jeudi 19 novembre 2009 - par L’équipe AgoraVox

« Tentative d’assassinat du bourgeois qui est en moi » primé au prix du pamphlet

Le 4ème prix du pamphlet vient d’être décerné à Yann Kerninon, pour Tentative d’assassinat du bourgeois qui est en moi (Maren Sell éditeurs, mars 2009). Le jury composé de l’architecte Rudy Ricciotti, de la directrice artisitique de la Fiac Jennifer Flay, du compositeur Pascal Dusapin, de l’écrivain et journaliste Guy Konopnicki et de l’humoriste belge Noël Godin ont sélectionné Yann Kerninon parmi dix ouvrages.
 
Le prix du pamphlet, dont cette année AgoraVox était partenaire, est un prix indépendant très atypique dans le paysage littéraire, notamment parce que ses statuts lui interdisent de récompenser un auteur des éditions Anabet qui organisent l’évènement. Ce Goncourt du pamphlet a été créé en 2006 pour plébisciter un livre qui participe au débat public. Le pamphlet est aujourd’hui plus que jamais d’actualité : une arme littéraire qui combat avec les mots en convoquant de grands sujets de sociétés ou les petits maux de tous les jours. Le pamphlet ne laisse jamais indifférent.
 
David d’Equainville, co-fondateur avec Nathalie Guiot des éditions Anabet en 2005, expliquait pour AgoraVox les raisons d’être d’un prix du pamphlet aujourd’hui :
 
« Notre ambition est d’ouvrir, de faire du pamphlet un genre suffisamment large et vivant pour qu’il puisse accueillir différents types de livres, styles d’expression, envies de polémiques, et cette ouverture-là se traduit dans la sélection par des choix qui peuvent parfois surprendre puisqu’il y a des ouvrages qui s’apparentent plus à des enquêtes-documents, des bande dessinées, des textes quasi-poétiques, voire des ouvrages de philosophie, en témoigne le gagnant de la troisième édition, Jean-Luc Nancy (Vérité de la démocratie).
 
Ce qui nous intéresse c’est de démontrer la richesse du genre et de montrer que le pamphlet n’est pas une attaque ad hominem, une espèce de bile lâchée dans la nature avec dénonciation et accusation, mais au contraire une polémique ouverte qui peut s’enrichir de points de vue variés et d’expressions différentes. »

Dix livres sélectionnés couvraient des champs très différents :
  • Bien-être - Tentative d’assassinat du bourgeois qui est en moi de Yann Kerninon (Maren Sell éditeur) 
  • Politique - Le grand trucage - comment le gouvernement manipule les statistiques, de Lorraine Data (La découverte-mai 2009)
  • Terrorisme - Le coup de Tarnac, de Marcel Gay (Florent Massot éditions-avril 2009)
  • Santé - Comment la psychiatrie et l’industrie pharmaceutique ont médicalisé nos émotions, de Christopher Lane (Flammarion Lettres-mars 2009)
  • Arts - Ras le bol Warhol et Cie ! Contre la pauvreté des images, de Gérard Durozoï (Hazan éditions-mars 2009)
  • Médias - Le spectateur émancipé, de Jacques Rancière (La Fabrique-octobre 2008)
  • Ethique - Testo junkie - sexe, drogue et biopolitique, de Beatriz Preciado (Grasset-novembre 2008)
  • Histoire - Enjeux politiques de l’histoire coloniale, de Catherine Coquery-Vidrovitch (Agone-mai 2009)
  • Société - Moi vivant, vous n’aurez jamais de pauses - ou comment j’ai cru devenir libraire, de Leslie Plée (Jean-Claude Gawsewitch éditeur-mars 2009)
  • Insurrection - Contributions à la guerre en cours, Tiqqun (La Fabrique-mai 2009)
 
Les années précédentes, le prix avait été décerné à Yves Paccalet pour Demain l’humanité disparaîtra (éditions Arthaud, 2006), Pascal Durand pour Les nouveaux mots du pouvoir (éditions Aden, 2007) et Jean-Luc Nancy pour Vérité de la démocratie (éditions Galilée, 2008).
 
Le lauréat de l’année 2009 est Yann Kerninon, écrivain et philosophe, mais aussi magicien et prestidigitateur. Il enseigne la philosophie et l’histoire de l’art en classes préparatoires et dans plusieurs grandes écoles (Essec, Centrale Paris). Il est récompensé pour son ouvrage : Tentative d’assassinat du bourgeois qui est en moi (Maren Sell éditeurs, mars 2009) :
 
« Toute l’histoire intellectuelle et politique des 19e et 20e siècles se définit par la lutte contre l’esprit bourgeois. Nietzsche, Artaud, Baudelaire, Marx, Heidegger, Freud, Rimbaud, Dada, surréalisme, situationnisme, punk… Tous, et chacun à leur manière, ont manifesté, écrit ou crié pour en finir avec le mode de pensée de la bourgeoisie. Mais leur histoire est aussi celle de leur échec : l’échec de l’assassinat de l’esprit bourgeois. Pourquoi ?

L’esprit bourgeois triomphe. Mélange subtil de lâcheté, de mensonge, de cynisme et de névroses mortifères, il demeure et se diffuse au fil de ses métamorphoses. Face à lui, son opposé dialectique, l’antibourgeois pérorant et surjoué – tellement à la mode aujourd’hui – prend des formes de plus en plus grotesques et inefficaces.

Tentative d’assassinat du bourgeois qui est en moi cherche à sortir de l’alternance infernale du bourgeois et de son opposé, l’antibourgeois qu’il soit de gauche ou de droite.

Prenant pour point de départ la révolte radicale de Dada en 1916, ce livre est un essai de définition théorique et pratique d’un individu joyeux, élégant et serein que l’on pourrait enfin qualifier de non bourgeois. Un être assez solide pour traquer le bourgeois où il se trouve avant tout : dans sa propre chair. Un être capable de porter et d’incarner tout simplement la vie…
 »
 
 
Photo : 99F de Kounen


6 réactions


  • zelectron zelectron 19 novembre 2009 23:11

    Hélas il n’y a pas que l’’esprit bourgeois qui soit un mélange subtil de lâcheté, de mensonge, de cynisme et de névroses mortifères : ce serait si simple.


  • AliceSM 20 novembre 2009 09:12

    Alors que nous sommes des dizaines à détenir encore dans nos boites aux lettres des messages de votre part condamnant notre ironie mordante et que les insultes des parties adverses sont soigneusement conservées....
    Alors que vous n’avez pas hésité à qualifier de meute harceleuse deux rédacteurs unis contre la horde de RéOpen réunie Il nous faut assister en plus à l’imposture de votre prétendue qualification à juger d’un pamphlet

    Vous ne manquez pas d’air

    Tout le monde sait à quel point vous êtes attaché au mode le plus arbitraire de l’exercice de la censure....Venir vous pavaner au milieu d’une assemblée qui vante l’esprit de liberté ne vous parait-il pas un scandale....

    Ne voyez vous pas que votre seule présence dans l’air où se choisit ce prix est une atteinte à sa valeur ?


  • Jacquesp 20 novembre 2009 09:35

     Excellent article qui s’attaque à un problème de fond de la société !
    « L’esprit bourgeois est un mélange subtil de lâcheté, de mensonge, de cynisme et de névroses mortifères » . C’est vrai, mais la force de l’esprit bourgeois n’est pas là, elle est beaucoup plus fondamentale. Depuis la nuit des temps, l’homme est à la recherche de l’Eden perdu : L’esprit bourgeois est le seul à avoir compris cette recherche qui anime tout homme en instituant le confort matériel (richesses) et le confort psychologique ( conservatisme rassurant, à défaut d’être parfait). A l’opposé, tous les mouvements anti-bourgeois étaient anxiogènes et donc contraires àla recherche fondamentale d’un monde heureux et apaisé.
      Faut-il en conclure que les mouvements anti-bourgeois ont tort ? Non, bien sûr. Il faut seulement reconnaitre qu’ils n’ont pas encore trouvé la méthode non-anxiogène pour se faire accepter par l’ensemble de la société.
      A-t-on un espoir de solution aujourd’hui ? Oui, mais, évidemment, ça va prendre du temps. Nous avons en France, une chance inouïe d’assister à la mise en plce d’une plate-forme intellectuelle et spirituelle autour du mouvement arésien de Mr Potay. Ce mouvement est pour l’instant embryonnaire, mais est extrêmement prometteur car l’esprit bourgeois (politiques, religions, médias) cherche par tous les moyens à étouffer. L’esprit bourgeois est très fort : il a très bien détecté où était l’ennemi qui allait l’abattre.


  • Sandro Ferretti SANDRO 20 novembre 2009 10:24

    @ Iannis Pledel

    « Le prix du pamphlet est un prix indépendant très atypique dans le paysage littéraire », écrivez-vous.

    Certes, je vous crois. Avec un jury composé d’un architecte et de l’entartreur Godin, bouffon du roi des Belges, on est assez loin de la littérature.

    Finalement, je vais peut étre présider un jury pour l’élection du meilleur garagiste de l’année.


  • Mili 21 novembre 2009 17:35

    Je pense que ce livre aurait également pu recevoir le prix du plus « mauvais titre de livre » de l’année.


  • Mili 21 novembre 2009 17:40

    Ah oui aussi, un vrai pamphlet ne peut pas recevoir de prix. Si c’est le cas c’est que ce n’est pas un pamphlet.


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