mercredi 27 mai 2020 - par Fergus

« Trashman shoes » : un déchirant cri d’amour !

« Trashman shoes » est le titre du premier album des Shoulders. C’est surtout celui de l’une des chansons dont il est constitué : un texte incandescent et tragique sur une musique obsédante qui prend aux tripes dès les premiers accords...

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Peu de gens connaissent The Shoulders, ce groupe né à Austin (Texas) dans les années 80. Et pour cause : au temps de la notoriété de cette formation, les quatre musiciens n’ont enregistré que deux albums, le premier – Trashman Shoes – en 1992, le second – The Fun Never Stops – en 1995. Une chose est sûre : il n’y a pas grand-chose à voir entre leur musique et celle qui prévaut alors dans la métropole texane, capitale d’une country guimauve en voie de ringardisation que l’on écoute machinalement en dégustant des tacos et des téquilas. The Shoulders, c’est un son différent et inclassable, tant il est métissé d’influences diverses allant du carnaval cajun au punk rock en passant par les sea shanties et les chansons à boire irlandaises, le tout mâtiné ici d’une touche de rythm’n’blues, enrichi là d’un zeste de jazz !

The Shoulders, c’est avant tout le duo d’origine, constitué du chanteur multi-instrumentiste Michael Slattery et du guitariste Todd Kassens. Sont venus s’y ajouter Chris Black à la basse et au piano, Roy Christman au synthétiseur, Max Crawford à la trompette et au trombone, John Hagen au violoncelle et Alan Williams à la batterie. Dès 1989, on les entend dans tous les lieux d’Austin où l’on se démarque de la country pour se nourrir de sons alternatifs : au Cactus Cafe, au Continental Club, au Hole in the Wall, au Liberty Lunch, au Top of the Drag, à la Zona Rosa. À cette époque, The Soulders est récompensé à quatre reprises par le Music Awards du Austin Chronicle, au titre de la « musique d’avant-garde ». Dans le même temps, le groupe apparaît, hors duTexas, dans la programmation de plusieurs festivals renommés.

« Nul n’est prophète en son pays », dit un adage. Ce dicton se vérifie pour The Shoulders : ce sont en effet les Britanniques – fortement imprégnés de culture irlandaise – du mythique groupe The Pogues de Shane MacGowan qui leur donnent le coup de pouce en leur offrant la première partie d’une tournée en Europe en 1991. Et là, bingo ! les Texans signent avec le label français Musidisc dont les producteurs ont été séduits par le dynamisme et la créativité. De cette collaboration naît en 1992 l’album Trashman Shoes. Une pépite dans la production rock de ces années 90. Porté par l’inspiration poétique et la voix rocailleuse de Michael Slattery, c’est le titre éponyme qui accroche d’emblée ceux qui ont eu la chance d’entendre ce superbe opus, à peu près aussi inclassable au plan musical que la plupart des autres morceaux du CD. À noter, dans cet album, un autre titre révélateur du talent des musiciens de The Shoulders, malheureusement introuvable sur Youtube : Uncle Achain.

Trashman Shoes, que l’on peut traduire par « chaussures d’éboueur », nous raconte – sur un rythme sombre et envoûtant, introduit par quelques accords de violoncelle et servi par une magnifique palette de couleurs instrumentales –, l’histoire d’un ripeur tombé amoureux d’une fille trop bien pour lui, ou qui croit l’être.

Bien qu’il lui apporte des roses enveloppées dans du papier journal, elle ne répond pas à ses questions et refuse de l’épouser. Il a, nous dit la chanson, pourtant travaillé dur pour la séduire, mais la fille assimile l’odeur de ses vêtements, de son haleine, de sa poésie, à celle de ses chaussures d’éboueur. « Les roses poussent sur le dépotoir de la ville ». C’est là qu’il va les cueillir sous les moqueries des autres ripeurs pour les offrir à cette fille qui l’obsède. Mais lorsque les boutons éclosent, elle dénigre leur parfum et le compare à l’odeur viciée qui émane de lui. Jamais, nous dit le refrain, elle n’essaie de le comprendre. Toujours elle le repousse, elle le bat et le traite « comme une vieille poubelle ». Bien qu’elle le snobe et le dévalorise sans cesse, cela n’entame pas l’obsession qu’elle lui inspire : il l’aime et il a besoin d’elle au plus profond de son être ! Pourquoi la fille refuse-t-elle l’homme aux chaussures d’éboueur ?

Un dimanche, le journal titre sur un fait divers horrible : on a trouvé le corps dépecé d’une jeune fille dans une benne à ordure. Le suspect, un homme démuni au bout du rouleau, est introuvable. Il n’a laissé près du corps que deux indices : un bouquet de roses malodorantes (smelly roses) et des chaussures d’éboueur (trashman shoes).

Lien audio : Trashman Shoes

Lien vidéo : Trashman Shoes

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20 réactions


  • troletbuse troletbuse 27 mai 2020 15:23

    Pas de problèmes Fergus : la loi Avia ne vous demandera pas de retirer cet article smiley

    Vous voyez comme on s’habitue à tout même à la dictature.

    On attend un article du même tonneau de chez Grounichou


  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 27 mai 2020 16:05

    Manque de gutturales , siflantes et autres...du sous Rosemar !


  • gruni gruni 27 mai 2020 17:10

    Bonjour Fergus

    Comme je ne connaissais pas The Shoulders, j’ai donc suivi ton lien audio Trashman Shoes. Et je n’ai pas été déçu. Merci pour ce moment musical.


    • troletbuse troletbuse 27 mai 2020 17:35

      @grounichou
      Mais on le sait bien que vous ne connaissez rien à part les articles de Fergus qui vous font sortir de votre tanière  smiley


    • Fergus Fergus 27 mai 2020 17:38

      Bonjour, gruni

      « je n’ai pas été déçu »
      Content de voir que certains apprécient ce titre des Shoulders.
      Merci à toi d’avoir pris le temps de l’écouter.


  • Laconique Laconique 27 mai 2020 17:27

    The beginning of the nineties was an incredible time for music. Nirvana, etc. All the culture of that era was a little bit « trash » : The Simpsons, the grunge movement, the last books of Charles Bukowski, the novels of Stephen King, the first Tarantino movies… Everybody’s got clean since then. So sad...


    • Fergus Fergus 27 mai 2020 17:41

      Bonsoir, Laconique

      « Everybody’s got clean since then. So sad... »

      Yes, it is !
      So sad and often so boring !


    • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 27 mai 2020 18:11

      @Laconique

      Speak french (English) or die ! SOD...Youtube. Réponse des 80 ’


    • capobianco 28 mai 2020 14:01

      @Fergus
      Quelle culture !!!! Tout en anglais, formidable, de mieux en mieux...


    • Fergus Fergus 28 mai 2020 15:23

      Bonjour, capobianco

      On me parle en anglais, je réponds en anglais.

      Avec mes moyens limités (deux trimestres en classe de 5e, puis un apprentissage empirique au gré, notamment, de mon goût pour la musique pop-folk-rock anglo-saxonne, et de mes années passées dans un job d’informaticien. smiley


  • dimitrius 27 mai 2020 18:38

    Je n’aurais qu’un mot pour qualifier ce groupe :« caca ». Tu veux un bon groupe US et jeune , King of Leon.


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