samedi 14 mars 2020 - par C’est Nabum

Tout va à Vau-l’Eau !

 

Renversement de situation

 

Au fil des mots, l’eau a toujours une grande importance pour qui avait le gosier sec et l’envie de compenser ce mal par une bonne descente. Dans pareil cas, rien n’était plus simple que de se laisser porter par le penchant naturel du relief qui a toujours conduit les flots de la source jusqu’à l’Océan. Quoiqu’on puisse en dire, ce n’est pas une mauvaise pente mais la seule qui soit aisée de suivre en se laissant porter au naturel, ce que firent toujours les marins d’eau douce.

Dès le XIIe siècle, aller 'à val' ou 'à vau' impliquait que l’embarcation se laissant aller "en descendant » le long de la rivière par la seule force du courant, en suivant une pente de qui allait de soi. Le vau évoqué ici n’était certes pas l’enfant de la vache mais bien la vallée, celle qui est évoquée dans l’expression «  par monts et par vaux ». Les mariniers de Loire toujours prompts à user de la métaphore nommait ce sens « L'avalant » ce qui ne les empêchait nullement de boire pareillement à la descente comme à la remonte. Les esprits mal placés prétendent qu’ils avaient redoutable descente, oubliant qu' aller à contre-courant ne permettait pas de rester sur sa soif parce qu’il fallait obligatoirement avoir du vent dans les voiles pour espérer faire un petit bout de chemin.

Même pour Rabelais qui ne semble pas être un expert en la matière, l’expression « Aller à vau l’eau » avait le sens évoqué ci-dessus, signifiant sans ambages « suivre le fil de l’eau ». Il y avait quelque chose de normal dans ce terme, de naturel en somme même si l’eau n’était pas la boisson usuelle de ses locuteurs.
Est-ce l’effet de la gueule de bois, des difficultés inhérentes parfois à la navigation au fil des flots, au passage des ponts notamment qui exigeait bien des prodiges de dextérité et de savoir faire, un sens nouveau est venu se greffer à note expression. Les mariniers et les charretiers disaient qu’ils étaient en « Val de Route » quand les choses risquaient d’aller mal. Le terme "en déroute" portant au départ la valeur du chemin qui descend.

« Être à vau l'eau » devint alors la formule pour laisser entendre que l’aventure tournait mal, qu’il y avait du mou dans la corde à nœuds, que tout allait de guingois. De la mauvaise tournure de l’aventure à la déroute au sens moderne de l’expression, il n’y a qu’un pas qui conduisait l’entreprise à la faillite, au désastre, à la catastrophe.

C’est un peu en somme le sort promis aux bateaux qui descendaient la rivière depuis Roanne ou Saint Rambert. Ils n’étaient destinés qu’à se laisser porter et arrivés au port de destination, s’ils ne trouvaient pas preneurs pour servir d’allège, les pauvres rafiots étaient déchirés, dépecés pour servir de bois de chauffage ou de charpente. La valeur finale de notre expression évoquait peut-être le devenir de ces valeureuses sapines.

Les mots et les expressions ne sont pas figés. Ils évoluent au fil du temps et des circonstances qu’ils évoquent. ALLER À VAU L’EAU en est la parfaite illustration. Du cours normal de l’histoire, elle se vit mettre des bâtons dans les roues, plutôt dans les arrançoires jusqu’à connaître le naufrage en partant à la dérive sans maîtriser le courant. l’issue étant fatale, il n’y avait plus moyen de refaire surface après le naufrage.

Les dix mots de la semaine de la francophonie sont tous liés à l’eau. Engloutir, Fluide, À Vau l’Eau, Plouf, Ruisseler peuvent parfaitement trouver leur place dans le lexique marinier à un moment où un autre. Aquarelle viendra s’y glisser quand le marin troque la bourde pour un pinceau comme l’ami Jacques Duval. Mangrove, Oasis font référence à des évocations géographiques assez éloignées de la Loire. Le dernier mot, un adjectif assez rare : Spitant trouve sa place dans notre Val de Loire. Ne fait-il pas référence à la pétillance d’un liquide qui immanquablement nous remet l’eau à la bouche avec nos délicieux Crémant…

Francophoniquement leur.

 



27 réactions


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 14 mars 2020 12:57

    Normal, nous sommes dans le signe du poisson. C’est d’ailleurs une excellente occasion pour relire Rabelais et se laisser guider par le courant. Les catastrophes ont toujours un côté magique : Relire Mabille : le miroir du « mer » veilleux.


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 14 mars 2020 13:31

    Le grand problème philosophique actuel est de savoir si l’on possède ou pas du pécu (alors qu’un simple jet d’eau fait l’affaire). Il s’agit donc d’essuyer la saleté (l’argent sale),...C’est l’oeuvre au blanc, Monsieur propre fait la grande lessive. La planète nettoyée d’un seul coup par saint Greta. L’ai est soudain plus frais, les oiseaux reviennent chanter. 

    La septième image des deux corps toujours soudés et de la pluie de rosée montre la purification, l’œuvre au blanc, l’albedo. Avec la mort de l’ego, l’ombre s’éclaire et dote le couple d’une connaissance autre qu’intellectuelle : le sentiment. Les yeux du cœur commencent à voir : le sourire est sur les visages.

  • juluch juluch 14 mars 2020 14:32

    Si vous levez le coude attention à la descente trop raide Nabum !!


  • Clark Kent Séraphin Lampion 14 mars 2020 14:51

    Autre horizons, autres pratiques.

    Les bûcherons et les sagards vosgiens de la vallée du Rabodeau utilisaient le « flot » pour le débardage et le flottage du bois jusqu’à la Meurthe.

    La technique était le « boloyage » : une « bollée » en patois vosgien est une expédition de flottage à bûches perdues, c’est-à-dire que les pièces de bois étaient jetées dans la rivière pendant les hautes eaux pour faciliter la descente avec le courant ou grâce à des petits barrages ou vannes qu’on ouvrait pour « gonfler le flot » jusqu’au port d’arrivage qui était à Raon-l’Étape (étape où l’o rassemblait les billes pour en faire des radeaux qui rejoignaient la Moselle, puis le Rhin jusqu’à Rotterdam où les chantiers navals étaient grands consommateurs de bois.

    Même si tout semblait « partir à vau l’eau », rien n’était perdu, mais le problème de l’eau, c’est qu’elle ne remonte jamais. Jean-Christophe Averty l’avait bien remarqué : « l’audimat fonctionne comme l’eau, il entraine toujours les programmations vers le bas ! ».


    • C'est Nabum C’est Nabum 14 mars 2020 15:14

      @Séraphin Lampion

      Excellent commentaire
      Merci ami lecteur qui savez rester à flot


    • Clark Kent Séraphin Lampion 14 mars 2020 17:57

      @Shaw le Marre1 de l’Orphelin-e

      savoir gré : être satisfait d’une chose que quelqu’un a dite, qu’il a faite ; être content de sa conduite, de son procédé.

      « Si vous me savez peu de gré de ce que je vous dis, sachez-m’en beaucoup de ce que je ne vous dis pas. » — (Diderot, Jacques le fataliste)


  • Armand Griffard de la Sourdière Armand Griffard de la Sourdière 14 mars 2020 17:37

     Mieux vaut descendre la Loire à vau-l’eau qu’à vélo ... arf  !


    • Armand Griffard de la Sourdière Armand Griffard de la Sourdière 14 mars 2020 18:00

      @Shaw le MarRi de LORPHELIN

       T’aurais pas un p’tit vélo dans ton cervauleau par hasard  ? smiley


    • C'est Nabum C’est Nabum 14 mars 2020 19:06

      @Armand Griffard de la Sourdière

      La Loire en vélo enchaîne


    • Armand Griffard de la Sourdière Armand Griffard de la Sourdière 14 mars 2020 21:14

      @C’est Nabum
       j’avoue ne pas avoir bien compris votre astuce « enchaîne » ?... de vélo ?
       ( si on pouvait enchaîner « l’orphelin Shawford » avec son p’tit vélo et le mettre au fer à fond de cale , cela nous laisserai un moment de répit smiley

       En fait je passais juste pour signifier que ce à vau- l’eau tombé en désuétude de nos jours s’appliquait naguère à d’autres expressions telles que :
      «  à vau-le feu » ( à se rompre ? ) ,« à vau-l’ombre »... (marche à l’ombre ? smiley
       mais surtout ,« à vau le vent »  bien connu des gars de la marine qui a laissé place par la suite à :« avoir le vent en poupe »....(vent arrière du navire autrement dit ) néanmoins très peu usité au 3ème millénaire .


    • C'est Nabum C’est Nabum 14 mars 2020 22:58

      @Armand Griffard de la Sourdière

      La Loire à vélo est le grand succès du siècle pour l’instant et la chaîne est son élément majeur


    • Armand Griffard de la Sourdière Armand Griffard de la Sourdière 15 mars 2020 09:34

      @C’est Nabum
       
      La Loire par les turcies c’est pour les pédestres ou les vélos
      La Loire à vau-l’eau c’est pour les bateaux ou les pédalos ♫  smiley
       


    • C'est Nabum C’est Nabum 15 mars 2020 11:01

      @Armand Griffard de la Sourdière

      C’est exactement ça
      Vous avez tout compris


    • C'est Nabum C’est Nabum 15 mars 2020 11:01

      @Armand Griffard de la Sourdière

      et en pédalo ?


    • Armand Griffard de la Sourdière Armand Griffard de la Sourdière 15 mars 2020 13:24

      @C’est Nabum
       « et en pédalo  ? » c’était juste pour la rime avec vélo !
       bon  ! peut-être une légère allusion à Hollande ( le vrai pays du vélo smiley
      C’est un peu comme votre com du vélo sans chaîne que je n’avais pas compris.... ça s’enchaîne... comme on dit chez Renault qui eux ne fabriquent pas de vélos mais des autos (vous noterez encore la rime au passage !)


    • C'est Nabum C’est Nabum 15 mars 2020 17:47

      @Armand Griffard de la Sourdière

      Pour les deux mon général


    • Armand Griffard de la Sourdière Armand Griffard de la Sourdière 15 mars 2020 18:26

      @C’est Nabum
       c’est vrai chez Renault on jamais fait de vélo sur les chaînes de montage , mais chez Peugeot ils en eurent fabriqué pour les chaînes de montagnes ....du Tour
      ( désolé çà m’a échappé (à trois kms de l’arrivée ) !  smiley


    • C'est Nabum C’est Nabum 15 mars 2020 18:35

      @Armand Griffard de la Sourdière

      Je vous laisse passer la ligne en vainqueur


  • Armand Griffard de la Sourdière Armand Griffard de la Sourdière 16 mars 2020 11:16

     Merci @Nabum

     l’Arrivée était à Vau-l’e ..oups...... à Vaux le Vicomte ! smiley


  • L’Astronome 16 mars 2020 18:35

     

    Tiens, Bruno Dewaele dans son blogue « A la fortune du mot » parle aussi de mots au fil de l’eau...

     


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