mercredi 19 juillet 2017 - par C’est Nabum

Au jour d’aujourd’hui

La langue pâteuse …

Le sens de l'imitation, l'imprégnation par la médiocrité, l'envie de singer les grands hommes ou les bêtes de médias provoquent une excroissance déplaisante de notre lexique de truismes, maladresses syntaxiques et autres inepties qui ne valent que parce qu'elles sont répétées d'un bout à l'autre de cette francophobie de la médiocrité.

Parmi les expressions les plus laides et les plus inutiles, ce « au jour d'aujourd'hui » est une formidable caisse de dé-résonance, une ouverture vers le précipice des idées reçues, des évidences à la petite semaine, des arguments tout droits sortis de la boîte du bon-sens près de chez vous.

Méfiez vous comme de la peste qu'il annonce, de ce monsieur qui vous joue la redondance des temps présents. Il va vous assener une vérité de super-marché, une facilité qui lui épargne réflexion et distance et qui lui confère une autorité morale factice par l'usage de cette docte formule de l'immédiateté répétée.


Collectionneur d'énervements multiples au sujet de la langue, j'aime à épingler ces absurdités qui font des ricochets de bouche en bouche bien plus vite que les mots délicats, les termes complexes, les pensées rares. Je mettrai au premier plan de ces expressions vides de sens, la magnifique et inégalée « feuille de route » qui s'envole au premier coup de vent et se froisse pour un rien. Elle peut se parer d'un doute qui lui eut donné corps et profondeur plutôt que de cette chaussée faite d'une immense platitude.

Le « parcours du combattant » est d'autant plus employé que ces contempteurs sont des êtres maigrichons, aussi peu sportifs que peut l'être sans doute le poulpe ou la méduse et qui attribuent aux arcanes de l'administration souveraine des chausse-trappes et des pièges bien au-delà de son habituel « pouvoir de nuisance ».

Tiens voilà que moi aussi, je sacrifie à cette langue pâteuse, qui se satisfait de peu pour prendre l'apparence d'une distinction qu'elle ne parviendra jamais à atteindre. Le risque est grand de sombrer dans cet usage immodéré de la langue de salons dorés. Je ferais mieux de mettre un « point barre » sur ce billet en confondant comme beaucoup le final et la barre espace si proche qui se contente de mettre un peu d'espace à nos problèmes de ponctuation sans les « solutionner » vraiment.

Diantre me voici encore tombé dans le bois exotique, celui qui transforme la complexité d'un verbe du troisième groupe, résoudre en l'occurrence, en un vilain raccourci du premier, celui qui se conjugue à tous les temps de la facilité. « Visiblement » je ferais bien mieux de cesser ce jeu idiot, toutes les stupidités me tombent sur le clavier avec une facilité déconcertante. Le lisible est à porté de risible sans que la voyance y soit pour grand chose …

« Vous voyez ce que je veux dire ? ». Non seulement j'efface « d'un trait de plume » la richesse de l'inversion sujet verbe dans la forme interrogative, mais je sombre une nouvelle fois dans cette « Visibilité » indispensable dans un monde voué à la seule apparence.

Je devine que je vais encore « réceptionner » quelques commentaires agacés des chantres de la modernité qui trouveront que je mène encore un « combat d'arrière -garde ». J'aurais pu tout aussi bien recevoir des remarques courroucées pour mes positions passéistes, mais voyez-vous, la formule n'aurait pas cette saveur inimitable de la nouvelle langue de bois.

Je vous laisse « faire du peu feu » de ce billet sans queue ni quête. J'use à loisir de la » langue de chez nous » pour déblatérer à plaisir quand je n'ai plus rien à écrire et qu'il me faut faire un billet « à l'arrache ! ».

Copeauxieusement vôtre



11 réactions


  • Decouz 19 juillet 2017 13:44

    Beaucoup de métaphores employées par les journalistes relèvent aussi du domaine sportif, ce qui traduit sans doute l’esprit darwinien (mais Darwin était sans doute plus c omplexe) et compétiteur du temps, allez, « en temps réel », « la dernière ligne droite », « voilà » « tout à fait » et je suis d’ailleurs en direct devant la grille du ministère en charge des expressions et du vocabulaire, ce qui fait que je tiens les informations les plus récentes.
    Il sort régulièrement des livres qui recensent ces lieux communs, pas toujours facile d’y échapper.
    A lire Rémy de Gourmont, j’ai découvert récemment ses talents de critique, il s’en prend entre autres au vocabulaire et aux poncifs dans les expressions littéraires (les mauvaises).
    Une remarque curieuse qu’il exprime : les écrivains « auditifs » seraient plus sujets aux banalités et aux répétitions médiocres, que les écrivains « visuels », je ne sais pas si c’est vérifié ou vérifiable, peut-être que le l’écrivain « visuel » doit faire un effort de traduction pour écrire les scènes qu’il imagine visuellement, tout ceci se discute, il n’en est pas moins vrai que du point de vue de la mémoire, et sans doute aussi du point de vue de l’imagination tel ou tel sens prédomine selon les individus.


  • Abou Antoun Abou Antoun 19 juillet 2017 19:39

    ce « au jour d’aujourd’hui » est une formidable caisse de dé-résonance
    Ben ’hui’ c’est le ’hodie’ latin , contraction de ’hoc die’ qui signifie ’ce jour’. On aurait pu s’en contenter et écrire : « hui j’ai pondu un nartic ».
    Alors aujourd’hui est déjà redondant et au jour d’aujourd’hui est re-redondant. Il faut dire que si la belle langue française fait quelquefois des erreurs, le néo-con qui a créé ce monstre en rajoute une louche.
     


  • marmor 20 juillet 2017 11:55
    quand je n’ai plus rien à écrire et qu’il me faut faire un billet

    C’est une obligation contractuelle ou juste votre irrépressible besoin de vous étaler sur ce site ?

  • marmor 20 juillet 2017 13:51

    Les commentaires sont comme les pustules de la varicelle, il faut une souche......


  • yvesduc 21 juillet 2017 21:02

    À ce jour au jour d’aujourd’hui, deux anglicismes sont particulièrement répandus : les activistes pour désigner les militants (rappel : en bon français, un activiste est un militant violent : pas sûr que ce soit ce que ces auteurs aient voulu dire !), et exposer à la place de révéler. La presse révèle un scandale. Elle ne « l’expose » pas… Exposer, c’est afficher, décrire : c’est très en-dessous d’une révélation, qui rend public un secret ou une affaire !


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