vendredi 7 avril 2017 - par C’est Nabum

En mettre de côté

Un peu à gauche, naturellement.

Le Châtelain est un panier percé.

Le bas de laine ou la bonne lessiveuse, ce n’est plus de saison. Dans les bonnes maisons, les châteaux et dans les allées du pouvoir, on ne parvient plus à en mettre de côté. La nouvelle nous laisse pantois, les bourses s’effondrent au pays des harpagons indécents. Ils ont beau en vouloir toujours plus, il faut maintenir un train de vie qui prend l’apparence d’un TGV lancé à pleine vitesse, écrasant tout sur son passage.

Les économies de bout de chandelle quand on brûle la vie à coups de vols en jets privés, de costumes taillés sur mesure et payés par de généreux donateurs, quand on se sert allègrement dans la caisse publique, ce n’est plus nécessaire. La conviction est forte chez ces tristes sires que ça va continuer éternellement, pour eux et pour leurs descendants.

C’est la grande loterie de la vie parlementaire qui donne des tickets gagnants à ces personnages qui, à défaut de mettre les mains dans le cambouis, aiment à les plonger dans le trésor public. Servir l’Etat, c’est se servir sur le dos de la bête, sans honte ni honneur. C’est faire de la charge une pension à vie, une source inépuisable de revenus. Alors, naturellement, il n’est pas question d’imaginer que cela puisse cesser, puisque ça dure depuis bientôt soixante ans.

Quand on a trouvé le filon : la bonne circonscription qui n’est ni regardante sur la moralité, ni sourcilleuse en matière d’honorabilité, on retrousse ses manches et on s’affaire à dépenser jusqu’aux derniers deniers cet argent si mal acquis. Les économies c’est pour les gueux, les humbles, les misérables : ceux qui sont incapables d’envisager ce terme au singulier.

Dans la jolie profession des canailles, il faut dépenser sans compter l’argent qu’on a pris sur le dos des moutons que nous sommes. Nous apprécions leur sens du sacrifice, l’effort qu’ils consentent pour faire vivre ainsi l’industrie du luxe à la française, véritable vitrine du savoir-faire tricolore que nous ne pouvons que regarder sans jamais y être conviés. Fort heureusement, nos joyeux représentants font don de leur personne à la France pour jouir sans réserve et sans limite de cette poule aux œufs d’or.

Soyons admiratifs et reconnaissants. La jalousie est un si vilain défaut. Acceptons donc d’être toujours plus ponctionnés, pour que ces messieurs se régalent à nos frais, parcourent le territoire d’invitations en invitations, ne respectant ni les limitations de vitesse ni les interdictions de stationner. Grands bourgeois de la démocratie, ils ont remplacé les nobles de l’ancien régime et bénéficient à leur tour des privilèges qui n’ont jamais cessé de perdurer.

Il en faut des qualités morales pour accepter de bénéficier de pareils avantages, de profiter ainsi de tant de richesses quand les autres n’ont rien ou presque rien ! Cela demande un effort considérable, une volonté de fer pour ne pas succomber à la tentation du partage et même de la charité. Imaginez les affres que doit endurer un bon chrétien qui ferme les yeux sur les inégalités dont il est le bénéficiaire. Jamais, quant à moi, je ne parviendrais à supporter pareille pression.

C’est donc très légitimement qu’ils ne peuvent en mettre de côté, surtout que dans le langage populaire, ce côté-là se situe à gauche. Rien qu’à penser cela, ils en ont des frissons dans le dos, de la nausée et un profond dégoût. Ils se tiennent alors droits dans leurs bottes, jouissent encore et encore et si, par malheur, un pauvre venait à leur tendre la sébile, ils leur décocheraient ce regard condescendant, voire méprisant qu’eut notre brave châtelain chafouin durant tout le grand débat.

Admirons donc ces grands dépensiers à nos frais, anciens ou futurs présidents, ministres, députés ou sénateurs, bénéficiant sans sourciller de sommes considérables pour profiter de l’existence et vivre à nos crochets. Ils méritent bien de la nation et la nation reconnaissante les prie de ne jamais rien faire et d’assurer à eux seuls, la relance de la consommation. De notre côté, nous nous contenterons de subsister jusqu’à la prochaine révolution.

Pécuniairement leur.



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