jeudi 24 mars 2016 - par C’est Nabum

Les commentaires de la toile

Des écrits impitoyables !

Bien que baignant depuis sept années dans la grande vague de la toile, cet univers aux codes abscons m'échappe encore. On se perd dans un vocabulaire secret, ésotérique, énigmatique, confus ou hermétique, on y ajoute des règles non écrites qui fleurent bon l'implicite pour joyeux experts. N'étant pas adepte des groupuscules initiatiques, je poursuis ma route sans apprendre le code interne, ce qui me permet d'observer à distance ce petit monde étrange et écrivant.

La première dérive de ces différentes castes consiste à créer des univers clos alors que la fonction même du Net c'est d'accéder à l'universel. Il semble que le quant à soi est souvent recherché par des gens qui, paradoxalement, se sont trouvés grâce à cette formidable loi de l'aléatoire et du hasard cumulés. Ils se plaisent alors à se retrouver sur des valeurs tout en pourfendant sans nuance celui qui vient leur apporter un peu de contradiction.

On se reconnaît, on se coopte, on se fait la cour, on se protège des importuns. Quand un groupe a pris une taille suffisante, il se ferme, se coupe du monde extérieur pour tourner en rond sur des connivences qui ne seront plus jamais menacées. Le confort du connu, la certitude de l'accord. Nous retrouvons cette sensibilité frileuse qui pousse certaines personnes à retourner toute leur vie sur le même terrain de camping.

La deuxième perversion est celle du langage codé. La langue est devenue la plus belle manière de se couper des semblables. La chose n'est pas nouvelle et des argots à l'imagination foisonnante sont nés de cette volonté du repli. Ici, l'anglicisme et le langage technique m'apparaissent être les points d'ancrage de cette langue vernaculaire des autochtones du blog.

J'ai choisi de riposter par un usage qui peut paraître pédant de cette pauvre langue française, malmenée par les tenants d'une modernité qui suppose l'usage d'un baragouin comprimé, langue fade et sans nuance, syntaxe martyrisée et abandon des nuances d'une conjugaison qui se décline maintenant sur un mode unique. Certains s'indignent de devoir user du dictionnaire pour me lire, que devrais-je leur répondre, moi qui n'ai d'autre recours que celui de m'arracher les cheveux ?

La troisième régression est celle du bastion idéologique. Les chevaux de frise sont sortis pour établir des frontières infranchissables entre les différentes sensibilités. Des miradors sont installés et des francs-tireurs veillent et tirent à vue sur l'imprudent qui s'aventure sur des terres vierges de tout désaccord. Les avatars symbolisent l'appartenance à un camp ou à un autre, les territoires sont hermétiques, le débat laisse place à l'invective, à l'anathème, à l'insulte quand un malheureux se trompe de chapelle.

On se répète les mêmes arguments : ceux qui ne posent aucun problème de conscience. On tourne en boucle sur des convictions qui se nourrissent d'elles-mêmes sans prendre le risque d'affronter leurs contraires. On méprise le camp d'en face, on se gausse de ces pauvres types qui ne comprennent rien à rien, on ne doute pas une seconde de détenir toute la vérité. La tolérance n'a sans doute pas trouvé, ici, l'espace à laquelle elle pouvait prétendre en profitant de ce formidable vecteur de l'opinion.

Un dernier volet complète le précédent. Les bastions idéologiques ne suffisent plus. Il y a des tenants de l'épuration des consciences. Il faut gagner la bataille des idées par des attaques , des raids guerriers pour décourager l'adversaire : la bande d'en face. Les trolls se font fort de décourager le brave blogueur, les bandes se conduisent comme des charognards, fondant sans vergogne sur celui qui pense si mal.

Deux méthodes s'affrontent suivant la sensibilité du camp prédateur. Les légalistes qui saisissent les organismes de modulation, de modération, font appel à la loi, à la morale et à la courtoisie qui m'est si chère. Les agressifs qui cherchent à vampiriser l'ennemi, à le priver de son sang et de sa sève, à le harceler sans trêve ni propos bienveillants.

Les coups bas sont nombreux, les vilains plus nombreux encore. On s'écharpe, on s'étripe, on se déchire avec une délectation qui ne cesse de m'interroger. On se refuse au dialogue, au débat, à la réflexion. C'est la foire du ton comminatoire, de l'agression verbale, des borborygmes dégradants pour celui qui en use. La distinction ne s'épanouit que trop rarement dans ce petit monde nauséeux.

L'homme est ainsi fait qu'il doit tirer le pire de ce qui est bien. Chercher la querelle en maniant les mots, en acceptant la contradiction ne lui suffit pas : il faut abattre, éliminer, écarter ou ignorer. La paix universelle n'est pas pour demain. Fort heureusement, il semble, malgré tout, que l'on puisse trouver un petit répit à force de constance, à force de courtoisie. C'est ce à quoi je suis parvenu depuis tout ce temps, en écartant progressivement tous ceux dont j'ai évoqué les travers et qui ont fini par se casser les dents sur ma volonté de toujours répondre convenablement à leurs saillies verbales. Je croise les doigts pour que ce miracle perdure encore longtemps.

Sémiologiquement vôtre

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45 réactions


  • Clark Kent M de Sourcessure 24 mars 2016 10:53

    Les forums ont des avantages par rapport au Café duCommerce :


    - pas d’ardoise
    - pas de gueule de bois
    - pas de patins à mettre quand on rentre à la maison

    Pour le reste, les débats sont à peu près de même nature et du même niveau, le plus souvent.

    Mais, de la même façon que le Café du Commerce peut enfanter des brèves de comptoir, on peut trouver dans les forums, quand on a le temps, quelques pépites d’humour et d’intelligence.

    En tous cas, ce sont des mines d’or sur notre société pour les sociologues et les instituts de sondages s’ils veulent bien se donner la peine de se livrer à des analyses sérieuses.

    • C'est Nabum C’est Nabum 24 mars 2016 12:03

      @M de Sourcessure

      Voilà un aspect qui m’avait échappé.
      Oui, en effet il y a des perles, des diamants mais aussi des ordures

      C’est sans doute la loi du genre

      Vous faites partie de l’élite, merci


    • hervepasgrave hervepasgrave 24 mars 2016 13:25

      @M de Sourcessure
      Bonjour ,
      Mettre les humains dans de petites boiboites hum ! c’est bien la science ,mais des fois la petite boite leur pète a la G...
      Faut-il internet pour étudier la connerie humaine, les manigances ...
      Les pépites,les perles d’humour et d’intelligence !J’appelle cela l’école du rire. Rien à attendre. Le retour du siècle des ridicules comme je me plais a le dire souvent. Un bon ou un mauvais courant d’air chaud ou froid simplement. Mais il n’est que rapide et passager.Oui !Oui ! l’école du rire.


    • Carte Senior soit-disant vénéré 24 mars 2016 18:02
      @M de Sourcessure
      Ayant lu ce texte sur un autre site, je suis venu le commenter... sous la note précédente de notre ami C’est Nabum.
      Mais votre intervention vient compléter ce que j’ai pu en dire, et il y a de temps à autre des choses fort intéressantes sur les sites de blogs : analyses, enregistrements vidéo, textes littéraires voire poésie, anecdotes, photographies, dessins de presse et caricatures, etc...
      Et notre hôte est pour moi, même lorsque je suis en désaccord avec lui (politiquement par exemple), un auteur de presque pépites.

    • C'est Nabum C’est Nabum 24 mars 2016 19:44

      @soit-disant vénéré

      Presque pépite !

      J’ai pourtant bien des défauts


  • Radix Radix 24 mars 2016 11:21

    Bonjour Nabum

    Certains commentaires d’article sont parfois savoureux et ils me rappellent une ancienne émission de France-Inter : « Et dire que pendant ce temps là, elles croient qu’on s’amuse », avec le regretté Maurice Biraud.
    Les acteurs de cette série radiophonique prenaient des évidences ou des clichés, les retournaient avec humour jusqu’à ce qu’ils paraissent absurdes !
    Parfois au fil des interventions on découvre, comme le signale le commentaire de M de Sourcesure, des traits d’humour digne de cette émission.

    Certe il faut lire beaucoup de posts indigestes mais la persévérance est récompensée par un trait d’humour ou d’intelligence.

    Radix


  • foufouille foufouille 24 mars 2016 11:22

    nous sommes bien obligés d’utiliser le langage technique car ce n’est pas nous qui l’avons inventé.
    cela donne aussi un langage plus ou moins universel. c’est pareil en science souvent.
    tu as aussi le choix de ce que tu veut lire, au moins.


    • C'est Nabum C’est Nabum 24 mars 2016 12:05

      @foufouille

      La liberté n’est pas en cause

      Il faut bien admettre que certains commentateurs ne prennent pas la peine d elire le texte qu’ils viennent égratigner

      Et ça, ce n’est guère technique


  • Shawford 24 mars 2016 11:36

    Bonjour Nabum,

    effectivement ce à quoi vous êtes parvenu est à saluer, mais vous avez pas peur dans le même temps que cela finisse en un concert de mièvreries ?

    Ça me donne ne tout cas l’occasion de vous dire dans cette optique que pour ma part, alors même que vous écrivez parfois certain textes extrêmement virulents auxquels je n’adhère pas sur certain points, je me dissuade de vous apostropher pour ne pas perturber votre confort lexical et épistolaire.

    A la limite vous avez trouvé la tactique idoine pour dégoiser sur notre société tout en vous prévenant d’être vous même éclaboussé, c’est assez bien vu smiley


    • C'est Nabum C’est Nabum 24 mars 2016 12:07

      @Shawford

      Je suis ailleurs
      Une posture qui me préserve un peu, il faut bien le reconnaître

      Et ma langue décourage les imbéciles

      C’est un avantage certain

      Merci à vous


  • elpepe elpepe 24 mars 2016 12:25

    belles plume et idees


  • hervepasgrave hervepasgrave 24 mars 2016 13:16

    Bonjour,
    Voila un sujet bien choisi.Je ne peux qu’être d’accord avec toi sur le fond. La réalité est tout autre.
    Internet comme chapelle ,oui ! hélas un beau rêve,un euphémisme. Il ne faudrait pas croire que c’est le lieu d’idées,de liberté tant d’écrié ! Non,non ! c’est un nouveau lieu de vices et de tromperie,une machine de guerre bien huilé. Alors et là je parle égoïstement que pour moi ,dire des choses qui choque et font mal, n’est certainement pas un acte barbare ,irraisonné,stupide.C’est juste vouloir par exemple remettre les choses de temps en temps en bon ordre.Car oui ! il faut penser au rare spectateur d’un site (des sites) que le monde que l’ont nous vend ne ressemble en rien a la description commune de ces professionnels de la plume.
    Tu le dis les groupes,les communautarismes se forment. Eh ! bien oui ! c’est flagrant. Ils vont tous sous la même amure, en déployant de fausses guéguerres .
    Pour ma part ,je ne vois pas énormément de différence avec la vie ,la vrai de visu. Combien de personnes qui publient ou qui commentes ne répondent pas ! Un silence assourdissant.C’est n’est même pas vouloir faire fie de ce ridicule personnage ,ignare , agressif,C’est plutôt :« comment peut-il remettre en cause mon jugement,il me fait chier ce con ,il me pourrit mon article,a abattre ’ »ah !ah !’ ce ne sont que de tristes personnages ,bien encloisonné, et limité a leurs invectives et leur passable connaissance.
    Peut-être que là ce n’est pas la mauvaise écriture qui compte mais la compréhension des choses, des écrits et des gens.
    Mais je te dois bien cela ,après autant de critiques, mauvaises critiques peut-être ? Mais tu as toujours répondu, cela t’honores


    • C'est Nabum C’est Nabum 24 mars 2016 16:13

      @hervepasgrave

      Je ne pense pas que l’invective soit de même nature que le débat contradictoire

      Il y a manifestement des provocateurs, des gens envoyés pour pourrir un sujet.
      C’est ce que j’essaie de dire

      J’aime quand vous me tancez


  • juluch juluch 24 mars 2016 13:19

    C’est les joies du web sous anonymat....bien à vous.


  • gruni gruni 24 mars 2016 17:06

    « Bien que baignant depuis sept années dans la grande vague de la toile »

    Vous êtes un survivant, d’autres que vous ont renoncé à se battre pour leurs idées ou leurs opinions dès les premiers tirs de barrage. 

    Bonne continuation


    • C'est Nabum C’est Nabum 24 mars 2016 17:44

      @gruni

      Je survis car j’ai des convictions fortes et un ego démesuré sans doute


    • sls0 sls0 24 mars 2016 18:17

      @gruni

      « Bien que baignant depuis sept années dans la grande vague de la toile »

      Vous êtes un survivant, d’autres que vous ont renoncé à se battre pour leurs idées ou leurs opinions dès les premiers tirs de barrage.

      Internet au début c’était pour un échange d’idées non se battre pour des idées.
      Je me rappelle de connexions avec l’Afrique à 2400 bauds, on évitait de gâcher avec des conneries, c’était surtout technique.et éducation.

      Ca demandait un certain investissement temps pour l’ouvrir sur internet, un premier site style droit de l’homme c’était 15 jours à deux, il était hébergé aux USA, marrant, à l’époque on appréciait les lois américaines coté expression, comme quoi les temps changent.
      Qui se rappelle de MOSAIC ou NETSCAPE, à l’époque c’était plus facile de trouver une thèse qu’un photo porno.

      Internet a donné le moyen à tout le monde de publier. Avant c’était les scientifiques et les journalistes qui avaient ce privilège.
      C’est très démocratique, la plupart ne profitent pas de ce privilège, ils ne sont pas motivés à faire passer des idées et ça se comprend très bien et les sages disent que ceux qui ont un avis sur tout souvent c’est des cons.
      Ils s’informent, ils essaient de se faire une opinion.
      Comme on nous a transformé en consommateur voir consumériste, notre esprit critique est presque inexistant, on est de vrais crédules, plus d’esprit critique, on est noyé sous l’information, plus le temps d’analyser, on bouffe de l’information, on ne la contrôle plus on est des junkies, des veaux.

      Tout le monde n’est pas neutre sur internet, il y a les sectaires, les croyants, eux ils ont des croyances à faire partager, ils sont très motivés, ce sont les missionnaires du pseudo, de l’incroyable,... Ils communiquent, ils inondent, ils sont référencés car ils communiquent énormément.

      Monsieur lambda, tape une recherche sur google, maintenant il n’a plus une réponse ’’normale’’, il a une réponse de missionnaire, de croyant.
      Monsieur lambda, son esprit critique, ce n’est plus cela, c’est du 100% crédule. Résultat : 54% des français estiment que l’astrologie est une science et que l’histoire ne représente que 31%. Avant ce n’était pas le cas.

      J’ai connu l’internet de l’émancipation maintenant c’est plutôt l’aliénation. Emancipation ou aliénation c’est normalement au choix de la personne qui se connecte.

      Avant c’était mieux ou moins bien, je n’ai pas d’avis. Je perdais moins de temps à démontrer que des vérités se basent parfois sur du mensonge, de l’interprétation ou du non factuel.
       


    • marmor 24 mars 2016 18:18

      @C’est Nabum
      Je souscris et confirme, pour l’égo......


    • C'est Nabum C’est Nabum 24 mars 2016 20:34

      @marmor

      C’est trop gentil


    • Nicole Cheverney Nicole CHEVERNEY 24 mars 2016 21:17

      @gruni

      Bonsoir,

      Autrefois les gens se battaient dans la rue pour leurs idées, cette mode est entrain de revenir petit à petit on le voit avec les manifs contre la loi Komhri, mais considérons que Internet et ce site particulièrement est toujours quoiqu’en pensent et disent leurs détracteurs un petit boulevard d’échanges, un espace de discussions, même un peu vives parfois, mais toujours on y apprend quelque chose, même si un peu décoiffant. Personnellement, je crois à l’avenir d’Internet comme je crois à la mort des médias télévisuels. Les « tirs de barrage » ne me font pas peur.


    • gruni gruni 25 mars 2016 07:12

      @Nicole CHEVERNEY


      Bonjour

      Je suis d’accord avec vous, ce site à le mérite d’exister, avec ses qualités et ses défauts. Dans ma présentation j’écris que par le débat nous pouvons tous progresser, je le pense toujours. Moi en premier, sans aucun doute. 

    • gruni gruni 25 mars 2016 07:27

      @sls0


      « Tout le monde n’est pas neutre sur internet », ce qui, comme le dit Nabum, rend parfois le débat compliqué, car celui qui n’a pas le « bon » profil est noyé dans la masse. J’ai l’impression à vous lire, que vous ne vous faites plus beaucoup d’illusions sur la société. C’est vrai que lorsqu’on voit le monde tourner comme il tourne, on a le droit et on doit de se poser des questions.

  • yvesduc 24 mars 2016 19:51

    Ce que vous voudriez en somme, c’est que les sites végétariens accueillent les climatosceptiques et les adeptes du Yoga, que les sites anti-impérialistes ouvrent grands les bras aux survivalistes et aux opposants aux vaccins, et que les sites d’adorateurs de l’iPhone acceptent les souverainistes de droite et les partisans de la légalisation de la GPA ? Ni lieux, ni frontières : personne parle de tout avec tout le monde ?


    • C'est Nabum C’est Nabum 24 mars 2016 20:38

      @yvesduc

      Vous vous méprenez Je veux que la courtoisie soit la règle

      La courtoisie fout le camp.

      La politesse du cœur.



      Autrefois, la noblesse du cœur se traduisait par un comportement emprunt de générosité et de délicatesse vis-à-vis de ses pareils. Un individu, pour être honnête aux yeux de ses semblables, devait être porteur du talent social de la civilité. Aujourd’hui, dans nos cités, sur nos routes, dans les entreprises, dans les écoles ou dans les rues, ce noble sentiment est presque perçu pour un anachronisme improductif, inutile et parfaitement déplacé.


      La courtoisie, puisque c’est d’elle qu’il est question, était parvenue à s’émanciper des effets de cour, des aménités de classes et des courbettes de componction pour s’étendre à toute la population d’une société où chacun avait sa part de considération et voyait en l’autre son compatriote. Je vous parle d’un temps où l’individu ne se déterminait pas par une appartenance religieuse, un train de vie, une tribu vestimentaire, un groupe ethnique ou un clan idéologique.


      Contrairement à l’interprétation abusive des admirateurs du mari de la chanteuse, courtoisie n’a pas pour étymologie la juxtaposition de deux termes : « court et toise ». Bien trop de gens extrapolent et font, de cette merveilleuse qualité, l’affreuse capacité de considérer son semblable à l’aune d’une taille de référence : l’un de ces innombrables marqueurs sociaux qui désormais nous distinguent, nous séparent en segments socio-professionnels, nous classent , nous compartimentent, nous catégorisent selon nos parcours scolaires, spirituels, culturels et surtout financiers.


      Cette approximation lexicale justifierait le mépris dont usent à loisir ceux qui se sont élevés dans notre société par la seule vertu de l’argent et qui toisent avec condescendance ceux qui n’ont pas le même train de vie. Elle peut tout autant expliquer les regards de haine que portent aux mécréants, ceux qu’une foi quelconque fait planer au-dessus des pauvres miséreux qui se refusent à croire en la transcendance.


      La courtoisie est cette politesse raffinée qui, spontanément, fait de l’autre l’égal de sa propre personne, sans la moindre considération vaseuse, pompeuse et fallacieuse. Nul besoin de connaître son prochain pour lui offrir cette reconnaissance qui ne tient compte ni de la fortune ni de la réputation ni de l’origine pas plus que des croyances. Nul besoin de juger, jauger, évaluer au préalable ! La courtoisie ne se mesure pas !


      Les insultes à l’affabilité sont nombreuses et le lieu de l’expression sublime de tous ses contraires n’est plus le seul espace routier. Si cette qualité, issue de la chevalerie, n’avait sans doute pas supporté le passage au cheval-vapeur - la voiture étant vite devenue le réceptacle idéal de la grossièreté, de la goujaterie, de l’égoïsme rustre- l’évolution de l’espèce a franchi, depuis longtemps, les limites de ce cadre, pour faire du piéton un malotru ordinaire.


      Croiser un humain est désormais une aventure risquée pour peu qu’il soit différent de vous. La taille, l’âge, la provenance, la vêture, la démarche et bien d’autres critères encore, font que vous serez ignoré, méprisé, insulté ou bousculé. Les chances d’être salué s’amenuisent de jour en jour ; la probabilité d’une agression verbale ou physique augmentant de manière inversement proportionnelle. Les risques explosent si vous avez l’idée saugrenue de vous aventurer dans un espace sur lequel un groupe humain a fait main basse .


      Même nos chers marchés sont devenus une mine de grise mine. La multiplication des files d’attente permet à certains virtuoses de l’irrévérence de multiplier les occasions de discourtoisie. Des retraités, forcément pressés d’en finir, qui doublent, interrompent une commande pour demander, sur le champ, un prix pourtant ardoisé ou retrouvent leurs jambes pour « sauter » un client. Des gens importants qui passent là , simplement pour se faire voir et qui s’exaspèrent de cette insupportable promiscuité. Ils traversent du regard cette plèbe goguenarde : ces gens du peuple, ces gens de si peu..


      D’une manière quasiment systématique, c’est la file d’attente : la queue, le mal absolu. Juste retour des choses diront les tenants de l’à-peu-près. Triste incivilité de la bande, de la foule qui attend et doit en supporter d’autres qui entravent ce droit inaliénable à la ruse. On se bouscule, on se marche sur les pieds ou les spatules, on rejoint un éclaireur opportun, on bloque un groupe rival pour favoriser les siens ; on ne se regarde pas, on se parle pas, on triche !


      Descendre d’un métro ou d’un tramway est devenue une opération guerrière. Face à vous, un mur de futurs passagers si pressés qu’ils ne pensent même pas vous laisser sortir. Ils vous barrent l’issue. Pire même, ils vous passent sur le corps pour entrer avant que vous ne puissiez esquisser le moindre mouvement de fuite. Ne vous aventurez pas à un sourire ou à bonjour : la ville est devenue un champ de bataille ! Face à vous, une horde innombrable d’ennemis potentiels ….


      L’art de bien vivre ensemble, cette amabilité générale, cette convenance des bonnes manières, cette aménité bienveillante a beau multiplié ses synonymes ad libitum, elle se cogne désespérément à l’immense variété des grossièretés sociales, des impertinences comportementales que notre vocabulaire moderne a su synthétiser sous le vocable explicite de « Connerie ! ». Ce terme générique regroupe tout ce que nous sommes devenus, façonnés que nous sommes par une société qui divise, sépare, distingue, fragmente, émiette à loisir.


      Ne désespérons pas de l’humanité cependant ; des gens se lèvent de-ci de-là sur la toile pour élever le débat et refuser toutes nos bassesses, pour relever cette toise et sourire à tous leurs semblables. La Fraternité est inscrite sur les frontons de nos institutions, il est grand temps de lui redonner ses lettres chevaleresques. Commençons, dès aujourd’hui, par nous dire bonjour dans la rue. Voilà bien un geste révolutionnaire qui pourrait, à moyen terme, faire vaciller un système qui se nourrit de nos divisions.


      Courtoisement vôtre


  • alinea alinea 24 mars 2016 20:56

    Vous oubliez les rengaines, ressorties en boucle pour un auteur, ou un sujet.
    L’homme est un poisson rouge qui aime à se sécuriser dans son bocal ; ça tourne en rond au bout d’un moment, mais je crois que c’est le lot de toutes relations !
    Ce site, en particulier, est intéressant parce qu’il est populaire, c’est ça qui fait sa richesse, on peut aussi se gausser de belle langue ou de belles idées, ou bien d’un bel ego estampillé. Mais les gens sont partout comme ça je crois ; si l’on veut approfondir un sujet au calme, on prend un bouquin ! Si on veut fréquenter des gens de son bord, on s’abonne, mais ça tourne en rond aussi, j’en suis sûre !
    Vous avez créé votre niche, d’autres ont fait leurs repaires, mais Nabum excusez, on ne vous voit guère. J’ai tendance personnellement à bouder les articles de ceux qui, comme vous, ne sortent pas de leur gîte !


    • C'est Nabum C’est Nabum 24 mars 2016 22:05

      @alinea

      Que faire ?

      Je suis un animal qui fuit les autres, j’ai peur sans doute de n’être pas à leur hauteur

      Je comprends votre bouderie, je mérite qu’on me délaisse faute de me préoccuper assez des autres. Je ne vois pas comment faire autrement, le temps me manque toujours


  • Nicole Cheverney Nicole CHEVERNEY 24 mars 2016 21:20

    @ C’est Nabum

    Merci en tout cas de vos superbes articles particulièrement savoureux de par leur originalité. Ce que j’apprécie beaucoup, ce sont vos salutations en fin d’article, toujours originalement distinguées.

    Cordialement.


  • Plus robert que Redford 24 mars 2016 22:32

    « Certains s’indignent de devoir user du dictionnaire pour me lire, que devrais-je leur répondre, moi qui n’ai d’autre recours que celui de m’arracher les cheveux ? »

    Toute prétention ou fatuité mise à part, j’ai deux petites icônes en permanence dans un coin de l’écran : Le Bescherelle et le Robert. Je serais plutôt du côté de ceux qui consultent le dico pour écrire, plus rarement pour vous lire...

    Eh, oui, en tant que vieux con imbu de lui-même, je continue à penser que la maitrise du français (écrit) constitue une politesse vis à vis de son lecteur, sans parler du fait qu’écrire n’importe comment rend la lecture douloureuse, compliquée, fatigante !

     De plus, force est de constater que certains mal-écrivants versent carrément dans le contresens pour cause de grammaire personnelle...

     « Chercher la querelle en maniant les mots, en acceptant la contradiction ne lui suffit pas : il faut abattre, éliminer, écarter ou ignorer. La paix universelle n’est pas pour demain »

    On peut très bien être en désaccord avec son interlocuteur et avoir envie de le lui faire savoir !.. Dans ce cas, et en toute courtoisie, l’ironie et la dérision peuvent être bien aussi redoutables que l’injure et l’anathème...

    Je nous souhaite d’avoir encore longtemps le plaisir de vous lire...


    • C'est Nabum C’est Nabum 25 mars 2016 07:21

      @Plus robert que Redford

      Je vous remercie et je pense effectivement que la politesse la plus élémentaire est d’écrire dans une langue soignée
      Je ne juge jamais les fautes tant que le respect de la langue est manifeste

      Quant à la courtoisie, elle est indispensable à nos échanges

      Merci à vous d’être sur cette ligne de conduite


  • roby roby 25 mars 2016 09:22

    @C’est Nabum


    Très bon texte comme d’habitude (flagornerie ?) ...

    Le paraître est bien présent aussi sur la toile...

    A éviter « lire en diagonale » c’est décevant.

    Merci pour vos textes rafraîchissants.

    • C'est Nabum C’est Nabum 25 mars 2016 10:22

      @roby

      La diagonale est la ligne du fou et est manière cavalière
      Ici, on baguenaude, les textes se hume loin de l’air du temps

      Merci


  • gaijin gaijin 25 mars 2016 09:50

    salut nabum
    et oui !
    certains ont cru créer un espace de liberté mais ils n’ont pas compris que l’espace n’y était pour rien : l’homme est le même partout et l’internet sera dévasté comme le reste : conflits esprit de clan, luttes de pouvoirs .......
    comme chantait renaud :
    « quand viendra l’heure dernière l’enfer sera peuplé de crétins , jouant au foot ou la guerre , a celui qui pisse le loin »


  • Fergus Fergus 25 mars 2016 09:51

    Bonjour, C’est Nabum

    Je partage assez largement les observations que vous faites. Néanmoins, je crois que les comportements évoqués sont inhérents à la nature humaine, la « toile » étant, comme l’a souligné M. Desourcesure, une sorte de « café du commerce ». En conséquence de quoi, il convient de s’y adapter en tentant, si possible avec sang-froid, de désamorcer les excès pour permettre au débat d’avancer sans se perdre dans les invectives et les anathèmes. Cet exercice peut se révéler très motivant.


    • C'est Nabum C’est Nabum 25 mars 2016 10:25

      @Fergus

      Faisons commerce de la vulgarité
      Telle est la devise des clients du café

      Je me refuse à cela et je tiens bon la rampe

      Merci de le comprendre


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