mardi 2 mai 2017 - par Theothea.com

Virginie Lemoine mène « Le Bal » en satire tragi-comique au Rive Gauche

Virginie Lemoine, passionnée de théâtre, est sur tous les fronts.

Artiste protéiforme, elle est à l'affiche en tant que comédienne dans " Piège mortel " de Ira Levin au La Bruyère.

Après avoir mis en scène une comédie musicale " 31 ", reprise actuellement au studio des Champs-Elysées, qui a connu un franc succès au dernier festival "off" d'Avignon, elle vient de concrétiser un projet longtemps mijoté, celui d'adapter un roman d'une soixantaine de pages "le Bal" d' Irène Némirovsky écrit en 1928, et nous en livre, depuis fin janvier au Rive Gauche, sa version théâtrale.

 

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LE BAL
DR.

 

Irène Némirovsky n’a pas eu une enfance heureuse. Bien qu’elle soit née dans une famille riche, elle a souffert douloureusement d’une mère égocentrique qui n’a jamais eu l’envie de donner une éducation personnelle à sa fille. Son court récit dépeint de manière cynique les rapports mère-fille ramenant l’auteur à sa propre expérience. Cette part autobiographique est importante car elle renforce l’idée qu’Irène Némirovsky n’est autre que la protagoniste principale : Antoinette.

C'est l'histoire d'une famille modeste qui devient riche du jour au lendemain et délaisse les anciennes habitudes pour se précipiter dans les mondanités. Ils habitaient un immeuble minable derrière l'Opéra comique, rue Favard. Ayant réalisé des gains féeriques grâce à de bénéfiques transactions boursières, Rosine et Alfred Kampf ont emménagé dans un quartier chic de Paris et veulent désormais fréquenter des personnes de la haute société. C’est pourquoi, ils décident d’organiser chez eux un bal en invitant des personnes issues de milieux aisés. Ils veulent se faire connaître, mais aussi faire partie du milieu des personnes de haut rang pour se sentir valorisés.

 

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LE BAL
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Antoinette, une adolescente de 14 ans, essaie de négocier sa présence au bal, mais sa mère s’y oppose catégoriquement, en la rabaissant comme à son habitude. Cependant, la jeune fille est chargée de la rédaction des 200 cartons d’invitation pour la réception.

La pièce mise en scène par Virginie Lemoine est jubilatoire de cruauté. Elle se moque de ces parvenus vulgaires et ridicules dans leur appétit de rivaliser avec le Gotha des Années folles, qui se chamaillent grossièrement pour sélectionner leurs invités. Dans des scènes de ménage courtelinesques et drolatiques, Rosine parle toujours trop fort, elle s'esclaffe, braille, s'en prend à Alfred qui manque d'envergure.

Elle est campée avec une tapageuse prestance par Brigitte Faure et Serge Noël prête ses traits au mari faible et cependant roublard. Tous les deux ne font pas dans la dentelle. Ils forment un couple ahurissant dans les excès et le manque de délicatesse.

Antoinette rêve aussi de faire son entrée dans le monde, surtout pour rencontrer l'amour. Lucie Barret l’incarne avec beaucoup de malice car Antoinette, sous couvert d'une modeste apparence dans sa blouse bleue d'écolière et ses tresses à macarons, est un personnage autrement plus complexe que ce symbole d’enfance bafouée.

Au fur et à mesure du déroulement du récit, l'adolescente dévoile des sentiments de plus en plus ambigus vis à vis de sa mère. Elle devient machiavélique au point de finir par jeter les enveloppes d’invitation dans la Seine. Elle n'en remettra qu'une seule, celle adressée à sa professeure de piano, Mademoiselle Isabelle, femme revêche et envieuse de leur situation. Françoise Miquelon la joue Folcoche, véritable harpie, pincée et raide dans ses souliers.

 

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LE BAL
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Accompagnant sa seule présence à cette réception, les scènes cocasses se succèdent ; celle des gâteaux secs et de l’apéritif est particulièrement drôle. Pas question de sortir le caviar en l'absence des autres convives. A onze heures et demie, Madame Kampf finit par décréter que le bal n’aura pas lieu. Mademoiselle Isabelle, estomaquée, rentre alors chez elle, non mécontente de l’échec de la soirée organisée par sa cousine.

Tout de suite après son départ, une violente dispute conjugale éclate entre les époux Kampf, dans laquelle ils s’insultent et chacun dégaine de violents reproches à la figure de l'autre. Monsieur Kampf quitte la maison et sa femme ôte brutalement ses bijoux clinquants et pique une crise de nerfs.

Antoinette, avec son air de sainte-nitouche, s'approche tranquillement de sa mère et se tournant vers le public, d'une voix doucereuse, dit : "pauvre maman" ! Celle-ci la repousse avant de finalement la prendre dans ses bras en lui promettant qu’elle se consacrera désormais à elle, délaissant le luxe et son goût pour le faux-semblant. Antoinette est la grande gagnante de cette histoire, car elle a trouvé ce qui lui faisait défaut jusque-là : l’affection de sa mère. En développant à l’extrême son pouvoir de nuisance, elle lui a démontré qu’elle n’est plus une enfant mais bien une adulte.

Dans un décor laqué de paravents aux motifs floraux orangés et arabesques et un mobilier "Art Déco" design, l'œil extérieur d'un domestique pas dupe, interprété par Pascal Vannson, regarde un brin moqueur la famille Kampf se désagréger et exploser. La mise en scène de Virginie Lemoine est décapante, les comédiens se délectent à caricaturer l'avidité gloutonne de ces "nouveaux riches" et tournent la noirceur et le cynisme de la pièce du côté du rire en faisant de cette comédie de mœurs un vaudeville au rythme enlevé.

  

photos 1, 2 & 3 DR.

photos 4 & 5 © Theothea.com

 

LE BAL - **.. Cat’s / Theothea.com - de Irène Nemirovski - mise en scène Virginie Lemoine - avec Lucie Barret, Brigitte Faure, Serge Noël, Françoise Miquelis & Pascal Vannson - Théâtre Rive Gauche  

 

 

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LE BAL
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Ce soir-là lors des premières, Virginie Lemoine revenait sur scène, après les saluts, accompagnée par Olivier Philipponnat, le biographe d'Irène Némirovsky & Nicolas Dauplé, le petit-fils d' Irène Némirovsky pour discuter avec les spectateurs du Bal et les éclairer sur son auteure née en 1903 à Kiev.

Celle-ci s’éteindra le 17 août 1942, à l’âge de 39 ans, lors de sa déportation à Auschwitz. Irène est la seule femme littéraire à avoir reçu le Prix Renaudot alors qu’elle n’était plus de ce monde. Ce titre lui a été accordé pour le roman " Suite française " qui a été publié en 2004 grâce à sa fille Denise.

 

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LE BAL
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