jeudi 14 février 2008 - par Argoul

Valentin et l’amour

L’amour n’est pas simple, en français. Le mot, en effet, vient du provençal et de la conception passablement romantique - platonicienne ? - qu’avaient du sentiment les troubadours.

amour-et-psyche.1202984113.jpgIl a fallu se différencier de la conception féodale, pour laquelle la femme était un bien comme un autre, et le mariage une alliance d’intérêts. Il a fallu aussi abandonner la conception antique de l’amour car, bien sûr, le terme amor est issu du latin amare = aimer. Mais ce latin avait une connotation différente, toute pratique, élaborée par les Grecs, experts en art psychologique. « Amour » - d’où vient « amitié » - se distinguait chez eux d’éros (la titillation érotique) et de philia (l’affect sentimental).

L’amour des troubadours se veut, lui, absolu. Il concerne en premier l’amour de Dieu, puis celui de « la » Femme. Pour en avoir une idée, on peut le rapprocher de la musulmane absolue humilité devant Allah. Ou de la ‘passion’ au sens christique des Parfaits cathares. L’amour provençal n’est pas cette amitié passionnée qui mêle l’érotisme au sentiment, comme l’est l’amour grec. Il est moins ouvert et plus rigide, axé sur « le Bien » à la manière de Platon, plutôt que sur l’éventail des sujets aimables offert par la nature. L’amour provençal, qui devient l’amour français, est résolument hétérosexuel ; il s’exalte dans le discours plus que dans les gestes ; il est un théâtre, typique d’une société de cour où la hiérarchie est respectée et les limites à ne pas franchir bien fixées.

L’amitié est « sociale », pratique, elle peut concerner le sentiment entre homme et femme et est utilisée comme tel jusqu’au XVIIIe siècle. Mais l’Hamour (comme écrivait par dérision Flaubert) est déjà cette exaltation passionnelle qui dominera le romantisme. Il est abstrait et absolu, sans « objet » autre qu’idéal, hors de ce monde. Une sorte d’excès malsain qui sent la fièvre, une drogue qui, à la retombée, fait mal. La réalité n’est en effet jamais aussi parfaite que l’idée qu’on se fait...

L’ardeur éthérée de la ‘fin amor’ provençale sera confortée par les interdits d’Église et par le souci du lignage, reste sourcilleux de la conception féodale et de l’ordre établi. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle que le badinage retrouvera la liberté des Grecs et que le plaisir reprendra ses liaisons dangereuses. Quand l’homme choisit, il est l’amant ; quand la femme choisit, l’homme est le galant. Et La Rochefoucauld retrouve la subtilité de la psychologie grecque pour distinguer les moments : « Dans les premières passions les femmes aiment l’amant, dans les autres elles aiment l’amour. » De ce siècle d’humanisme érotique, le suivant singera l’aspect sans en garder l’esprit. Stendhal se moquera des bourgeois de son temps, revenus aux mœurs féodales de la femme comme « bien à vendre » - donc vertu à préserver : « Qu’est-ce qu’un amant ? C’est un instrument auquel on se frotte pour avoir du plaisir. »

amoureux-dessin.1202984122.jpg

L’aujourd’hui a réinventé toutes les pratiques, de « la baise » à la Catherine Millet (partout, à tout moment, si possible sous le regard des autres) à l’amour platonique (qui reste si fort chez les adolescents) jusqu’aux diverses « amouracheries » de passage (Delteil), amourettes par amusement, « amorisme » de l’exaltation perpétuelle et sans objet (Guitton), « amoureries » du rut populaire (Céline), «  amarcord » - formé sur amour et record - ou nostalgie des souvenirs érotiques (Fellini), « amiévrie » de foule sentimentale lisant des magazines (Tinan)... mille mots pour dire les mille inventions du physique, de l’affect et de l’esprit amoureux - queue, cœur, crâne : les trois étages de l’homme.

Et Valentin dans tout ça ? Le prénom vient du latin valens qui signifie justement vigoureux, plein de force. Vous voyez où l’on veut en venir ? Février est le cœur de l’hiver et le 14 juste le milieu. C’est à ce moment que la vie doit triompher de la mort, à ce moment qu’on doit penser très fort au printemps, à la renaissance de la nature. De toute la nature : les feuilles en bourgeon, les fleurs en bouton, les petits agneaux pour Pâques... et les poupons d’homme qui naîtront en novembre, leur mère ayant bien mangé tout l’été. En Grèce, Zeus se mariait avec Héra ; à Rome, des adolescents nus couraient dans la ville en fouettant les passants, surtout les filles - et plus si affinités. L’Église a récupéré l’idée, bien sûr, pour la châtrer aussi sec en la transformant en discours, ces discrets billets babillant des mièvreries aux aimées. La ‘fin amor’ provençale, toute platonique et exaltée, l’y a fort aidé !



12 réactions


  • Sandro Ferretti SANDRO 14 février 2008 11:57

    @ l’auteur.

    Très réussi.

    Le dessein (ou le fusain) est-il de vous ?


    • Argoul Argoul 14 février 2008 13:19

      Eh non, je manie mieux le clavier que le crayon noir... Mais j’aime bien le dessin. En revanche, la photo des statuettes, au-dessus, est prise par moi.


  • pallas 14 février 2008 12:09

    L’amour, meme si cela est reveur, sa n’existe pas, peut etre que dans les temps antiques cette notion a pu vivre, mais aujourd’hui et depuis fort longtemps, sa n’est qu’un mot qui derriere ce cache le pouvoir, l’argent, les interets que l’ont peut avoir. La saint valentin est la quintessance meme de l’argent et de l’obligation. Un couple qui s’aime vraiment n’a pas besoin qu’ont lui dise qu’a un moment donné l’homme doit acheter un objet type pour sa compagne, c’est des foutaises, juste du business. L’amour, le sens d’aimé a ete oublier, personne ne peut le definir, la Haine aussi n’existe pas, tout ce qui reste c’est l’indifference et le mepris, la oui, nous avons atteint la signification meme du maux. Faut arreter les fadaises, les humains ne sont pas capable d’epprouver la moindre compassion ou sentiment de ce type pour un animal ou pour quelqu’un qui lui est etranger. La premiere forme d’amour nous ne la connaissons, comme pourrions nous connaitre l’amour ultime, le Graal, qui est celui qu’un homme serai pret a tout donné a sa femme et ses enfants, ainsi que la femme envers sa famille. Nous sommes comparé au monde animal inferieur sur se plan la. Les pigeons forme un couple a vie, se sacrifie pour leurs progenitures et les eleves, les rats c’est un peut different mais c’est revien a la meme chose. Meme les especes dites inferieurs connaisse le vrai sens de l’amour qui est inscrit dans le genome. Derriere la notion d’amour se cache en verité la perpetuation de l’espece, dont le sexe en est le moteur. Il suffit de voir la degenerescence physique de nos contemporains qui deviennent sterile, ainsi que les maladies prenatales des nouveaux née.


    • Argoul Argoul 14 février 2008 13:21

      Alors, ça existe ou ça n’existe pas ? "Un couple qui s’aime vraiment"... C’est quoi ce "vraiment", au fond ? Ce ne serait pas "l’amour", par hasard ? Ou je me trompe ?

      Bien sûr, le commerce n’a rien à voir, mais la tradition, si : faire des bébés au coeur de l’hiver, c’est un espoir de printemps, que la vie va continuer.


    • breizhnana 14 février 2008 16:51

       Pallas, vous êtes d’un triste…


  • tvargentine.com lerma 14 février 2008 13:08

    Posons nous la question de savoir si cette "fête" ; religieusement suivi , ne correspond pas à l’hypocrisie de nos sociétés modernes ou les couples mono parentales sont en expansion

    Pourquoi ne pas l’appeler plutot : la saint cocû ?

     


  • haddock 14 février 2008 19:12

    Chroniqueur , ça tombe bien pour la Saint Valentin ,

     

    Bravo Argoul .


  • kiribati62 18 février 2008 00:05

    Amour vient peut-être du provençal… mais comment comprendre alors le latin (langue-mère), l’italien, l’espagnol, le catalan, le portugais, le sarde… avec la même racine ? Certes Dante a beaucoup contribué au prestige du provençal, mais l’amour date d’avant Béatrice…


  • maxim maxim 18 février 2008 09:23

    l’amour n’est qu’une fumée faite de la vapeur des soupirs ......


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