vendredi 3 juillet 2009 - par Theothea.com

« Ubu Roi » d’Alfred Jarry par Jean-Pierre Vincent à la Comédie Française

En faisant entrer aujourd’hui « Ubu Roi » à la Comédie Française, Muriel Mayette, son administrateur n’avait aucunement l’intention de raviver le scandale qu’il y eut en 1896, à sa création au Théâtre de l’Oeuvre.

Au contraire, en mettant délibérément les rieurs de son côté, la mise en scène de Jean-Pierre Vincent a la vertu de consacrer Alfred Jarry, l’auteur de cette pochade de jeunesse, en un précurseur visionnaire des mouvements modernes : le surréalisme, le théâtre de la cruauté d’Antonin Artaud, celui de l’absurde d’Eugène Ionesco, l’invention lexicale d’un Boris Vian etc...

« Merdre », trois fois « Merdre » et voilà le ton de cette « anti-pièce » livré d’emblée aux oreilles, juste interloquées mais, en réalité, si peu choquées de nos jours.

Reste que la farce va prendre de telles proportions dictatoriales que seule la métaphore pourra s’avérer la clef adéquate d’une acceptation des dérèglements engendrés par la folle tyrannie d’Ubu (Serge Bagdassarian) sur son royaume de nulle part... autrement dit, la Pologne.

Non satisfait d’en avoir usurpé le pouvoir étatique, le couple maudit, qu’il forme avec Mère Ubu (Anne Kessler), va semer la terreur sur la population jusqu’au point où la révolte des assujettis va contraindre les Ubu à s’expatrier... pour recommencer, comme si de rien n’était, une nouvelle vie en France !!!

Initialement destinés à des marionnettes, les rôles sont, comme à guignol, des sortes de coquilles souples dans lesquelles le génie des acteurs est en charge d’occuper les planches, tout en évitant précautionneusement d’effectuer un numéro qui pourrait mettre à mal le délire sémiologique savamment orchestré par Alfred Jarry dont, par ailleurs, le clone (Christian Gonon) hante, continûment, la représentation.

Ainsi, le père de la Pataphysique joue avec ses personnages comme s’ils étaient mus par un sens du rapport de forces qu’instinctivement l’enfance ose cultiver dans l’imaginaire.

De cette exacerbation des tensions pulsionnelles va naître, en retour, un défoulement général qu’une perspective moderne pourrait aisément comprendre comme un jeu de rôles, fort bénéfique à tous.

Dessin © Cat.S / Theothea.com

UBU ROI - *** Theothea.com - d’Alfred Jarry - mise en scène : Jean-Pierre Vincent - avec Martine Chevallier, Anne Kessler, Michel Robin, Christian Blanc, Stanislas Leczinsky, Christian Gonon, Nicolas Lormeau, Grégory Gadebois, Pierre-Louis Calixte, Serge Bagdassarian, Benjamin Junders, Stéphane Varupenne, Adrien Gamba-Gontard, Gilles David & Imer Kutlovci - Comédie Française -



1 réactions


  • alberto alberto 4 juillet 2009 09:30

    Par ma chandelle verte, y en a qui pourraient se reconnaître sur cette scène !

    Mais ne leurs donnez pas trop de mauvaises idées (le crochet, le voiturin à phynances...) ils en ont déjà assez comme ça...

    Bien à vous.


Réagir