mercredi 26 décembre 2012 - par C’est Nabum

Le mystère de la langue

La Bonimenterie de Chouzé

Vidéo en contre point

La Loire source de toute chose.

Il était un temps si lointain que nul ne peut en témoigner de nos jours. Le monde n'était pas soumis aux mêmes forces que celles qui animent notre planète aujourd'hui. Les lois de la physique ne répondaient pas aux mêmes règles. Ainsi, les eaux ne coulaient pas sous les ponts qui d'ailleurs n'existaient pas. Seuls les mages, les fées, les sorcières et les elfes vivaient alors au bord de notre rivière nourricière.

Nous sommes en un lieu que l'on nommera par la suite le Val d''Or. Les hommes pour y commémorer ce que je vais vous conter y bâtirent ensuite la Basilique de Fleury. Des forces mystérieuses y célèbrent le mariage de la lumière et des eaux de la Loire.

Mais alors, en cette époque reculée, bien au-delà des hommes, nul mouvement dans les eaux comme dans le ciel. Un paysage figé, une immobilité parfaite de carte postale. Merlin ne pouvait plus supporter ce qu'il prenait pour une absence de vie, une image factice. D'autres prétendaient vivre au paradis, c'est sans doute parce qu'on n'y manquait de rien. Mais la vie suppose des envies et des frustrations, des désirs et des refus. Il fallait mettre un peu de mouvement dans ce décor figé.

Merlin eut alors géniale intuition. Rien ne bougeait en cet Éden magnifique car les choses n'étaient pas nommées. Il prit alors sa baguette magique et d'un geste solennel entreprit de donner un nom à tout ce qu'il voyait. Chaque partie du décor ainsi désigné se mettait à se mouvoir au gré du vent et des eaux. Car, en bon ligérien qu'il était, c'est la Loire que Merlin baptisa en premier.

De ce jour mémorable d'entre tous, des noms désignent toutes les plantes, les animaux et les idées qui venaient à notre mage en regardant son œuvre. Arbres, fleurs, insectes, poissons, nuages, paysage, chacun avait son appellation et tout semblait prendre de la vie.

Pourtant bien vite, Merlin comprit qu'il manquait encore quelque chose. Que s'il y avait mouvements et variétés dans ce décor en évolution, il semblait lui manquer un peu de fantaisie, un souffle de volupté. Rien de nouveau n'apparaissait. Après quelque temps, quand il eut finit de constituer son lexique initial, il ne se passait plus rien de neuf et de surprenant.

Merlin réfléchit longuement. Il fallait apporter un petit brin de folie, un désir qui venait du plus profond de chaque chose. C'est une petite fée friponne qui lui souffla dans le cou ce petit frisson qui le mit dans le droit chemin. Il créa alors des petits mots qui, placés devant les noms, leur donna un genre et un nombre. Voilà une idée fort singulière et si déterminante. Il y avait des garçons et des filles, du désir et des attirances. La vie pouvait prendre un tout autre essor.

Une fois encore, après une longue période d'euphorie et de volupté, Merlin comprit que sa création manquait encore de vérité. Si les mouvements et les amours étaient désormais partie intégrante du décor, il lui semblait que rien ne changeait, que tout restait en l'état. Il manquait des différences, des variations, des débuts et une fin. Mais comment s'y prendre ?

C'est en observant la Loire qui n'est jamais tout à fait pareille, tout à fait la même qu'il se dit qu'un mot devait se parer de mille et une facettes. Son monde avait besoin de nuances, de couleurs et de caractère. Il créa, pour notre plus grand bonheur l'immense troupe des adjectifs. Il y avait des plus jeunes, des plus vieux, des moins gros, des plus grands, des lestes et des balourds, des gentils et des méchants …. La vie était désormais pleine de surprises comme de déceptions.

Encore une fois Merlin n'était pas encore tout à fait satisfait de son œuvre. Si de ses yeux, il assistait à un merveilleux spectacle, il ne parvenait pas trouver tous ses mots. Il lui fallait une autre catégorie de termes pour décrire le mouvement. Contrairement à ce que prétend la bible, c'est Merlin qui inventa le verbe bien après avoir donné un nom à chaque chose de la création.

Il pouvait désormais jouir du spectacle qu'il avait créé tout en ayant le bonheur de pouvoir le traduire en mots pour en faire part aux autres mages sur facebook. Les eaux roulaient, grondaient, s'endormaient, se réveillaient, brillaient. Le vent soufflait, tombait, tempêtait. Le soleil pouvait enfin se lever ou se coucher et le ciel s'empourprait. La vie était devenue cette merveille pour laquelle la Loire constituait un écrin.

Merlin était fier de ce qu'il avait accompli. Il prit grand plaisir à se raconter des histoires, à s'inventer des aventures merveilleuses qui se passaient en bord de Loire. Il s'arrêta pourtant au milieu du gué. Il n'avait pas inventé les adverbes et les prépositions, les pronoms et les conjonctions. Mais c'était là besoins bien trop complexes pour nos mages. Il lui semblait en avoir assez fait ! Tout le monde n'écrit pas des bonimenteries ...

Grammaticalement sien.



10 réactions


  • pjf971 26 décembre 2012 10:47

    Le Val d’Or, mon pays natal... Nostalgie !


  • Montagnais .. FRIDA Montagnais 26 décembre 2012 17:23

    Merci, Moïse, pour cette nouvelle et belle version de la Genèse. ; Prochain article ? Sauvé des eaux ?


  • C'est Nabum C’est Nabum 26 décembre 2012 18:04

    Montagnais


    Pourquoi pas !

    Merci de m’aider dans ma quète des sujets

    • volt volt 26 décembre 2012 21:27

      Encore une fois C’est Nabum, le méthodique forcené vous tend la perche, encore une fois vous la manquez... c’est une manie ou un complot ? Et encore une foi... je vous refile la clef : Juste après l’entrée en nomination d’Adam, Eve est créée - nous goûterons voir si le vin est bon.


    • C'est Nabum C’est Nabum 27 décembre 2012 06:46

      Volt


      Méthodique et plus forcené que vous je découvre que vous effacez Lilith de cette histoire elle qui joua le premier rôle

      Eve n’est qu’un second rôle

      Croyez moi, moi qui fut un acteur d’importance de cette histoire, un créateur obscur car dès le départ, Dieu usa de nègre et j’en fus !

  • Brontau 26 décembre 2012 19:20

    C’est bien, Nabum, ce que je craignais. Le père Hugo, comme tant d’autres de nos jours qui ne possèdent ni son génie, ni même la moindre parcelle de son talent, ne citait pas toujours ses sources ! « Car le mot qu’on le sache est un être vivant... Car le mot c’est le verbe et le verbe c’est ... » (suite un peu modifiée !) l’humain. Pas de conscience sans langage. Il va de soi que ce n’est pas une pomme (même d’or !) qui pouvait donner la connaissance du bien et du mal, mais que c’est par les mots qu’Eve, comme Shéhérazade, pouvait faire rentrer l’homme dans l’histoire du désir, du rêve, de l’accomplissement, l’arracher au silence et à la barbarie, mais aussi le confronter au choix ce qui mettait un terme à son bienheureux état d’ignorance... 


  • Montagnais .. FRIDA Montagnais 27 décembre 2012 23:33

    Hermès trismegiste..


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