samedi 23 février 2019 - par C’est Nabum

Les javelles

J’aime les vrilles …

Chaque sortie au domaine réserve son lot de surprise et d’aventures. Devenir soudainement vigneron associé, même si ce n’est que de pacotille n’est pas chose aisée pour qui n’a jamais eu la main verte. Je découvre ainsi bien des mystères botaniques qui me laissent pantois et dubitatif, tenant de comprendre ce qui échappe le plus souvent à mon raisonnement d’urbain fort peu patelin.

Tailler le cep, je vous en est déjà touché deux mots, se passe lors de la dormance de la vigne. C’est donc à la mauvaise saison, celle des frimas et des pluies insidieuses, du vent glacé et du brouillard que se déroule la chose. Il convient de se vêtir en conséquence sans jamais craindre de sortir crotté de la tête aux pieds. C’est sans doute ce qu’on appelle le retour à la terre.

Pour accepter de telles conditions le vigneron d’occasion doit pouvoir se donner une perspective entraînante et réconfortante. Tout d’abord, n’étant pas contraint par la toujours détestable notion de rendement, il prend son temps, discute durant l’ouvrage et se consacre à son labeur qu’une petite matinée. Il convient de préserver sa monture quand on est à la retraite …

Mais l’essentiel est ailleurs. Il s’agit de retrouver des collègues, gens au commerce agréable et à la conversation réjouissante. Pour profiter pleinement de leur compagnie, rien ne vaut, la matinée achevée, de se retrouver autour d’un mangement préparé avec talent et fantaisie par le président de l’association en personne.

La cave coopérative nous offre ainsi le couvert sans jamais être avare de quelques bouteilles qui dorment dans les réserves de l’endroit. C’est la contre-partie radieuse de nos efforts du matin, efforts consentis il est vrai dans la joie et la bonne humeur même si tout cela se déroulle sous le regard impitoyable du vigneron expert, le dépositaire de l’art ancestral tout autant que le garant de la vinification.

Ce jour-là, l’homme avait décrété l’arrêt de la taille ; la pleine lune n’étant pas selon ses convictions, favorable à pareille opération. Il est de ces humains qui, les pieds dans la terre, conservent leurs racines et les pratiques des anciens. Nous, les béotiens, nous n’avions pas regardé l’agenda et nous avions fait le déplacement sans savoir que notre satellite nous donnait congé.

C’est donc vers une autre activité que nous décidâmes de mériter malgré tout, notre récompense gourmande. Il nous fallait regrouper en tas les javelles, les serments coupés les fois précédentes. Si la chose peut sembler aisée, la pratique en est toute autre. D’un part parce que les serments coupés sont inextricablement entremêlées les uns aux autres tout en se lovant étroitement dans les fils métalliques qui servent de tuteurs et d’autre part parce qu’ils sont munis de vrilles qui viennent s’enrouler sur tout ce qui peut faire obstacle.

Pour corser le tout, les crochets reliant l’un à l’autre les deux fils parallèle du second niveau n’avaient pas été retirés, ajoutant une résistance supplémentairement à ce faisceau de bois enchevêtrés. Nos serments, sacrifiés à la volonté de faire bonne récolte prochaine étaient porteur de nœuds et bourgeons qui s’accrochaient eux aussi, avec une obstination digne des vins de garde.

Les javelles enfin libérées, il convenait d’en faire des tas cohérents au milieu d’un rang sur deux afin d’en faciliter le ramassage. Là encore, le sécateur devait mettre tout ce joli monde sous la toise, afnin de réduire les plus grands segments à la taille commune. Je découvris là une nouvelle opération qui sous des allures simplistes, cachait malgré tout des chausse-trappes et des pièges comme celui de couper par mégarde la baguette ou la marcotte précieusement sélectionnés la fois précédente dans cet entre-las si complexe.

Je fredonnais gaiment : « J’aime les vrilles que nous font les javelles, j’aime les vrilles du muscatel, j’aime les vrilles de nos jolis serments, j’aime les vrilles moins que le vin blanc ! » Tandis que le maître de céans déposait un écriteau en bord de route proposant aux amateurs de feux de cheminée de venir prendre le fruit de notre labeur. Il n’y avait pas que la Lune qui sera pleine ce jour-là …

Viticolement vôtre.



13 réactions


  • foufouille foufouille 23 février 2019 11:43

    à mon époque, on brûlait les sarments avec de l’huile de vidange.



    • C'est Nabum C’est Nabum 23 février 2019 11:44

      @foufouille

      C’est donc vous


    • foufouille foufouille 23 février 2019 11:57

      @C’est Nabum
      c’était payé plus que le smic mais tu grillais devant la brouette et gelais derrière. il faisait souvent moins 20.


    • C'est Nabum C’est Nabum 23 février 2019 12:19

      @foufouille

      Votre mépris m’honore


    • foufouille foufouille 23 février 2019 12:40

      @C’est Nabum
      moi pas avoir compris.


    • machin 24 février 2019 07:39

      @foufouille

      @C’est Nabum
      c’était payé plus que le smic mais tu grillais devant la brouette et gelais derrière. il faisait souvent moins 20.

      Dans le temps, en Champagne, on ne taillait pas lorsqu’il gelait...
      Autant pour le végétal, que pour l’humain.
      Il y avait toujours du boulot à l’abri, sur le matériel ou dans les caves.
      .
      Maintenant, on s’en fout...
      On peut se permettre sacrifier une partie de la fructification pléthorique puisque les quotas nous obligent à laisser le reste aux piafs.
      Grosso modo, selon les années on leur laisse ainsi jusqu’à 5000 kilos /hectares.
      .
      À 5 euros le kilo de raisin de champagne, ça fait des sous.
      C’est pour cela qu’en Champagne, nous avons les vignerons et les étourneaux les plus gras du monde.
      .
      La vie est si dure de nos jours, dans les frimas de la Champagne viticole, qu’il faut bien gérer la pénurie pour que les prix ne baissent pas.
      C’est bien naturel...


    • foufouille foufouille 24 février 2019 08:43

      @machin
      c’était il y a très longtemps ou juste chez toi ou que chez moi car en 80, on brûlait les sarments en février.
      je ne vois pas trop quand tu taillais vu que ensuite il faut attacher.
      c’était des petits vignerons aussi.


  • juluch juluch 23 février 2019 11:46

    Je l’ai fait !! Dur ! Dur ! 

    Dans ce type de boulot quand on est pas vraiment du métier, c’est la longueur des rangées qui découragent....on lève la tète et on voit tout se qui reste à faire on a envie de fuir !!


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