De la bourriche au bourrichon
Monter en nuisance.
Chacun de s'interroger sur cette étrange bourriche qui m'accompagne sur scène, le plus souvent assez loin de la rivière dans laquelle autrefois je prenais le goujon ou l'écrevisse pour l’y glisser. Il est vrai qu'à force de nager en eaux troubles, je pèche plus que je ne pêche, mettant toujours l'accent là où ça fait mal.
Il est sans doute plus grave d'accentuer ainsi une lettre qui munie d'un chapeau ne risque ni le coup de chaud dans l'antre de Lucifer, ni les maux de têtes à force de trop de sornettes et de soleil. Le véritable pêcheur avisé, du reste ouvre le parapluie même par beau temps, ce qui est loin d'être mon cas.
Dans ma bourriche il y a de quoi, tout naturellement se monter le bourrichon, puisque les deux mots sont intimement liés depuis qu'un certain Flaubert qui écrivit dans une de ses correspondances : « Oh ! Comme il faut se monter le bourrichon pour faire de la littérature et que bienheureux sont les épiciers ». Les épiciers apprécieront du reste que l'on juge leur activité sans prise de tête, c'est bien là la morgue de ceux qui se prétendent au-dessus du commun, simplement parce qu'ils ont une plume à la main.
De plume du reste, le véritable pêcheur en use également même si souvent, par déformation ou excès personnel, il préfère l'appeler bouchon. C'est du reste mon cas, préférant pousser le bouchon toujours plus loin avec ma drôle de touche et ma bourriche battant mon flanc. Le jeu des analogies ne cesse de mettre en correspondance les termes au fil d'une pensée qui va à contre-courant.
Mais que contient désormais ce beau bourrichon que m'a admirablement tressé une vannière de Nevers ? De quoi justement appâter le chaland ou le spectateur afin qu'il morde à l'hameçon ou bien à mes sornettes. Le coup n'est pas toujours gagnant, il faut tenir compte du vent, des variables saisonnières, du bruit alentour et de l'humeur des gros poissons que j'espère prendre dans mes filets.
La bourriche pour se faire, dissimule accessoires et pense-bête. Les uns pour assurer le spectacle tandis que les autres me permettent de ne pas perdre le fil tout en me mettant parfois un peu de plomb dans la tête ; si cela est encore possible ! Point de permis de pêche donc dans ce fatras, ce qui risque de valoir les foudres d'un garde assermenté. Il est vrai que les mauvaises langues finissent souvent pendues à une potence.
Vous ne saurez rien des accessoires du pécheur devant l’éternel. Si on me donne le diable sans excommunication, il n'en demeure pas moins que je n'ai nulle intention de donner ma langue au premier chat noir venu de Beaugency ou bien de Jargeau. Vous n'avez qu'à m'inviter pour en découvrir le contenu.
Quant aux fiches, elles ne sont là que pour noter une date, un nom ou bien un ordre supposé des histoires que je compte livrer. Rien de tout cela ne garantit que le programme soit respecté. Le pêcheur au coup doit s'adapter, ne pas se fixer une ligne de conduite mais bien plus choisir ses esches en fonction des poissons qui se présentent à lui même si parfois il y a de la friture dans la communication.
Quant à l'orifice qui couvre la fameuse bourriche, s'il est rond plutôt que rectangulaire, ce n'est que par un louable souci pratique. Je peux y glisser non pas une prise mais un verre, de celui qui ne se fixe pas à un hameçon quoiqu'il finisse dans le gosier. Vous savez donc tout et il est désormais inutile de vous monter le bourrichon pour comprendre l'intérêt de cette belle bourriche.
À contre-emploi.