Tout feu, tout flamme
Frère Emmanuel de l'écu :
Le nouveau compagnon d’armes de dame Jehanne.
Les inénarrables fêtes johanniques orléanaises ont ceci de merveilleux qu’elles manient le symbole à la truelle et pratiquent l’histoire comme une charge de cavalerie. Tout est bon pour regrouper le bon peuple, la nation et tous les corps constitués derrière la belle héroïne pure et sans doute immaculée. Le clergé en pince pour la donzelle et on sent battre la passion sous la soutane. L’armée aime à faire le siège de cette place que personne jamais n’a su emporter. L’Etat perçoit l’urgence à préserver cette ultime icône nationale que lui disputent pourtant les adorateurs de l'ordre martial et xénophobe.
Tout ce joli monde se presse comme à confesse derrière l’héroïne, la sainte et la chef de guerre, oubliant un peu vite que la séparation de l’Église et de l’État n’est pas qu’une fiction. On fait d’ailleurs fi de l'œcuménisme qui sied à un état laïque en de jolis discours qui sentent tout autant la calotte que les pieds au cul qui se perdent. La cathédrale se pare des oriflammes guerrières des compagnons de la Pucelle, continuant de faire place et honneur à Gilles de Rais, le pédophile magnifique et sacré.
Tout va bien dans la capitale de la Réaction. Les bourgeois se serrent les coudes, se renvoient l’ascenseur et usent à merveille de ce réseau de connaissances qui leur permet, de génération en génération, de tenir le haut du pavé en dépit de quelques lacunes congénitales. Le bon peuple des anonymes regardera, émerveillé, défiler l’autre moitié de la ville : celle qui compte, celle de l’entre-soi, celle qui profite, qui se sert sur la bête. C’est encore la belle époque médiévale dans la cité johannique.
Cette année, pourtant, il y a eu du mou dans la corde à nœuds, comme aurait dit la Pucelle. Le comité d’éthique des célébrations a tremblé sur ses bases. La présidente a claqué la porte Bourgogne tout en démissionnant, ulcérée que des notables de la première heure s’indignent de la belle décision du Maire de faire transhumer le sacro-saint défilé dans le quartier de La Source, cette lointaine verrue urbaine qui déplaît tant aux tenants des limites historiques d’une cité emmurée dans son orgueil confit. Il y avait crime contre la tradition : cette magnifique enveloppe qui tient lieu de pensée dans la cité. La présidente-ex demoiselle Jehanne- et le Maire eurent alors plus de dignité que ces soudards prétentieux qui gardent le fanion de la donzelle comme une relique sanctifiée !
On s'arc-boute sur le passé dans le quartier. On ne rigole pas. L’affaire ne mérite ni ironie ni plaisanterie. Malheur à qui ne cautionne pas la farce qui englue la ville dans un passé confit dont elle ne peut se sortir. N’ayant jamais supporté de n’être pas Capitale du Royaume, la cité rêve encore du retour des d’Orléans au pouvoir. Ne riez pas, tout cela est très sérieux.
Fort heureusement, le vent mauvais de la fronde républicaine a cessé de souffler sur la fête. Depuis Nicolas premier, Prince de Hongrie et Comte de campagne, la tradition républicaine a pris du branle. Le président en exercice ne vient plus honorer de sa présence le joyeux défilé des notables. Il ne faut plus rêver, la pauvre cité s’étiole et n’intéresse plus grand monde. Domrémy et Rouen tiennent bien plus haut le flambeau de l’héroïne. Même l’Unesco n’a pas voulu se pencher sur le berceau de la légende.
Alors, dans un dernier soubresaut, la cité qui se meurt s’est donnée à la banque et à la petite bête qui monte. Monsieur Macron, en personne, présidera les prochaines fêtes johanniques. C’est le mariage de la finance et de l’ambition qui vient tâter la croupe de la petite Lorraine. C’est l’onction divine pour le nouveau prétendant au trône ; c’est encore le mariage de la droite bourgeoise et de la prétendue gauche libérale. Jehanne, sur son cheval, va assister, impuissante, à la mascarade dont elle sera prétexte.
Le bon peuple applaudira au passage de la farce. Nulle manifestation dans les rangs ne sera permise : l’état d’urgence ne plaisante pas avec les cérémonies d’onction monarchique. Je préfère, une fois encore, fuir la joyeuse plaisanterie. Ce n’est pas ainsi que je comprends l’Histoire, c’est même tout à fait à l’opposé de la belle illusion qui est servie ici. La Pucelle a été abandonnée par l’État, l’armée et l’Église.
La joyeuse bande continue de tenir les rênes du pouvoir ; c’est elle qui a joliment abandonnée la Pucelle aux Bourguignons afin que les Anglois fassent la maudite besogne. Macron, frère Emmanuel de l'écu monétaire, est vraiment à sa place dans cette belle galerie des hypocrisies. Tout feu tout flamme, le zébulon libéral va allumer la mèche des festivités à venir. Venez vous masser devant le grimacier, avec lui, une fois de plus , le peuple ne sera pas le gagnant de l’histoire en marche. C’est à la fin du défilé que les indignés de la nuit debout compteront les bouses !
Pamphlétairement leur.