mardi 10 janvier 2006 - par oldtime

Jeremy Narby : ambassadeur de l’intelligence naturelle

L’anthropologie contemporaine nous propose une vision universaliste de l’intelligence, les êtres humains n’en sont plus les simples dépositaires : les plantes, les moisissures, mais aussi l’évolution ont quelque chose à nous dire sur le fonctionnement de l’intelligence naturelle...

" Pour un être humain comprendre la biosphère est sans doute aussi compliqué que pour une fourmi comprendre New York " - Jeremy Narby

Après avoir longuement enquêté sur le savoir chamanique en Amazonie, l’anthropologue Jeremy Narby nous convie, dans son dernier ouvrage, à un voyage scientifique sur l’intelligence naturelle ! Il nous avait appris précédemment que les plantes se sont toujours préoccupées de notre santé comme de "grands-parents s’occupent de leurs petits enfants, même s’ils sont méchants".

Les plantes altruistes de l’information

Les plantes sont des altruistes de l’information ! A cet égard, la technique chamanique fait quelques propositions centrales : l’intelligence de la nature permet de communiquer avec elle, et sous l’apparente diversité des êtres se trouve une unité qui les relie les uns aux autres. Ces données se retrouveraient aujourd’hui dans le savoir scientifique contemporain. Ainsi, le biologiste anglais Anthony Trewavas a démontré la similitude entre les signaux moléculaires que les cellules s’envoient et ceux que nos propres neurones utilisent lorsque nous parlons. Bref, ce type de découverte remet au goût du jour les pensées de type animiste. Et de nous confier le fait que la moitié des gènes contenus dans le génome de la banane ont des correspondants dans le génome humain. Bref, pour moitié, notre "livre" constitutif de nos protéines est équivalent au fruit si apprécié par nos amis les singes !

L’intelligente moisissure

Une autre découverte scientifique récente nous montre l’intelligence de la moisissure unicellulaire. Ce type de cellule est particulièrement adapté à la complexité du labyrinthe. Ainsi, le chercheur japonais Toshiyuki Nakagi a découvert que la moisissure a suffisamment d’intelligence pour trouver le chemin le plus court entre l’entrée et la sortie d’un labyrinthe, bref, pour ce type d’exercice, la moisissure serait supérieure à l’intelligence humaine ! Le savoir scientifique contemporain est en train de rattraper, ou plutôt de mieux appréhender, le savoir chamanique qui a déjà quelques millliers d’années de pratique, et de commencer à comprendre l’intelligence biologique qui a quelques milliards d’années d’existence ! A cet égard, la molécule d’’ADN n’aurait pas changé en quatre milliards d’années, alors que son "intelligence" a pu engendrer des milliards de forme : de la moisissure jusqu’à l’être humain !

L’évolution : la métamorphose spectaculaire

L’évolution est donc un perpétuel spectacle de métamorphoses. Pour Jeremy Narby : "c’est le processus évolutionnaire lui-même qui est intelligent." Ce qui renvoie dos à dos les protagonistes d’une évolution comme hasard total ou chaos aveugle, et les partisans d’une méta-intelligence planificatrice ! C’est donc cette intelligence de la nature qu’il faut commencer ou recommencer à comprendre, et ceci du fond de nos propres cellules ! L’anthropologue nous propose donc, pour nous écarter de nos mots savoir et connaissance, trop usés, d’utiliser l’expression japonaise "shi seï", plus adéquate pour exprimer une capacité à savoir.

(A lire : Jeremy Narby, L’intelligence dans la nature, Buchet Chastel)



15 réactions


  • HKac HK 10 janvier 2006 12:32

    Bonjour,

    Votre article est tout à fait captivant. Cela me fait penser aussi à l’« hypothèse Gaïa ». Je suis d’accord avec les idées que vous relayez et sur la notion d’intelligence collective. D’ailleurs, on peut aussi citer l’ouvrage de Joël de Rosnay, « L’homme symbiotique » qui se rapproche de ce genre de conceptions.

    Autre exemple d’intelligence animale : les fourmis, abeilles, termites et autres insectes sociaux. Savez-vous que face à un obstacle, une fourmi trouve toujours le chemin le plus court pour le contourner ? Elle trouve ce chemin le plus court non pas parce qu’elle est seule mais parce qu’elle existe collectivement. Les fourmis laissent des traces chimiques sous la forme de dépôts de phéromones. Plus l’odeur est intense, plus le chemin à prendre est pertinent. Plus il y a de passage à un endroit, plus l’odeur de phéromone est intense et la boucle est bouclée. Alors la pauvre fourmi qui s’égare du droit chemin est la seule à laisser sa petite trace chimique qui sera trop faible pour convaincre le collectif des fourmis à emprunter son chemin. Une fourmi n’existe pas, c’est la fourmilière qui existe. Alors à quand « l’homme n’existe pas, c’est l’humanité qui existe ? ». Mais là je redeviens idéaliste. Bonne continuation et merci pour l’article. Bonne journée à tous.


    • J.oldtime (---.---.224.225) 11 janvier 2006 10:44

      En effet votre réflexion incite à mieux penser les modalités d’articulation entre l’individu et la collectivité, bref à dépasser cette dichotomie pour mieux nous comprendre et grandir en humanité ! Cordialement


  • Adam (---.---.143.129) 10 janvier 2006 13:31

    Lire aussi

    « Par-delà nature et culture » de Philippe Descola

    (pour prendre un peu de recul)


    • J.oldtime (---.---.224.225) 11 janvier 2006 10:46

      En effet l’ouvrage que vous conseillez pourrait devenir une réference incontournable pour mieux appréhender notre type de pensée comme inédit face à l’Histoire de l’Humanité ...

      Cordialement


  • Alexandre Santos (---.---.183.51) 10 janvier 2006 19:15

    Je tremble lorsque je sens poindre autant d’anthropomorphismes à propos du monde naturel.

    Non, les plantes ne se préocupent pas de nous et de notre santé. Elles ne verseraient pas une larme si l’humanité n’avait jamais existé, ou qu’elle cessait d’exister. Elles ne seraient pas non plus contentes, ou rassurées.

    Donner des émotions aux plantes peut sembler un témoignage d’amour, mais cela reste un mensonge et quelque part insultant (à l’égard de l’arbre). Je préfère aimer un arbre pour ce qu’il est, cad fondamentalement non humain et différent : un arbre, plutôt que de réduire l’arbre à quelque chose de vaguement humanisé. N’y a-t-il que les humains ou les caractéristiques humaines qui méritent l’amour ?

    Par ailleurs l’utilisation du terme intelligence est vraiment osée. Il est vrai que l’absence d’une définition précise de l’intelligence le permet, dans l’absolu. Nous savons tous que l’eau est très douée pour trouver tout orifice dans son contenant. On pourrait même parler d’une capacité géniale à trouver la sortie instantanément. Quelle pharamiseuse capacité à résoudre ce type de « labirynthes » !! Faudrait-il gloser sur l’intelligence de l’eau, ou plutôt s’intéresser à la théorie de la gravitation, la physique des fluides, et ainsi de suite ?

    En ce qui concerne cette moisissure super-intelligente, elle l’est encore plus, vu qu’elle est capable de faire de milliers de réactions chimiques super compliquées et même de produire un être à son image (Dieu est-il une moisissure ?)

    En y réflechissant, moi aussi je suis super intelligent, je suis capable de produire des sucres, lipides et proteines diverses rien qu’en me baffrant de McDos. De plus, avec la coopération d’une volontaire, je pourrais même créer un humain plus ou moins à mon image ! Je suis super génial, à moi le Nobel !

    Le problème de donner des noms vagues et faussement familiers aux phénomènes que l’on observe est qu’on s’entoure par toute sorte d’idées préconcues qui, même si bien intentionnées, nous aveuglent.

    Respectons la moisissure, ne lui infligeons pas tout de suite une supposée intelligence (pensée), mais aprenons avec elle comment elle évolue dans ce labyrinthe. Peut être qu’elle a quelque chose de mieux que l’intelligence à nous apprendre (pourquoi penser que l’intelligence serait en définitive le nec plus ultra ?)

    Par contre, avec la phrase « c’est le processus évolutionnaire lui-même qui est intelligent. » Jeremy Narby abandonne tout crédit scientifique. Pourquoi ne pas parler directement d’« Intelligent Design », comme les fondamentalistes chrétiens américains ?


    • J.oldtime (---.---.224.225) 11 janvier 2006 10:38

      En effet le terme intelligence demanderait à être mieux explicité, plus approfondi que dans un simple cadre journalistique, quant aux plantes, il suggère ici notamment l’extraordinaire pouvoir des plantes médicinales, mais aussi des diverses plantes comestibles qui nourrisent notre corps et donc notre esprit. L’eau est une magnifique métaphore d’une grande intelligence, ou d’une grande sagesse ! C’est une conception de la philosophie chinoise classique. Dieu comme moisissure ou comme algue est aussi une belle interrogation je me la suis déjà posée . (Cf mon Blog l’article : Pourquoi l’algue bleue a produit l’énergie nucléaire ?). Quant au processus évolutionaire, il n’a pas l’air si stupide qu’on pourrait le penser à priori, vous en êtes la preuve vivante.

      Cordialement


  • sergeï (---.---.4.102) 12 janvier 2006 15:37

    Un jour, j’ai fait une expérience vraiment idiote dans un jardin. J’ai posé deux escargots sur la planche d’une balançoire d’enfant pour voir comment ils allaient se débrouiller pour rejoindre le sol à environ une ciquantaine de centimètres plus bas. Je me suis dit : vont -ils grimper le long de la corde et redescendre le long du portique ? Oui je sais, il faut vraiment n’avoir rien d’autre à foutre pour s’amuser à cela mais bon... Et vous, qu’auriez vous fait si vous étiez un escargot ? Ne trichez pas en lisant la suite...

    Et bien, à ma grande surprise, ils ont procédé de la manière suivante : l’un des deux est monté sur le dos de l’autre et, par un effet de bascule, ils se sont retrouvés au sol ...le raccourci était trouvé... Alors, elle est où l’intelligence ?


    • J. vieuxtemps (---.---.224.225) 12 janvier 2006 16:25

      Votre histoire est à peine croyable, je ne savais pas que les escargots étaient créatifs ... un écart et go, la bascule ! En tous les cas, il y a ici une véritable intelligence de l’expérience, pas si idiote que cela !


    • HKac HK 12 janvier 2006 17:10

      Bonjour,

      Intéressante votre observation. Du coup, on peut se poser la question suivante pourquoi l’intelligence serait-elle le seul monopole de l’espèce humaine ? Ne peut-on imaginer qu’il y ait différentes formes d’intelligence y compris animales. A moins que ce soit de l’instinct ? Mais finalement, même l’intelligence humaine, ne serait-elle pas un instinct particulier qui a évolué en même temps que l’humanité ? Bonne journée à tous. HK


    • jcm (---.---.59.105) 13 janvier 2006 09:29

      Cette seule expérience avec des escargots ne permet malheureusement aucune déduction : il faudrait la répéter avec 1000 ou 10 000 escargots...

      Difficile, donc, d’évaluer l’intelligence de l’escargot à moins que dans ce cas ils aient ouvertement utilisé une table de logaritmes pour déterminer leur comportement...

      Plus sérieusement ne peut-on dire que, pour tout être vivant, le comportement est un compromis entre hasard et nécessité ?

      Hasard biochimique qui fait qu’aujourd’hui je me souviendrai sans hésitation du nom de ceci ou cela et que demain je chercherai ce nom une heure durant sans le retrouver, hasard biochimique qui permet à la moisissure, par approximations successives, de déterminer un plus court chemin sans qu’il soit nécessaire de mobiliser un système logique de planification de son extension dans un dédale ?


  • sergeï (---.---.4.102) 13 janvier 2006 11:41

    Mon expérience pourrait facilement être reproduite 10000 fois pour établir une statistique ! C’est juste une question de patience ... En fait, cette expérience a surtout eu pour effet de me donner cette étrange intuition de l’intelligence universelle et naturelle dont il est question dans ce sujet. Mais il s’agit uniquement d’une intuition, ça n’a rien de scientifique. Je pense qu’il faudrait en réalité prendre le problème dans l’autre sens : non pas essayer d’examiner si la nature peut se conformer à la représentation que nous nous faisons de l’intelligence humaine mais bien si cette représentation, qui est un objet propre à notre culture, est si pertinente que celà. La notion d’intentionalité par exemple commence à être remise en cause et on s’aperçoit que, en réalité, certaines décisions d’agir sont déjà prises par le corps avant que la « décision » ne parvienne à la conscience. Bref, il y a vraiment une révolution conceptuelle à faire et nous ne sommes pas au bout de nos surprises


  • antoine (---.---.153.97) 4 août 2006 03:30

    bonjour a tous. Si quelqun pouvait me dire comment contacter Jeremy Narby, je lui en serrait fort reconnaissant car apres avoir essayer plusieur dite adress email je nai essuyer que des echec. merci d’avance !


    • Laurent (---.---.143.32) 11 novembre 2006 15:25

      Mon frère connaît Jérémy Narby. Contactez-moi et je vous mettrai en relation avec lui


    • lunchien 18 juin 2007 19:46

      bonjours a tous,je ne comprend pas bien le fonctionement de ce forum...mais moi aussi je cherche deseperement a contacter jeremy Narby !!! j ai juste reussi a envoyer un mail a yann kounen, et il ne m as toujours pas repondu...il dit que cela peu prendre beaucoup de temps mais qu il le fait quand meme... je m adresse a la personne dont le frere connais jeremy ! comment puis je te contacter ? mon email : [email protected]


  • Laurent (---.---.143.32) 11 novembre 2006 15:24

    Je suis en train de lire « Le Serpent cosmique » de Jérémy Narby, je trouve cet ouvrage tout à fait révolutionnaire dans sa manière de rapprocher les traditions chamaniques et la science... Après une telle lecture, votre vision du monde ne sera plus jamais la même ! Il fallait quelqu’un de sincère et de curieux comme Narby pour se débarrasser de ses oeillères en enquêtant sur l’incroyable connaissance médicinale de ces tribus transmise par les plantes hallucinogènes. AU risque de se mettre la communauté scientifique sur le dos. Mais il y a certains constats dans ce livre tout à fait troublants, notamment le lien entre la structure de l’ADN et la représentation omniprésente du serpent dans les cultures dite « primitives ». A lire de toute urgence.


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