jeudi 4 décembre 2008 - par Plume-plume

Noureev se retourne dans sa tombe

Pour la 100ème du célèbre ballet Raymonda, l’Opéra de Paris a offert un spectacle affligeant.

L’Opéra Garnier produisait ce lundi premier décembre la 100ème représentation du célèbre ballet Raymonda, monté en 1983 par Noureev, lors de sa prise de direction de l’Opéra de Paris.

L’argument du ballet, minimal (la fiancée d’un jeune croisé subit les avances d’un prince Maure qui assiège sa ville d’Espagne, se fait enlever, puis récupérer in extremis par son croisé qui l’épouse après avoir tué le Maure en duel), est le prétexte à une succession absolument éblouissante de danses folkloriques et académiques, alternant les tableaux d’ensemble, les pas de quatre, les trios et les valses, offrant à l’étoile tenant le rôle-titre l’un des plus longs du répertoire classique.

Seulement, voilà : d’être, sans intrigue ou presque, tout entier suspendu à la grâce de son interprétation, Raymonda ne souffre pas la médiocrité. Ses tableaux de genre, exercices de style d’un chorégraphe virtuose, tolèrent encore moins l’approximation.

Les étoiles ont peu brillé : la raideur et l’interprétation scolaire de Marie-Agnès Gillot, handicapée par sa grande taille, le dispute au manque d’inspiration José Martinez. A aucun moment, ils ne parviennent à donner un peu d’épaisseur dramatique à Raymonda et Jean de Brienne, qui restent des figures transparentes à côté du Maure. Comme finit par le déclarer ma voisine, une vieille dame impassible : « Il ne s’passe rien entre ses deux-là ! » Et effectivement, on a peine à croire que Raymonda et Jean dansent ensemble, tant leurs passes sont laborieuses. Les subtilités psychologiques, les petites touches de connivence pleines d’humour que la chorégraphie leur proposait passent totalement à la trappe.

Dans les seconds rôles, c’est video-gag : une première danseuse finit sa révérence sur les fesses, les espagnols font à peu près ce qui leur passe par la tête, les couples se donnent des coups d’épaule, les sujets du dernier trio passent leur variation à essayer de se caler sur Emilie Cozette, elle-même décevante dans le rôle de Clémence. Alors, quand l’un perd son chapeau et file le ramasser, on salue presque son naturel.

Face à un spectacle aussi médiocre, bien sûr, la magie n’opère plus : deux russes devant moi baillent, commentent et gloussent, et, fi de toute charité, on soutient finalement la durée du ballet en comptant les faux pas, ou en fermant les yeux pour écouter la frappe des pointes décalées.

Certes, et c’est heureux, tout n’est pas à jeter : Nicolas le Riche, dans le rôle d’Abderam le Maure, nous donne un pas de trois plein de panache, et signe une performance honorable, dont le magnétisme ne va malheureusement pas jusqu’à inspirer sa partenaire.

La petite Dorothée Gilbert, surtout, sauve le spectacle du naufrage. Toute de grâce, elle interprète le personnage d’Henriette avec une délicatesse et une fraîcheur bienvenues. Le public ne s’y trompe pas, qui lui réservera une ovation plus soutenue qu’au couple principal. Mais est-ce bien ce que l’on attend d’une 100ème à l’Opéra de Paris ?



1 réactions


  • Marcheg Arvor Marcheg Arvor 5 décembre 2008 09:48

    En passant et en prenant l’auteur au pied de la lettre, je suggère aux seuls lecteurs d’Agoravox une promenade dans le cimetière orthodoxe de Sainte Geneviève des Bois (91). Ils y verront,en autres, la tombe de Noureev d’un kitch russo-baroque absolu mais pas ridicule s’agissant du Maître. Ce petit bout de Russie en Ile de France permettra au promeneur de se plonger dans près d’un siècle d’Histoire Russe en France. Enrichissant, émouvant et édifiant (surtout quand on voit le nombre de « mort pour la France ».


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