jeudi 6 janvier 2022 - par C’est Nabum

La Grande Descente

 

La vignerie d'Embraud

 

Il est un endroit où trois provinces se réunissent en bord d'Allier. Au loin, du Berry voisin, de la Bourgogne lointaine et du Bourbonnais sur l’autre rive, les coqs chantent à l’unisson leur amour de ce beau pays. Un autre personnage aime par dessus tout cet endroit qui jadis fut un vignoble. Il se trouve qu’il est amateur de vin, qu’il est connaisseur tout autant que gourmand. C’est là qu’il est venu poser son baluchon, lui qui a décidé de descendre l’Allier et la Loire sur un frêle esquif.

Il est venu demander asile pour la nuit. Il se trouve que l’hospitalité est une règle et un principe de vie en ce lieu merveilleux. L’ami Georges y est reçu en seigneur, à la différence notable que la simplicité demeure la ligne de conduite que se fixent ses hôtes. Si la porte est toujours ouverte, chacun doit mettre la main à la pâte tout en apportant sa pierre à la réalisation de cette belle utopie.

Georges n’est pas homme à reculer devant un service. Il se démène pour être utile, contribuant ainsi à la qualité des accueils suivants. Puis, après s’être multiplié en tous lieux, pour lui vient le moment de se réconforter par un bon repas au menu simple et roboratif, tel que savent le préparer les gens d’ici. La soupe trône à la place d’honneur ; elle indique que la tradition ne doit pas mourir et qu’il n’est pas de bonne table sans une marmite dans laquelle lard et légumes ont mijoté toute la journée.

C’est alors que pour honorer leur visiteur, les Chavans lui proposèrent un vin de pays, un Saint-Pourçain qui fit basculer la soirée dans un autre monde. Georges en fin gourmet apprécia le breuvage sans doute un peu plus que de raison. Il en but quelques verres : « quand on aime vraiment, on ne compte pas », se plaisait-il à dire à ses hôtes hilares.

La tête, en dépit d’un repas copieux, finit par lui tourner. On ne peut s’en étonner : la nature réclame ses droits, souvent bien plus vite qu’on croit. Georges avait grand besoin de prendre l’air. Il sortit de la ferme pour descendre jusqu’à la rivière, jouir de la pleine lune et des reflets qu’elle offre à l'onde chatoyante. Est-ce ce spectacle qui le fit basculer dans l’irrationnel ou bien les effluves de ses libations ? Nul ne le saura jamais …

Georges alla jusqu’à son canoë, ouvrit son bidon étanche pour en sortir sa combinaison en néoprène. Il se dévêtit pour endosser cette tenue légère et seyante. Notre ami est quelque peu engoncé mais qui viendrait lui en faire grief ? Il est de rigueur de ne pas juger les amis sur leur physique : il convient de respecter ce principe.

Georges, encore embrumé par les vapeur d’alcool, se jette à l’eau. Le voyage il le fera à la nage, de nuit pour jouir de la quiétude magnifique qu’on goûte alors au milieu de la rivière. Il décide de se laisser porter, de descendre les flots mais aussi tous les vins qui jalonnent Allier et Loire. L’eau la nuit, le vin de jour, voilà une avalaison qui est de nature à réjouir cet hédoniste.

Sa première nuit de natation est pour lui l’occasion de retrouver ses esprits. Plus il file au gré des flots, plus sa détermination à mener à son terme son étrange voyage se renforce. Non seulement, il a retrouvé sa lucidité mais en plus, il est porté par l’euphorie du spectacle qui se présente à lui et le désir de boire sans retenue tous les vins de Loire.

Sa première étape a lieu à au Bec d'Allier, là où la Loire et son frère jumeau se mêlent en un somptueux décor . Le bruit a circulé parmi ses amis ligériens que ce joyeux drille s’est lancé dans cette folle aventure. Qui a ébruité la chose tout en dévoilant les intentions du nageur œnologique ? Cela restera à jamais un mystère.

Toujours est-il qu’un certain Bibi, grand connaisseur des eaux tout autant que des vins, s'en vient à sa rencontre au petit matin alors que notre nageur intrépide a dormi quelques heures sur une grève tranquille. Il a eu vent de sa grande avalaison et souhaite réparer les quelques oublis que son point de départ a occasionné. C’est ainsi que le fier marinier lui apporte des côtes du Forest et des côtes Roannaises ; breuvages certes méconnus mais qui méritaient de figurer sur la carte des vins du nageur

Nos deux lascars après avoir bu plus que de raison, s'assoupissent jusqu’à la nuit tombante. C’est quand les premières étoiles apparaissent que Georges remercie chaleureusement son compagnon et reprend son chemin sur l’eau. Les étapes à venir vont lui occasionner quelques crampes : il entre dans le royaume du vin blanc. Il se promet de ne pas pousser le bouchon trop loin et de garder toujours en tête la ligne de flottaison en jouant de la plus extrême modération, selon naturellement les critères des gens de Loire, tous plus larrons en foire les uns que les autres.

Ce sera une promesse en l’air. Son projet reste vain, la tentation est si grande dans cette partie du parcours et les étapes si courtes, qu’il s'abreuve sans modération de ces vins les meilleurs. Il y a d’abord le plus méconnu de tous, le vin de la Charité, ce blanc confidentiel issu du Chasselas. Voilà une entrée en matière surprenante avant de plonger dans le royaume du Sauvignon.

Débute alors son chemin de croix ou bien de choix. Chacun jugera de l’appellation qui lui sied ! Ses jours sont faits de Pouilly fumé, de coteaux du Giennois, de merveilleux Sancerre tandis que ses nuits deviennent des lentes descentes parmi les castors. Il est heureux, en totale communion avec la rivière. Il la boit le jour, la descend la nuit. Quel bonheur ! Il se rappelle avec émotion que, tout gamin, il admirait ce mur à Saint-Jean-de-Braye où figuraient toutes les appellations de notre Loire. Il déplore comme beaucoup d’entre nous qu’on laisse à l’abandon ce témoin de notre culture. Mais nos amis les élus, n’ont pas le souci du symbole quand il s’agit de défendre notre Loire.

Il fait justement son entrée dans les vins de l’Orléanais. Jadis prisés par les rois, le blanc, issu du Chardonnay et le rouge, fait de Cabernet, de Pinot et de Gris Meunier ont connu une longue éclipse. Quelques Pionniers souhaitent leur redonner vigueur en obtenant le sésame de l’AOC. Hélas, les mauvaises récoltes à répétions, les intempéries : le gel, la grêle, les pluies diluviennes ont provoqué la fermeture de la cave coopérative. Heureusement, quelques vignerons obstinés continuent à produire en dépit de conditions financières incertaines. Ils viennent les bras chargés à la rencontre de notre nageur qui se délecte de leurs offrandes …

La route ne fait que commencer. Georges s'enivre le jour, nage dans un océan de félicité la nuit. Le choix de son moyen de locomotion le met à l’abri des petits hommes bleus à la pipette. Voilà un souci de moins pour notre intrépide avaleur. Il peut se trouver entre deux vins sans être importuné par les tenants de la prohibition moderne. Il a biché le cul de la bouteille d’or au départ de son périple, échappant ainsi aux foudres des pourfendeurs de Marianne. L’essentiel est ailleurs : il se trouve en symbiose avec la rivière et ses hôtes qui la nuit ont une activité débordante. Georges s'émerveille à chaque brasse de la magnificence de la rivière.

Le Loir-et-Cher s’offre ensuite à son inépuisable appétence. Le vin de Cheverny, le Cour Cheverny lui font entrevoir la vie de château. Il entre maintenant dans la vallée des rois : il y déguste jusqu’à plus soif Vouvray, vin d’Amboise et de Montlouis. La Touraine en pleine gloire pétille pour lui de mille nuances. Rouge, blanc et crémants s'invitent à son menu diurne et la Loire se fait capiteuse pour ses nuits en immersion.

Il arrive à l’embouchure du Cher. Des mariniers de Savonnière lui portent des vins de leur rivière, du Menetou, du Reuilly et du Quincy du Valançay sans oublier les leurs. Il fait halte chez son ami Alexis pour cuver cet excédent de merveilles. Il s’offre une nuit entre deux eaux, ronflant comme un sonneur et récupérant de tous ses efforts. Partant chaque soir avec la gueule de bois, il se préserve ainsi de la noyade. Un repos salutaire : même si son haleine reste chargée, il se sent plus léger pour poursuivre son périple viticole.

 

 

 

La route est longue encore. Le courant le porte désormais sans le moindre effort, lui permettant de jouir pleinement d’un environnement toujours différent, sans cesse renouvelé et surprenant. Il a devant lui, bien des délices à boire jusqu’à la lie. Il nage de mieux en mieux et c’était heureux car il boit de plus en plus. Ses jours sont chargés, ses nuits lui accordent ce répit qui permet de poursuivre l’épreuve en toute sérénité. Le ciel pour témoin, la nature endormie lui accorde somptueux cortège. Les animaux sont ses compagnons et jamais il ne se sent moins seul que durant ces longues heures de natation ligérienne.

On l’attend de gosier ferme pour l’honorer des vins du terroir. Georges se fait désormais l’ambassadeur des vins de Loire, tastevin et brasse-bouillon. Partout il est attendu de verre à pied ferme. D'un saut de puce, il rejoint Édouard, l’homme aux vins d’argent et de nos amis de la dive bouteille : Jean Marie et Géraldy. Bourgueil et Chinon lui font la fête. La tête lui tourne, l'influence de la Vienne sans doute qu'il ne va pas tarder à rejoindre. Il se trouve en territoire d’abondance, il boit le vin au calice !

Il entre dans l’histoire et dans les premiers rouges de notre légende. Saint Martin avait fait des miracles et son âne plus encore. La toue de l’ami Denis et ses vins délicieux, nouvelle escale délectable à l’ombre du château de Montsoreau. Saumur l’attend. C’est là une épreuve plus redoutable encore. La rivière s’y fait large et le vin plus abondant et varié que partout ailleurs, Il s'incruste dans les caves des bandits de grand Chenin qui lui ouvrent leurs caves percées dans le tuffeau. Les pieds contre la muraille, pour récupérer de ses efforts, il se régale du clos des murs et des vins de Saumur que le gars Vincent lui a préparés.

Plus loin, les vins du Layon qui lui arrivent par le Thouet, sont pour lui douce sucrerie. Souvent, à l’embouchure des petites rivières ou des grands affluents, il trouve sur sa route un vigneron ou bien un ami qui l’attend pour partager avec lui la fierté de la production locale. Belle occasion d’une halte gourmande dont la vallée de la Loire a le secret. Georges se régale le jour, se goinfre d’émotion et de splendeurs la nuit. Il est le plus heureux des hommes.

Il descend à la nage et plus il descend plus il boit. Rassurez-vous, ce n'est que du bon, de ceux qui ne fait jamais mal à la tête. C’est ainsi que, dans une forme resplendissante il découvre les vins d’Ancenis, de la Malvoisie et de Jasnière, le Muscadet et le Gros Plant. Si le vin est toujours aussi délectable, l’eau de Loire a désormais un petit goût de sel qui le dégrise bien vite. C’est à Mauves qu’il renonce à son périple, il est grand temps : notre nageur est passé au rouge sur sa trogne.

Il sort de l’eau quand un bon samaritain vient jusqu’à lui. Valéry lui propose un vin chaud. Ce breuvage lui rappelle la soupe par laquelle tout avait commencé. Georges a accompli son pèlerinage. Une longue procession dont les étapes sont de vins. De quoi voir l'avenir en rose ! Bien des Ligériens aimeraient faire comme lui. Si l’idée est tentante, il faut se jeter à l’eau, ce qui dans ce royaume des barriques est des plus contradictoires. Il n’a pas à regretter sa folie. Il s’est grisé autant de vin que de merveilleuses rencontres. Il a communié avec la nature en célébrant le sang du Christ et l’œuvre de son père. Il en sort ébloui et bouleversé.

Il retournera chercher son canoë ; désormais, il est intronisé ambassadeur de Loire, accueillit comme un roi partout où il se rend à grands coup de canons. Sa mission consiste dorénavant à lutter pied à pied contre ceux qui manquent de respect, d’une manière ou d’une autre, à notre rivière et ses vins légendaires. Il y a tant à faire ...

Quant à vous, qui voudriez singer son exemple en vous contentant de suivre le trajet de la Loire à vélo, oubliez cette idée surtout si vous avez recours à l'assistance électrique. Préférez donc l'authenticité en embarquant sur une barrique afin de vous laisser porter au gré des flots. Votre radeau vous conduira de vignobles en vignobles sur notre Loire, la plus belle des rivières à vin. La modération n’est guère de mise au pays de Rabelais. Veuillez pardonner nos excès et lever vos verres à notre santé mentale défaillante !

À contre-jour.



7 réactions


  • juluch juluch 6 janvier 2022 21:52

    Un sacré voyage de libation et libérateur spirituel !!


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 7 janvier 2022 07:59

    C’est le paradoxe du déluge : le nettoyge par les grandes eaux du spiritueux. Noé se prit une cuite magistrale et ses fils le trouvèrent (...) nu. Seuls Japhet et Sem le recouvrèrent. Ce qui donna un prétexte au blancs autoriser l’esclavagisme de noirs : des barbarbes incestueux.... 


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 7 janvier 2022 08:14

     Bloquée par Dugué j’aimerais donné mon point de vue. La mort au tarot est aussi d’une naissance. Nombre 4, 40, 400. Le premier cube (carré de deux). L’enfant reste 40 semaine dans le ventre de sa mère... avant le déluge ou ou la descente des eaux.... Comment ne pas faire le lien avec la quarantaine, le confinement. Durée du déluge : quarante jours. La mort est la 13ème carte (1 plus trois égale 4). La mort dans la torah hébraïque est liée au chiffre 40. Les cycles des mort renaissances de l’histoire sont de 400 ans. Alors tout le monde, cessez de plaindre. Voici mon avis : Bloquée par Dugué qui parle de la fin de la civilisation. J’aimerais dire ceci. Ceux qui se révoltent contre le confinement, la quarantaine (très symbolique dans la bible), l’état totalitaire devrait prendre conscience que notre reste de civilisation avait déjà touché le fond. Que la perversion était en train de ronger toutes les racines de notre socité : mariage pour tous (désacralisant l’alliance des opposés), GPA, PMA, manipulation illégale et frauduleuse de l’argent, homo oeconimicus, la conssumérisme de la grande bouffe et j’en passe (où est le bec et d’autres ont fait le bilan...) Qui a résisté contre la descente aux enfers : hum : 3, 4 millions de français... tout au plus... Coupables de ne pas avoir vu le déclin éthique. Alors, s’il vous plaît, cessez maintenant de vous plaindre : la note est là. Vous n’avez rien fait pour l’empêcher. Perso, ces limitations ne me gênent pas. La vie a toujours été cyclique... Ne culpabilez sur les propos de Macro. IL est le premier « irresponsable ». Un irresponsable n’a aucune autorité sur vous. 


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 7 janvier 2022 08:24

    Et l’année 22 du 2ème millénaire donne 4. C’est LE FOU (le TAV ou TAU). Nombre 400. Omicron-OMEGA... Intéressant car la mort au tarot est liée au signe du TAUREAU. Pourtant le Taureau est symbole de sensualité de vie, de jouissance, de luxure (venus lune)....mais aussi d’excès. HATHOR (ISIS ou la reine vache avec des cornes). Ou ISHTAR la grande prostituée de Babylone.... LE TAU reau, c’est autant la frugalité (Saint-FRançois d’Assise) que l’exces de matérialisme.... Le taureau, c’est la maison 2 : l’argent.........explosion de cas de goutte et de diabète... Comme quoi, trop de vie frôle avec la MORT... GPA des millions de petits bébés... HUBRIS... dans la matrice...


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 7 janvier 2022 08:40

    Guerre QUARANTE : 2020 moins 80 : 1940. 1940 plus 40. 1980 : Début du déclin : Mythe ERRANT. 2020 : COVID. Hitler : signe du TAUREAU. 1940 : URANUS en TAUREAU. Comme aujourd’hui.....


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