vendredi 8 janvier 2021 - par C’est Nabum

Élucubrations matutinales

 

À l’heure du laitier …

JPEG La maisonnée dort à poings fermés, seuls une dizaine de doigts vagabondent sur un clavier posé sur des genoux. Le silence est propice à la divagation d’un esprit qui restitue au petit matin toutes les fantaisies qui lui sont passées par la tête durant la nuit. Il suffit alors de laisser se dérouler le fil d’une histoire qui n’a ni queue ni tête de lit.

Parfois, la nuit n’a ni porté conseil ni donné des biscuits à croquer. L’écriveur doit se retourner vers d’autres sources d’inspiration. La radio qui murmure à son oreille son lot d’horreurs et d’absurdités lui en donne souvent l’occasion. Le larron saisit un mot qui sort de son contexte pour s’octroyer une échappée belle. Il le tord dans tous les sens, le presse tout comme il l’a fait de son citron quotidien. Les propos sont nécessairement acides par le jeu des similitudes.

Les discoureurs de la modération de fragrance ne sont pas toujours porteurs d’un mot qui fleure bon. Les paupières encore embrumées d’une nuit trop courte, celui qui est en mal d’inspiration se voit soudain confronté à tous les maux de la société. Le réveil est brutal, la réaction épidermique, le propos acerbe même s’il est question des croates. Le pamphlet prend le pas, ce jour-là, il n’y a pas de miel dans le café brûlant.

Il arrive encore que rien ne vienne mettre en branle la machine à écrire. L’insipide de la tranche matinale ne met pas de beurre sur la tartine. Le bec dans l’eau, le chroniqueur se trouve fort marri quand le soleil finit par se lever sur une page désespérément blanche. Il doit agir au plus vite, trouver le déclic qui l’empêchera de sombrer dans un profond marasme. Une journée ne peut se débuter sans la page dûment noircie. Au risque d’exaspérer bon nombre de personnes raisonnables, la déraison l’impose.

C’est alors que le malheureux tourne en rond, cherche un mot à se mettre sous les doigts. Un mot ou une expression, un titre qui le sauvera du naufrage. Il en va toujours ainsi quand d’autres parachèvent leur rédaction par un titre qui s’impose, il en va à rebours pour celui qui a besoin d’une accroche pour répandre ses lignes. C’est ainsi que s’affichent soudain quelques mots qui ont leurre de le satisfaire.

« Élucubrations matutinales », la belle affaire ! Comment tenir la distance avec pareille tête de gondole. Il va falloir délayer, tirer à la ligne, se triturer les méninges pour tenir le cap. Il y a de quoi déboussoler le lecteur éventuel, l’indisposer ou bien l’irriter. Il serait judicieux de s’en excuser par avance, le jeu de la chronique quotidienne ne tient pas toujours la chandelle de la pertinence.

C’est donc une toute petite lumière qui vacille sur un écran qui s’estompe dans la faible clarté du matin. Ce n’est certes pas satisfaisant mais il convient de tenir, de maintenir le rythme imposé depuis si longtemps. Tout comme le pianiste qui fait ses gammes, par nécessité, les doigts doivent glisser sur les touches pour maintenir le rituel au risque de produire une belle cacophonie. L’essentiel est dans la régularité, la pratique quotidienne à la manière d’un sportif de haut niveau.

Vous aurez parfois à subir ce trou noir de l’imaginaire. Il convient de faire preuve de mansuétude tout autant que de bienveillance face à celui qui traite sa névrose en public. Si la potion vous semble trop amère, un simple clic vaudra mieux qu’une mauvaise claque. Haussez les épaules et passez votre chemin. Demain sera un autre jour, la clarté sera, il faut l’espérer, revenue dans cet esprit passablement embrumé. Le point final sera sa bouée de sauvetage à laquelle il s’accrochera désespérément avant que de reprendre du service au petit matin suivant.

Pageblanchement vôtre.



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