Un Bond royal.
Pour une fois, on peut mettre le mot « royal » dans un texte sans pour autant parler d’une certaine dame nommée Ségolène. Je ne parlerai pas de politique donc, mais du dernier James Bond : « Casino Royale ».

Quoi de neuf dans ce dernier cru ? Déjà l’histoire, Le Chiffre (Mads Mikelsen), un banquier finançant des terroristes internationaux, doit rembourser des dettes. L’agent 007 doit pour cela jouer contre lui au poker dans une partie sans limite de prix.
Comme dans les derniers films de l’agent qui deviendra ici 007, James Bond est réalisé par Martin Campbell. Exit cette fois-ci le très class Pierce Brosnan, nous avons affaire à un acteur peu connu, Daniel Craig. Et en guise de méchant, un acteur encore moins connu, Mads Mikelsen, vu dans l’excellent Les bouchers verts, et James Bond girl à moitié frenchie Eva Green (fille de Marlène Jobert).
Je n’ai jamais lu le livre du même nom et je n’ai que très peu vu les James Bond précédents, un ou deux de chaque époque, cela m’a largement suffi. C’est avec réticence que je me suis laissé traîner dans une salle. Et pour tout dire, j’en suis ressorti heureux.
Daniel Craig, qui était très bon(d) dans Les sentiers de la perdition, campe un 007 assez intéressant. Il est loin d’être parfait et cela lui fait commettre des erreurs, nous pouvons (presque) tous être James Bond. En effet, prétentieux, charmeur et porté sur la boisson, voilà de jolies choses à éviter en service. Ce Bond-là n’hésite pas à couper la parole à une victime crachant sa ligne de texte, ou à tirer dans la foule. Un bon point aussi au fait qu’il ne couche avec une fille que pour le travail.
Les autres acteurs sont suffisamment mis à l’écart de l’histoire pour avoir une personnalité qui changera le cours du film. Même si on ne combat pas le mal seul, Bond se pose des questions, et surtout se trompe.
Le film se découpe respectivement en quatre parties.
L’introduction de cinq minutes, qui donne le point de départ, le MI5 voit tout et sait tout. Un agent avec le 00 a le permis de tuer. James Bond s’en donne à cœur joie.
Deuxième partie. Nous tombons dans plus de quarante-cinq minutes de pure folie. Le résumé que j’ai pu faire en introduction n’est compréhensible qu’après la fin de cette partie du film. Bond tire partout, explose tout ce qui contient un gaz ou de l’essence, fait des sauts que même Spiderman rechignerait à oser, déchire sa chemise, reçoit des coups, se dispute avec M (la patronne du MI5), va dans un hôtel luxueux et traque un méchant. On ne sait pas trop ni comment ni pourquoi, la seule réponse valide serait : ça arrive. Autre chose importante, il réussit à toujours être propre, d’une scène d’action à une scène de dialogue. Quelques plans assez indigestes montrant de gentils enfants noirs s’amusant à courir derrière une belle femme blanche à cheval sur une plage magnifique, où l’Afrique encore une fois n’est qu’un territoire où la guerre fait rage. Les vieux clichés s’en sortent toujours vainqueurs.
Une question se pose : soit on sort de la salle tranquillement sans déranger les autres, soit ont essaie d’attendre bien gentiment. Eh bien, je reste. (Heureusement, sinon, vous n’auriez pas la suite).
La seconde partie se passe à Prague, lieu de la partie de poker, et là le film devient intéressant. Pendant presque cinquante minutes, le tout dans un hôtel, une partie de poker se joue. Un jeter de carte où une carte jetée est plus angoissante que n’importe quelle course poursuite. La tension est vive, chacun a ses problèmes, son histoire. Vesper Lynd (Eva Green) et James Bond découvrent le vraie métier d’espion, le méchant lui aussi a une vie privée. Les cinquante minutes passent tellement rapidement qu’on en redemande. Le méchant a des problèmes d’argent, et personne n’est vraiment celui qu’on croit.
La dernière partie du film est faite de rebondissements, légèrement ennuyeuse à la fin. A trop traîner avec Steven Spielberg, Martin Campbell (respectivement producteur et réalisateur des deux derniers Zorro) a tendance à jouer sur une triple fin qui s’éternise.
En sortant de la salle, avec presque 2h20 d’images dans la tête, je me suis demandé pourquoi ne pas avoir joué la plus grande partie du film sur la partie de poker. Une partie angoissante, rythmée, faite de faux pas et d’ambiance malsaine. Le méchant lui aussi est plus crédible, car il n’essaie pas de mettre un rayon laser sur la lune ni de créer la plus grosse bombe à neutrons, il est juste un banquier pour les terroristes.
Malheureusement, les producteurs ont préféré la bonne vieille scène d’action climatisée, où un homme avec un pistolet en dégomme quarante, porteurs de fusils. Il faut voir aussi que le public, très frileux, n’aime pas les ambiances pesantes, et pense à James Bond comme forcément à un film léger, à gadgets, Aston Martin, belle fille moulée en bikini et beaucoup d’actions. Ils ne seront servis qu’en partie, car les gadgets sont pour ainsi dire absents, l’Aston Martin ne fait office que de faire-valoir, et les rares plans de fille moulée en bikini ne dure que peu de temps.
A noter que le cinéma de masse hollywoodien a enfin compris que truffer un film d’inserts publicitaires est nauséeux. Juste quelques plans sur une Ford, un comparatif sur le fait qu’Oméga est aussi bien que Rolex, ou sur Sony (Studio du film) qui montre ses dernières nouveautés technologiques (il manque la PSP et la PS3). Le film n’est pas noyé comme peuvent l’être beaucoup de superproductions ces temps-ci.
Casino Royale n’est pas le film de l’année, c’est sûr. Mais c’est bon divertissement, et il fera certainement mieux au box office que les deux derniers opus.