fragilité extrême du voile qui, justement, nous sépare de cette barbarie, enfouie sous un vernis de bons sentiments et de technologie, comme le rappelle L’île du docteur Moreau (et aussi La Machine à explorer le temps et La guerre des mondes) de Wells mais c’est avant tout des précédents romans (1) de Cormac McCarthy que La route s’est nourri, surtout de No Country for Old Men. Les toutes dernières lignes de ce roman, évoquant le rêve du shériff (redevenu jeune enfant, il accompagne dans la nuit son père qui, avec une lampe rudimentaire, s’enfonce dans les ténèbres), semblent annoncer l’aventure qui se déroule dans La route.
    Il reprend aussi son écriture tendue, remarquablement précise, superbement concise, sans toutefois adopter son rythme échevelé, ne renonçant pas non plus à évoquer, de façon plus ample qu’il ne l’avait fait dans ce précédent roman, la sombre beauté d’un monde ravagé ni même à délaisser quelques instants la description de l’errance de ses deux personnages : alors l’écriture de McCarthy retrouve l’hypnotique souffle du Bernanos hanté de Monsieur Ouine, paraît s’évader hors du monde détruit par une guerre nucléaire totale, pour chercher l’ultime trace de charité s’étant réfugiée dans l’univers.
    Où est-elle ? Dans quelques gestes élémentaires de survie, des paroles échangées entre un père et son fils, de douloureux rêves d’un monde passé, cassé, quelques rencontres, aussi belles que rares, avec des hommes qui ne sont pas retournés à la sauvagerie, à peine contenue par une société qui est désormais détruite, rasée.
    C’est donc, effectivement, le temps des loups des très vieilles légendes, époque dont un père et son fils subissent l’implacable rigueur : au moins McCarthy n’hésite-t-il pas à nous rappeler que les hommes peuvent se tenir à hauteur d’homme sans la moindre béquille sociale, l’ensemble des survivants redevenus loups n’important en fin de compte guère aux yeux de deux êtres humains qui ont décidé de se tenir et de se retenir de plonger dans le gouffre. La sauvagerie doit être voulue, désirée, embrassée, comme toute maîtresse digne de ce nom  : elle ne peut s’emparer de l’homme que si ce dernier s’est débarrassé de sa claire vision de ce que sont le Bien et le Mal. Kurtz ne devient l’incarnation (pourtant labile) de la sauvagerie que parce qu’il a décidé de se laisser remplir par le flot noir. Il était vide il est vrai, comme n’ont cessé de le répéter, après Conrad, T. S. Eliot puis Bernanos et Broch. Les personnages les plus ténébreux de McCarthy ne s’expliquent jamais par les si pitoyables causes sociales (une enfance malheureuse voyez-vous, une mère battue, un père alcoolique, légèrement tripatouilleur, une jeunesse dans une barre d’immeubles pourris, etc.) qui diluent notre responsabilité dans une mélasse sociologique infecte. Voyez Suttree : marginal, paumé, errant et pourtant grand homme, la caboche remplie d’autre chose que d’un peu de bourre. Nul doute d’ailleurs, que les mauvais journalistes reprocheront au romancier ce paternalisme qu’ils jugeront conservateur, voire réactionnaire, déjà présent dans No Country for Old Men. De grâce, qu’ils nous laissent lire les romans de McCarthy en paix, ces imbéciles pleurnicheurs, qui n’auront même pas vu que ce roman de la dévastation absolue fonde plus qu’il ne détruit, fonde dans la destruction même. Nous y reviendrons.
    Quelles que soient les apparentes disgressions de McCarthy, il signe sa maîtrise magistrale du récit par un trait qui n’aura jamais été aussi remarquablement appuyé que dans La route  : d’un éclair, sa prose a beau s’aventurer dans des contrées inimaginables, souvenirs anciens du père, évocation d’un passé immémorial, chute vertigineuse dans les abîmes de l’espace, exploration des contrées secrètes de la Terre, c’est toujours pour mieux revenir rôder, comme un vent apaisant, autour du père et du fils pour... en porter les aventures toutes simples. Les porter. Porter, n’est-ce pas, après tout, l’unique rôle du romancier qui a mis au monde des personnages nourris de son propre sang ? (2)
    Cormac McCarthy ne lâche pas, une seule seconde, ses personnages : il les observe, leur ménage quelques toutes simples surprises (un abri, de la nourriture, des vêtements), déroule sous leurs pas une route dont la symbolique est évidente. La via rupta est le chemin qui creuse le mur du temps délétère. L’immobilité c’est la mort, surtout dans le monde post-apocalyptique (dont la description semble s’appuyer sur les conclusions popularisées par Carl Sagan (3) et une équipe de scientifiques dans Le froid et les ténèbres), donc impitoyable, que décrit McCarthy. La route est cette image typiquement bernanosienne qui bouleversa Julien Gracq, comme il l’écrit dans un de ses essais de lecture. La route de l’errance est d’ailleurs l’un des décors favoris que McCarthy, dans tous ses romans, ne se lasse pas de peindre.
    Littéralement, Cormac McCarthy porte ses personnages comme s’il était quelque invisible bon Samaritain pris de pitié pour les êtres à terre, alors même que c’est le petit garçon qui paraît donner au père la force de marcher coûte que coûte (voir les propres paroles de l’enfant, p. 222), vers une côte moins sauvage que stérile.
    Notre romancier (mais aussi l’une, donc, de ses plus bouleversantes créations : l’enfant) mérite ainsi l’adjectif (christophore) que Bloy accola au rôle secret et immense du Révélateur du Globe comme il le surnommait, Christophe Colomb. Route et découverte sont les deux faces d’une même réalité, signant symboliquement les plus fameuses odyssées littéraires et métaphysiques.
    Que s’agit-il, dans ce roman barbare et foudroyant, de révéler ? La fondation d’une nouvelle chrétienté, qu’importe que Rome ait été rasée ou pas. Nous ne savons d’ailleurs absolument rien de ce qu’il reste de l’Église : seuls quelques éléments qui paraissent ne guère avoir retenu l’attention de McCarthy, nous sont livrés : ainsi nous est-il dit (p. 20) que l’Amérique a été ravagée par des « sectes sanguinaires ». Cormac McCarthy, à la différence d’un Maurice G. Dantec, se moque de décrire les combats épiques et sanguinaires livrés par les ennemis de l’Église aux derniers représentants de l’Ordre (4). Il paraît même ne pas se soucier de savoir si traverse les âges de fer, caché dans quelque souterrain, le crâne ricanant de Leibowitz dont le savoir redonnera vie à une civilisation (qui de nouveau périra, quelques siècles après la Renaissance d’une humanité ayant été pratiquement détruite par les grands feux).
    Cette nouvelle chrétienté sera donc identique aux toutes premières communautés ayant reçu la Bonne Nouvelle : elle se cachera, elle sera toujours tout près d’être emportée. Elle survivra néanmoins.
    Qu’importe, même, que Dieu existe : il a peut-être été emporté lui aussi par la cendre pulvérulente qui a recouvert le monde entier, pollué les mers et les océans, obscurci l’atmosphère en voilant le soleil. À quoi bon, dès lors, en retrouvant les accents de Job, Le maudire (p. 16), céder au désespoir (p. 34), penser, follement, que la vie véritable, dans un monde presque complètement mort, s’est peut-être réfugiée dans la mort elle-même (p. 24) ou affirmer à l’incrédule qu’Il, ce Dieu devenu fou adoré par des hommes redevenus bêtes, se cache dans le fils (p. 149) que protège, jusqu’au bout de ses propres forces, le père, simplement appelé Papa  ? Si demeure en vie le petit enfant, s’il ne perd pas l’esprit en contemplant la démence, le désespoir (celui de sa mère, qui s’est suicidée), la pestilence et le Mal, et parvient donc à conserver l’usage de la parole, alors c’est Dieu qui continue de parler puisque « S’il n’est pas la parole de Dieu, Dieu n’a jamais parlé » (p. 10).
    Cette fragilité bouleversante de la beauté, qui de toute façon est toujours perdue (cf. p. 52), suffit à Cormac McCarthy, et ce dépouillement extrême, cette consomption du langage même (cf. pp. 80, 156), de la musique peut-être réduite à quelques sons informes (p. 71), ce danger de tous les instants, ces menus gestes qui instituent (cf. p. 128), pour affirmer que la lumière ne peut être dévorée par les ténèbres : « Il restait allongé les yeux fixés sur le petit près du feu. Il voulait être capable de voir. Regarde autour de toi, dit-il. Il n’y a pas dans la longue chronique de la terre de prophète qui ne soit honoré ici aujourd’hui » (p. 237).
    On a même l’impression que ce qui a survécu de la catastrophe, le Reste des vieilles prophéties juives, cette terre sèche, froide, obscure, sans vie, ces quelques hommes errants cherchant un peu de pain et de lumière, ce peu de choses est encore trop aux yeux de Cormac McCarthy et que, tel un conséquent Maître Eckhart, le Rien est sa véritable demeure, la nouvelle Arche d’alliance indestructible. C’est à partir de rien qu’il faudrait fonder de nouveau, puisque ce rien est tout : « Du pied il dégagea des emplacements dans le sable pour les hanches et les épaules du petit à l’endroit où il allait dormir et il s’assit en le tenant contre lui, ébouriffant ses cheveux pour les faire sécher près du feu. Tout cela comme une antique bénédiction. Ainsi soit-il. Évoque les formes. Quand tu n’as rien d’autre construis des cérémonies à partir de rien et anime-les de ton souffle » (p. 68).


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