mardi 26 janvier 2016 - par Piere CHALORY

Fellini censuré !

Cette histoire est bizarre, car comme un fait exprès, je voulais depuis longtemps écrire un article sur Il Bidone, chef d'oeuvre hors-normes de Federico Fellini, et voilà qu'un désordre technologique m'a permis de surprendre un fait incroyable. Pour ceux qui n'ont pas vu le film passez votre chemin car ce texte dévoile la fin de l'histoire.

 

Oh, bien sûr il faut relativiser.

Quand même, ce n'est pas si grave au vu des horribles événements présents ; carnage inédit dans la foule parisienne ce vendredi 13 novembre 2015, prédictions calamitiques gouvernementales qui nous annoncent une guerre de religion qui devrait s'étaler sur une génération.

 

Rien que ça !

Courage à ceux qui ont des enfants et aux jeunes concernés, courage à tous finalement, jeunes, moyens et vieux. Ça promet…

30 ans de terrorisme, de guerre, car nous sommes en guerre ne l'oubliez pas ; nous assène et nous assomme un petit homme vindicatif commué en Nostradamus de l'apocalypse new-age, que vous avez déjà reconnu.

Vous je sais pas mais moi pas en guerre, ni maintenant ni jamais.

Bref, le fait qu'un film datant de 1955 soit amputé d'une scène n'est pas si important, encore que. Il ne s'agit pas de n'importe quel film et pas de n'importe quel cinéaste.

 

Il Bidone avec ce nom trompeur n'a rien de bidon, vraiment rien.

D'abord l'histoire commence badine & pas bidon.

Dès le premier plan, on constate le génie créatif de Fellini. On voit un homme assis dans l'herbe, dans un décor champêtre, au loin une route en ligne droite, sur laquelle on distingue une minuscule voiture arriver. L'homme se lève, récupère sa veste posée sur un arbre, et se déplace tranquillement jusqu’à une route, la scène est tournée sans coupure, en temps réel, seule la caméra fait un travelling de droite à gauche.

On voit alors la voiture arriver et s'arrêter devant il Barone, le cerveau du gang. Fellini a utilisé le fait que la route fait un virage en épingle pour que, sans coupure, passant d'un décor à un autre, en calculant la vitesse du marcheur et celle de la voiture, la synchronisation soit parfaite ; il Barone à peine arrivé au bord de la route, la voiture d'il Bidone apparaît !

C'est l'histoire d'une bande de joyeux pieds nickelés sympathiques sévissant dans la banlieue de Rome, pile au milieu des années 50. Par la magie de Fellini, leurs aventures au long du film se transformeront d'épopées crapulo-lyriques en suite dramatique. Jusqu'à un chemin de Croix, une passion Christique, une agonie. Et une fin gore-rédemptrice pour Monsignore Bidone, le héros de l'histoire.

 

Bande annonce :

 

Mais voilà que ce film a subi un dégraissage inattendu, très récent. Avant de vous préciser quoi, quelques remarques pour comprendre la suite :

Le replay, et l'enregistrement direct des films sur le disque dur de nos box c'est bien, mais quand ça déconne on perd tout. Avant, les grosses cassettes vidéo encombraient nos étagères, s'usaient, ornaient de lignes vibratoires ondulantes les films reproduits sur nos préhistoriques écrans cathodiques, profonds et lourds comme des machines à laver. C'était comme ça.

Et donc maintenant, plus besoin de place pour ranger vos films, mais parfois ils s'en vont. Si pour une raison ou une autre, suite à une nano-avarie dans les circuits microscopiques de ces machines étonnantes, vous devez réinitialiser le fameux disque dur, vous perdrez toute votre précieuse perso-cinémathèque. D'ailleurs toutes ces données disparues vont bien quelque part mais où ? Rien ne se perd tout se transforme, mais en quoi dans ce cas ?

J'avais une quarantaine de films enregistrés et suite à un bug de la box, j'ai perdu tous ces films, dont il Bidone, que je place à part de tous les films que je connais, et que j'ai regardé en boucle pendant un moment car j'y découvrais de nouvelles subtilités à chaque passage.

 

 

Mais finalement, tant mieux si la box a planté, autrement je n'aurais pas pu voir la supercherie.

Car dernièrement, le film est repassé sur Ciné-Classic, et je l'ai re-enregistré. Comme je le connais par coeur, j'étais étonné de ne plus entendre une réplique dans une scène du début du film.

Dans cette scène, après avoir dépouillé 2 vieilles paysannes désagréables, nos 2 héros vont flamber leurs énormes billets de lires dans un cabaret romain. À l'époque on aurait presque dit des feuilles de Métro-news.

Avant qu'ils entrent, Fellini nous montre un danseur acrobatique posé sur des patins à roulettes exécutant une danse endiablée sans dégringoler par terre.

Un client attablé fait alors cette remarque ou à peu près ; ''guarda come è forte quel disgraziato ! '' Traduit en vo-stf : ''il est fort le bougre !'' Le danseur est noir.

Disgraziato en italien peut vouloir dire misérable, pauvre diable, mais aussi personne vile ; sale type.

La manière dont le client parle est clairement méprisante, désobligeante envers l'artiste et c'est voulu par Fellini, car de fait l'homme qui dit ça est un sale type, et sera un des participants de l'exécution de Monsignore Bidone, incarné par Broderick Crawford, que nous n'arriverons pas à détester mais à plaindre.

 

Chez Fellini tout est voulu, calculé au-delà du quota de finesse des scenarii classiques.

Par exemple dans une scène, on voit il Bidone s'en aller chercher des cigarettes sur une place de Rome, à ce moment là il croise sa fille, âgée de 18 ans qu'il n'a pas revue depuis des années. Bouleversé par la transformation de sa fille qu'il n'avait pas reconnue, il lui promet de la rappeler, et s'en retourne chercher ses clops.

Le plan suivant est le même que quand on l'a vu partir, mais entre temps des panneaux de signalisation derrière lui ont disparu, on voit un dessin sur le mur à la place. C'est comme si le fait d'avoir rencontré sa fille l'avait fait basculer l'instant d'après dans 1 autre monde. Il n'y a pas de hasard. Et ce n'est pas une erreur technique mais voulue ; une sorte de surréalisme subliminal. Je me suis aperçu de ça après des dizaines de visionnages du film.

Aucun autre cinéaste ne fait ça, à part Fellini. D'où son nom ; il Maestro. Un peu comme Dino Risi qu'on redécouvre 50 ans après, une foultitude de détails mouvants dans le décor ont leur importance, mais ne se distinguent pas au premier coup d'oeil.

 

Il Bidone n'a paraît-il pas marché à sa sortie.

C'est vrai qu'à l'époque il a dû en choquer plus d'un. D'abord, montrer un cardinal de la toute puissante Église catholique escroquer de la sorte des pauvres paysans, même si dans le film ce n'est qu'un déguisement, a dû être vu comme un blasphème in-tolérable. Surtout à Rome, siège du Vatican, résidence du Pape, la voiture d'il Bidone étant munie d'une fausse plaque minéralogique du Vatican, pays très particulier.

Puis, la bassesse et la cupidité des personnages est montrée sans aucune concession*, mélangée à de la poésie momentanée, soutenue par la musique très évocatrice de Nino Rota qui accompagne le film comme s'il était muet. Adaptant l'ambiance très contrastée des scènes, qui passent sans transition d'un genre intimiste à orgiaque, et presque insoutenable à la fin.

*depuis on est habitués, ça s'appelle la coolitude, plus t'es con + t'es bon, demande à Nouna.

 

Le plus génial dans ce film est surtout de transformer une scène joyeuse au départ en drame pathétique à la fin. En montrant la même chose, la même arnaque, très inventive il est vrai :

Un complice de nos pieds nickelés enterre d'abord un trésor de pacotille dans le champ de paysans rustres. À leur insu. C'est alors que la fine équipe grimée en ecclésiastiques policés intervient.

Monsignore Bidone, installé dans une luxueuse limousine descend majestueusement en expliquant aux paysans qu'un criminel repenti veut racheter son âme, et donne au propriétaire du champ le ''trésor'' qu'il a enterré, mais celui-ci doit s'acquitter en échange du paiement de 500 messes à 1000 lires pour sauver le repenti des flammes de l'enfer !

Il faut comprendre qu'en Italie profonde, surtout il y a 60 ans, l’Église avait un pouvoir énorme sur la population très croyante, pieuse voire dévote. L'invention de l'escroquerie est géniale en soi car implacable ; l'avarice du paysan combinée à sa croyance religieuse font qu'il ne peut pas résister à l'attrait du trésor bidon. Un peu comme des militants politiques devant leur idéal politoc.

Le film commence donc avec cette arnaque sophistiquée et finit de la même manière, avec la même embrouille, la même voiture, une belle Lancia des années 30, le même scénario, le même décor de campagne italienne, mais tout est différent.

 

Beaucoup de choses se sont passées entre temps.

Parti en prison quelque temps pour vente de poudre de perlimpinpin en lieu de médicament à un malade, arrêté comme un meno di niente* devant sa fille désespérée ; il Bidone est bien seul à sa sortie de taule. Ne sachant quoi faire, il retrouve quelques comparses et tente le diable encore une fois, de trop.

*moins que rien

 

Des premiers protagonistes sympathiques, seul subsiste Monsignore Bidone, les autres sont des crapules patibulaires.

La voiture étincelante au début est couverte de poussière, la musique joyeuse est devenue sinistre. Même la route déserte et le paysage aride participent à l'inversion à 180° de la scène du début avec sa jolie route serpentant à travers les arbres. Les paysannes laides et avares du départ font place à un pauvre paysan qui a une fille du même âge que celle du Bidone, mais paralytique ! L'argent de l'escroquerie devant servir à acheter un boeuf pour éviter à l'autre fille du paysan de trimer comme une esclave dans les champs desséchés.

À la fin du premier larcin, une marche triomphale accompagne l'exploit des joyeux larrons, on suit leur retour à Rome et on est content pour eux, car ils ont dépouillé habilement deux vieilles femmes acariâtres et avares qui n'en mourront pas pour autant.

À la fin tout court, on ne peut pas croire qu'il Bidone va voler l'argent de ce pauvre type et de sa fille paralytique, c'est presque insoutenable.

 

Et ça, il Bidone le paiera de sa vie.

Mais je vais quand même pas vous raconter tout le film. Il est tellement riche en rebondissements et en définition claire de la complexité de l'âme humaine qu'on pourrait découper le scénario en rondelles, et faire une bonne cinquantaine de films avec.

Si vous ne l'avez jamais vu, sachez qu'il est en replay encore en ce moment sur Ciné Classic, mais il en manque un tout petit bout. Mieux vaut se le procurer ailleurs avant que la suppression de : ''è forte quel disgraziato ! '' se généralise.

J'avais enregistré ce film sur la même chaîne il doit y avoir 1 ou 2 ans, entre temps, la scène a été supprimée. J'ai repassé plusieurs fois la séquence et c'est certain, je n'en reviens pas. Ça signifie d'une part qu'une censure réelle existe, et que d'autre part des gens ont la possibilité de modifier comme bon leur semble une œuvre qui appartient clairement au Patrimoine Artistique du cinéma, avec un grand C.

 

Qui sont ces gens ?

Qui a fait ça et pourquoi ? Il n'ont rien d'autre à faire que de profaner des œuvres rares ? Certes l'artiste traité de disgraziato est noir, et alors ? C'est grave ?

Vu que la scène doit durer 2 ou 3 secondes, il faut vraiment connaître le film par coeur pour s'en apercevoir, il s'agit d'une censure subliminale en quelque sorte. Ce qui est assez inquiétant, c'est de voir que ce qui pouvait passer à la télé en 2014 ne passe plus en 2016.

On va où comme ça ? Je signale au passage au directeur des chaînes Ciné + que ; si on s'abonne à Ciné Classic c'est qu'elle nous permet de découvrir ou re-découvrir des films qui ne passent généralement pas sur les autres chaînes dites mainstream. Si même ici les films sont aménagés au goût politique du jour, cette dérive est déplorable, bref.

Il s'agit bien, n'en déplaise aux trolls de tous poils, anti-complotistes assermentés, d'un véritable complot anti-culturel, nuisant à l'intégrité sémantique d'un chef d'oeuvre du 7ème Art. Petit attentat sournois à l'intelligence, qui était certainement censé rester invisible...

C'est raté !

 

Démasqués les ciné-pudibonds.

Ben oui que voulez vous que j'y fasse, mon fond complotiste se réveille ; L'Obama Spirit est peut être passé par là ? l'acteur disgraziaté ressemblerait de loin à l'icône Omar Sy aussi, à Dieudonné ?

Non pas lui je sais.

Mais peu importe c'est un fait, des cuistres acculturés ont frappé, après Federico Fellini censuré, plus rien ne sera comme avant.*

*je viens de m'apercevoir que d'autres scènes ont aussi été supprimées, c'est pire que ce que je pensais, mais je ne vais pas refaire l'article, c'est le principe qui est important.

 

En ces temps troubles, en ces heures bien sombres de prolongation à durée indéterminée de l'état ''d'urgence'', pourquoi ne pas effacer aussi le sourire de la Joconde ? Et la relooker façon femen's feeling ; fuck god écrit sur le front, avec un peu de bave au coin des lèvres !

 

Affiche française :

 

En tout cas, toi qui a cisaillé il Bidone, sache qu'au moins une personne s'est aperçue de ton sabotage, crétin ! Tu n'as pas dû t'en vanter et fera bien de te cacher désormais, car maintenant quelques centaines ou milliers de personnes seront au courant de ta forfaiture inepte.

Tu ferais mieux de censurer tf1 (en entier), plus belle la vie, tpmp, c dans l'air, les jt aussi, mais pas sournoisement, avec mesquinerie, en enlevant des petites séquences par ci par là, comme un rat.

Non, il faut les supprimer complètement, allez ; courage : je sais que tu peux ! *

 

* Euh…

 



15 réactions


  • Clark Kent M de Sourcessure 26 janvier 2016 16:52

    Après avoir lu votre article, j’ai vite vérifié qu’il ne manquait pas trop de mots dans mes dictionnaires.

    Ça a l’air d’aller, mais je me méfie, ils sont capables d’en supprimer sans que je m’en aperçoice et refaire la pagination.

    Pour revenir à des choses plus sérieuses, il serait intéressant de savoir à quelles directives obéissait ce crétin, si directives il y a !

    Car les censeurs peuvent très bien être des minables zélés, comme les jumeaux de « good morning vietnam ». Ils interprètent les ordres à travers leur propre système de références qui est souvent très pauvre.

    On dit que le 6 mars 1953, le lendemain de la mort de Staline, le sort des prionniers s’est soudains amélioré en Union Soviétique. Les matons n’ont pas reçu plus de note de service qu’avant. Ils avaient pris sur eux d’appliquer ce qu’ils pensaient que l’on attendait d’eux et ont relâché la bride quand ils ont eu moins peur. Ca n’est pas une excuse, mais c’est une explication sur le comportement de pas mal de minables.

    • Piere CHALORY Piere Chalory 26 janvier 2016 16:58

      @M de Sourcessure


      Pour faire ça il faut déjà être un minable, au départ, quelque soit son grade social ! 

      J’espère que ce traitement est exclusif à la France. Qui plus est Fellini est mort, mais les ayants droits auraient tout à fait le droit d’attaquer en justice les responsables de cette amputation visuelle.

  • Piere CHALORY Piere Chalory 26 janvier 2016 16:52

    Bonjour, enfin presque bonsoir à cette heure,


    En regardant mieux, je me suis aperçu qu’il manque au moins 3 scènes, rien que dans une séquence d’1/4 d’heure, je me demande vraiment qui a fait ça, car jamais ce film n’a été découpé comme ça, c’est vraiment nouveau, la diffusion du film ’revu et corrigé’ datant d’une quinzaine de jours. 

    Peut être une tentative de jumeler le ’livret citoyen’ avec des films ’citoyenisés’ ?





    • poussière 26 janvier 2016 19:29

      Bonsoir,Ce qui est intéressant c’est de savoir pourquoi cette censure ? 


      Une piste à étudier :
      « Les hommes se regardent s’amuser, s’observent graviter dans des sphères sociales dont l’appartenance doit révéler aux autres leur propre valeur profonde. Avec l’apparition de la télévision, d’une société du spectacle que Fellini critiquera toute sa vie jusqu’à l’apothéose de Ginger et Fred, d’une culture américaine, c’est toute une morale protestante qui s’immisce dans la philosophie catholique italienne. » La critique du film, passionnante !

      Figurez vous qu’en zappant un dimanche matin sur « les jours du seigneur » (le titre a certainement changé), quelle ne fut pas ma surprise d’écouter une relecture de certains faits historiques chrétiens rematinés d’une apologie de la luxure. Je pense que la religion chrétienne telle qu’on me l’a enseignée, tout du moins ses valeurs catholiques, est définitivement morte.

      A noter en passant que la mort d’Ettoré Scola est passée inaperçue quand on nous a fait des critiques dithyrambiques sur la carrière cinématographique de Michel Galabru (paix à son âme).

      En parlant de censure je me suis aperçu que France 2 la pratiquait aussi à l’occasion d’une émission de Ce Soir Ou Jamais. Une intervention du sinistre Attali suivant un extrait des « raisins de la colère » avait disparu au redécoupage pour diffusion sur youtube et sur France2, Evidemment impossible de retrouver l’émission dans sa totalité.

      Je vous invite vivement à enregistrer la version amputée de Il Bidone, à vous procurer sa version complète (ça doit se faire assez facilement) et nous revenir avec un article factuel, inattaquable...

      La culture telle qu’on nous la vend se résume à des peopolatries régressives


    • Piere CHALORY Piere Chalory 26 janvier 2016 19:52

      @poussière


      Merci de votre long commentaire, j’ai déjà enregistré la version raccourcie, il me manque juste les 5 premières minutes. Mais j’ai déjà pu vérifier au moins 3 scènes supprimées, toutes dans le cabaret au début du film, mais il me faut une version entière pour comparer et voir ce qui a été supprimé exactement. 

      Mais c’est déjà certain qu’il en manque et que ce n’est pas dû à l’opération du St Esprit...

      Pour Galabru, c’était un bon acteur mais les films dans lesquels il jouait n’avaient pas grand chose à voir avec ceux de Fellini, Scola, Risi ou d’autres pointures du cinéma italien, qui est à mon avis, surtout les années 50 60, insurpassable.

      Lorsque on regarde Il Bidone et qu’on passe à un autre film, même bon, on mesure le gouffre qui existe entre Fellini et les autres réalisateurs. Même si je préfère la première période aux films suivants, tellement subjectivés, Fellinisés, qu’ils deviennent difficiles à suivre.

  • bakerstreet bakerstreet 27 janvier 2016 02:03

    J’ai vu ce film il y a très longtemps, et en fait, maintenant, il se confond dans ma mémoire avec tous les Fellini de cette époque, et même les Dino Risi. Une certaine énergie, l’ouverture à la modernité, sur fond de tradition aux abois, et d’immeubles qui poussent dans les périphéries...De vrais chefs d’oeuvre, en rupture avec le cinéma de papa un peu en France. Bravo à votre œil de cinéphile, mais les cinéastes devaient souvent déjà voir leurs œuvres souvent déjà amputés sérieusement à la sortie.

    Quand je dis qu’ils se confondent, c’est pas vrai finalement, j’ai un très bon souvenir du « cheik blanc », pas très connu, irrésistible, avec ses plans arrêtés pour représenter la fabrication d’un roman-photo, genre très prisé à l’époque..... et les « Vitollini », un humour caustique incroyable, et demi tragique, avec cette scène du jeune apprenti qui tente de sauter la femme de son patron...La sexualité est toujours traité un peu façon tragi comique chez les italiens, mais pourtant aussi avec une vénération sacrée. Ce qui fait que ça part un peu dans tous les sens, surtout celui du toucher. Je pense à certaines scènes d’Antonioni, celle où la moitié de la ville course une bellissima, comme si c’était « la vierge, la figure sacrée »
     « L’aventura » road rovie étrange, avec des plans somptueux, qui influencera tant de monde...Et Monica Vitti...le chef d’oeuvre absolu. On n’en revient pas que cette modernité date de 55 ans. Je ne parle pas de « la dolce vita » « le même esprit à demi désenchanté et jazzy que dans »le fanfaron« ...Ils se répondent tous, d’œillade en œillade...Ah cette scène d’introduction dans »la dolce vita "pendant le générique où l’on voit une statue du christ suspendu par un hélicoptère envolé au dessus de Rome, avec les types aux commandes qui matent les nanas en bikini se bronzant sur les terrasses en un long travelling... Et puis se Paparazzi traquant la star américaine, et dont le nom deviendra un générique....Il nous reste ces élixirs de jeunesse en ces jours un peu sombres et désenchantés, comme des bonnes bouteilles. 


    • Piere CHALORY Piere Chalory 27 janvier 2016 08:20

      @bakerstreet


      Toute une époque. Dino Risi commit lui aussi des histoires filmées comme personne, il Sorpasso, le Fanfaron est un modèle du genre avec le proto-macho italien incarné par Gassman, avec son klaxon multi-ton mythique qui réveillait à l’aube les honnêtes romains au volant de sa Lancia Aurélia sport ’à culasse rabotée’. Parenthèse, cette voiture a été construite à très peu d’exemplaires et coûte aujourd’hui entre 300 et 400 000 euros. Quand on pense qu’à la fin du film, elle finit scratchée au bas d’une falaise... 

      I Vitelloni (les petits veaux) est aussi extraordinaire, la poésie du simple d’esprit qui vole la statue d’un ange et lui parle comme à un être vivant. La Dolce Vita évidemment, le contraste exacerbé des pauvres et des riches, la banlieue des prostituées versus l’élégance des stars de l’époque, chromes rutilants des cadillacs, champagne qui coule à flot contre misère physique et morale.

      C’est surtout la mise en scène qui différencie ces films de la production standard, chaque image, chaque éclairage participe à la compréhension immédiate du sens de l’histoire.voulu, imposé par ces réalisateurs qui ont marqué leur époque. Dans la bande annonce d’il Bidone, le représentant de la firme Titanus qui produisait presque tous les films italiens de l’époque n’hésite pas à dire ’’ce film exceptionnel restera dans l’histoire cinématographique’’, ben oui, même si ça faisait partie de la promotion obligée, on peut dire qu’il ne s’est pas trompé.

    • Piere CHALORY Piere Chalory 27 janvier 2016 11:09

      Voilà exactement la même Lancia Aurélia B24 que celle du Fanfaron :


      Vendue en 2015 aux enchères par Sotheby, 313 600 Euros : 


    • bakerstreet bakerstreet 27 janvier 2016 12:50

      @Piere Chalory
      Bellissima ! « Le Fanfaron », est un véritable chef d’oeuvre, c’est vrai ; il n’y a pas un temps mort ! Une des meilleures scènes à mon avis est l’arrivée des deux héros chez l’oncle et la tante, totalement bourgeois et coincés du jeune homme, et qui vont tomber sous le charme du séducteur, ce fanfaron si rital !



    • Piere CHALORY Piere Chalory 27 janvier 2016 13:26

      @bakerstreet


      Oui le Fanfaron est inusable, indémodable, dans les années 90 j’avais un ami chez qui on mangeait des moules d’Espagne crues avec du vin blanc, à chaque fois c’était une sorte de rituel, on regardait le Fanfaron, et à chaque fois, on découvrait un nouveau truc, on a bien dû le regarder une trentaine de fois.

  • bakerstreet bakerstreet 27 janvier 2016 13:02

    Je crois que ce sont Fellini et Bunuel qui m’ont éveillé au cinéma, et à un certain esthétisme, et à une certaine réalité sociale. Gamin, nous allions c’était à la fin des années 50, mon premier choc a été de voir les Laurel et Hardy, au cinéma du village. J’en garde le souvenir d’un mélange de rire aux éclats, d’émerveillement, et de peur terrible. Car les enfants prennent tout au premier degré, s’identifient, et la vision de ces deux cloches travaillant de concert à la catastrophe me mettait dans un état épouvantable. Cela préfigurait les deux chocs que je reçu un an ou deux plus tard, car je me souviens très bien avoir vu « la strada », de Fellini en 61 ou 61, et « Los olvidados », de Bunuel à peu près à cette époque, où la télé vous permettait de voir en petit nombre des films qui venaient de sortir. Deux films cruels et immensément poétiques, qui jonglent avec l’esprit du mal, mais curieusement empathique avec les méchants, débordant du peu de nuances habituels. 


  • Chamiot 27 janvier 2016 18:16

    La censure existe également sur les objets que sont les livres !
    Il faut se méfier des rééditions qui peuvent être altérées pour répondre aux canons de la morale.
    A côté de tonnes de mises en garde, le texte lui-même peut subir des coupures... non signalées.

    Il est souvent possible de retrouver les éditions originales numérisées sur la Toile (en pdf par exemple) et un téléchargement (gratuit qui plus est) peut être plus judicieux que l’achat d’une version papier remixée au vent de la Grande Egalité.

    Je méfierais comme la peste d’un MK relooké et « expliqué »...

    Quid du nègre hilare qui ornait les boîtes métalliques de Banania quand j’étais gamin ? Les traits se sont affinés, stylisés. Le bonhomme est devenu à peine reconnaissable puis a disparu (l’Oncle Bens a subi le même sort).
    Et que dire des remakes de la Guerre des Boutons ou de Tom Sawyer...


    • Piere CHALORY Piere Chalory 28 janvier 2016 10:23

      @Chamiot


      J’ai aussi remarqué des altérations de sens, ou disparition de pans entier dans certains livres, des sortes de mises à jour un peu plus polititical-correctes, histoire de coller au meilleur des mondes actuel.
      Pour les ouvrages sulfureux, dont le plus connu est Mein Kampf, les pdf qu’on peut télécharger sont déjà édulcorés des phrases les plus gores que j’ai pu lire, dans des versions papier d’époque.

  • Piere CHALORY Piere Chalory 28 janvier 2016 23:00

    Après renseignements, le film original durait 2 heures, 120 mn. 


    Après s’être fait éreinter par les critiques scandalisés de l’époque, le producteur a décidé d’enlever les scènes les + scabreuses et le film est passé à 105mn. La version intégrale semble impossible à retrouver. Si quelqu’un a un tuyau...

    La plus complète qu’on peut trouver aujourd’hui dure 1h 48mn. Et, celle diffusée sur Cine Classic en ce moment dure... 1h 26mn ! 

    22 minutes enlevées ! 

    C’est un véritable carnage, même la scène du début est amputée de moitié, bref j’ignore qui a fait ça mais c’est vraiment n’importe quoi !

    Pour ceux qui lisent l’italien, des détails sur le tournage ici :

    file :///C :/Users/Draknoff/Desktop/Federico%20Fellini%20-%20Le%20livre%20du%20film%20-%20Tullio%20Kezich%20-%20Google%20Livres.html

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