samedi 26 mars 2011 - par A. Spohr

« Tous les soleils » un film éblouissant de Philippe Claudel

Comédie à l’italienne avec sa part d’émotions et de rires. Et plus.

« Attendez vous à (sa)voir » comme aurait dit la lointaine chroniqueuse Geneviève Tabouis, un film réjouissant. L'auteur est pourtant le même que celui de "Il y a longtemps que je t'aime" et sa patte encore "jeune" est reconnaissable, dans un autre genre cette fois.

Philippe Claudel nous avait déjà montré l'étendue de sa palette en littérature. Il récidivera au cinéma.

Comment ne pas être tenté d’y croire quand on entend l’écrivain-cinéaste parler de ses personnages avec ce petit sourire malicieux de l’homme grave qui s’amuse un tantinet : les morts demeurent. Oui, souvent.

L’épouse disparue reste non seulement en portrait mais en empreinte indélébile dans le cœur et la vie d’un jeune veuf, enfin pas si jeune que cela, puisque cela fait près de dix ans qu’il élève seul sa fille qui, à sa grande surprise, s’éveille au vert paradis des amours adolescentes. Elle a désormais quinze ans, et tout reste figé pour ce professeur italien de musique baroque, enseignant ordinaire à l’université de Strasbourg.

Cette ville, capitale européenne, est bien plus qu’un cadre pour le cinéaste : il la connaît et l’aime, comme il aime tous ces personnages si divers pourtant. Sa caméra caresse les méandres des rivières et des canaux, les quais bordés d’immeubles souvent en grès rose. Ce qu’il en dit, est comme un symbole de cette diversité  :« on y entend la musique de toutes les langues, grâce au Parlement Européen et au Conseil de l’Europe ».

A côté de cela, l’homogénéité européenne est vivante dans le choix de la sublime musique baroque, autre personnage du film.

Pour autant, il ne faut pas s’imaginer qu’il ne se passe rien et mieux vaut garder son mouchoir à la main pour essuyer, tour à tour, les larmes de la compassion sans pathos et celles du rire franc sans grossièreté. La souffrance du héros ou plutôt du personnage central n’est qu’ordinaire. Sa vie s’écoule presque vaine mais paisible entre quelques amis, doux soixante-huitards attentionnés, la pratique de la musique et une petite action humanitaire ou caritative par des séances de lecture aux malades dans un hôpital.

C’est là qu’on rencontre une vieille dame attendrissante interprétée par une Anouk Aimé toujours aussi belle et un vieillard truculent encore habité par le démon de minuit et quart. Mais les révélations du film seront, sans conteste possible, ces deux comédiens italiens, encore peu connus en France.

 Le père( Stefano Acorsi) est « juste » et supporte résigné, sa vie telle que le destin la lui impose, y compris avec son frère (Neri Marcoré) qu’il héberge.

Inénarrable « peintre répétitif », anarchiste soft, ce dernier s’est réfugié à Strasbourg où il réclame l’asile politique pour échapper à la dictature éhontée de Berlusconi. Il ne quittera pas son accoutrement, un pyjama et une robe de chambre, avant la libération de l’Italie. Clown éblouissant, en dépit de quelques provocations qui pourraient avoir des conséquences dramatiques, il nous livre une prestation exceptionnelle, inoubliable.

 Alors les larmes ? Oui, reste un épilogue heureux avec Clotilde Courau et des larmes de joie, en musique, dans un lieu magique.

Film truffé de bons sentiments ? Et alors ?

« Dans ce film, j’ai voulu traiter de sujets graves et échapper à une mode de comédies qui jouent sur un humour un peu superficiel » dit Philippe Claudel dont la palette est assez diverse pour qu’il puisse sans fausse vergogne, célébrer aussi ce qu’il aime : « Le vin, la bouffe, l’amitié, la littérature et le cinéma ». Tiens, il a oublié la musique.

 Un film à ne pas manquer pour le divertissement dans lequel on trouvera une invitation au bonheur..

Une petite ombre cependant : la crainte de voir s’estomper peu à peu le remarquable écrivain derrière le cinéaste de plus en plus fécond.

Antoine Spohr

(article paru également sur Médiapart) 


Tous les Soleils, de Philippe Claudel (bande annonce HD) par AgoraVoxFrance 

Sortie du film : le 30 mars 2011



8 réactions


  • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 27 mars 2011 20:44

    « Il y a longtemps nananère », le premier film de P. Claudel (écrivain respectable) était lamentable à tous les points de vue : photographie inexistante, crédibilité du scénario niveau zéro, direction d’acteur ridicule, cadrage et éclairage à vomir, conclusion téléphonée, bref, un très mauvais téléfilm à la française, avec des prétentions didactiques, tout dégoulinant de bons sentiments. Le genre de produit sans âme, sans corps, sans sensualité, sans magie, triste par son impuissance, lourdement moralisant, insupportable par ses prétentions à nous montrer la voie des bons sentiments.

    D’après la bande annonce qui ne ferait pas bander un satyre en rut, j’ai l’impression que malgré sa quête perceptible de légèreté, l’ami Claudel continue à donner dans le téléfilm très mal réalisé pour professeur de l’éducation nationale nostalgique de L’île aux Enfants.
     
    Comment peut-on donner de l’argent à des gens aussi incompétents pour faire un film, alors qu’il y a probablement des dizaines de cinéastes imaginatifs et habiles ? 

    Je précise que je trouve P. Claudel plutôt sympathique en tant que personne, par ailleurs. Mais non, désolé, ce n’est pas du cinéma... Et si cela vous éblouit c’est que votre écran est mal réglé ou que vous avez un problème aux yeux.



  • A. Spohr A. Spohr 27 mars 2011 23:17

    Vous n’avez pas vu le film et êtes sans doute incapable de « bons sentiments » que vous méprisez. C’est votre ressentiment qui me semble résulter d’une souffrance à la fois intellectuelle et affective.

    Je vous souhaite plus de bonheur et de bonne humeur que de malheur et d’aigreur.
    Heureusement que vos ronchonnades n’empêcheront jamais un « grand » de prospérer. Il y a un vrai public pour cela .RV quelques jours après la sortie mercredi .

  • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 28 mars 2011 00:10

    Merci pour la psychanalyse, je sens que je vais déjà mieux maintenant que je suis enrobé de votre amour. En attendant la sortie de ce film sans doute éblouissant, je vais attendrir mon âme endurcie en regardant la série « Plus belle la vie » qui doit être une source d’inspiration et un modèle stylistique pour votre ami « cinéaste ».  smiley


  • A. Spohr A. Spohr 28 mars 2011 17:45

    Pour vous servir, cher ami mais ne tombez pas du divan .

    Allez voir le film et vous pourrez me donner un avis plus étayé. Ici si vous voulez.
    Ecran mal réglé ? encore eût -il fallu que je le visse sur un écran dont la manipulation me fût soumise . Cela vous va-t-il en « stylistique » ? J’en doute et vous aurez raison .

  • andrée 1er avril 2011 16:39

    Vu , film de haute qualité à tous égards.

    Merci pour cette incitation à aller le voir.

  • donafriou 11 avril 2011 23:26

    J’ai franchement beaucoup aimé ce film : si vous êtes un peu latin, un peu macho, un peu faux méchant, vous allez pas mal rigoler, et vous réjouir. Mais aussi cela parle de la difficulté d’être : la vie n’est pas parfaite.

    Plusieurs personnages le démontrent dans ce film.


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