Vingt quatre heurts sur vingt quatre
Kafka est de ce pays.
Il est un lieu emblématique de l'histoire de la Loire en Orléans qui a depuis un an traversé une tempête comme la rivière n'en connaît guère. Le Cabinet Vert, qui autrefois fut au gré des époques un cabaret, un marchand de vin, une guinguette, un lieu de rendez-vous, un espace de canotage et depuis de nombreuses années, un restaurant réputé, a eu le malheur de croiser par deux fois en l'espace de moins de quatre mois, la route d'automobilistes irascibles, pressés et imprudents.
Le 21 janvier 2024 dans la nuit, un véhicule, roulant certainement à l'éthanol, lancé à vive allure venait mettre à bas la belle terrasse de l'estaminet tout en ébranlant la structure du bâtiment. Le chauffard prit la fuite pour éviter les circonstances aggravantes. Le restaurant se voyait ainsi privé de sa magnifique vue sur la Loire tout en devant trouver des dispositions pour maintenir coûte que coûte son activité en attendant de pouvoir lancer des travaux et retrouver son fonctionnement à plein régime.
Le 18 avril, un autre fou du volant venait remettre le couvert, histoire de mettre les pieds dans le plat afin d’accélérer la procédure d’indemnisation de l'assurance. Le dossier entre alors dans la réputée lourdeur administrative chère à notre beau pays qui n'aime rien tant qu'accumuler des pièces à fournir et des documents à renseigner.
Pour lancer les travaux, il convenait de recevoir le rapport de l'expert mandaté pour effectuer cette démarche incontournable. Nombre des différentes pièces nécessaires furent rapidement mises à disposition de ce personnage d'autant que le Maire d'Orléans, sollicité, avait su mettre en branle efficacement les services compétents de sa mairie. L'espoir renaissait du côté de la belle équipe du Cabinet Vert même si, comme chacun sait, il manque toujours un document pour boucler la chose.
D'autres leur ont apporté leur contribution pour faire avancer un dossier qui pour des raisons inexplicables avait une fâcheuse tendance à rester au point mort. Des professionnels des métiers de bouche jouèrent ainsi leur rôle d'accélérateur alors que du côté des institutions départementales et régionales, nulle marque de sympathie ne vint mettre du baume au cœur aux victimes.
Pendant huit mois, du côté de l'expert et de l'assureur, toujours la même antienne : « Il manque une pièce ! ». Chacun connaît la lourdeur des démarches administratives et nul ne s'étonne dans un premier temps de cette réplique digne de Kafka qui correspond hélas aux exigences légales et à l'hypertrophie réglementaire. Puis, le temps passant, les difficultés d'exploitation devenant de plus en plus prégnantes, la réplique passait mal du côté de ceux qui avaient tout mis en œuvre pour que se règle au plus vite ce gros préjudice.
Si l'assureur faisait ce qu'il pouvait, il devait composer avec la lourdeur d'un dossier dont la proximité de la Loire n'était pas de nature à simplifier les choses. Petit couac cependant, en dépit d'un règlement qui tardait considérablement, la prime d'assurance des victimes fut revue à la hausse avec une petite augmentation de 114 %. Un « geste commercial » mal venu dans le contexte.
Nous en arrivions au terme d'une année de procédure durant laquelle les victimes ne cessèrent de relancer la fameuse compagnie pour obtenir le rapport d'expertise, indispensable Sésame pour lancer les travaux auprès d'entrepreneurs qui piaffaient d'impatience quand après bien des relances un SMS arriva avec ce message sibyllin : « Vous pouvez lancer les travaux ! ».
Ce message précéda fort heureusement l'envoi d'un Rapport qui ne lésina pas sur les préliminaires. Ainsi, une nouvelle étape pouvait débuter : celle de la ronde des entreprises. Le compte à rebours est lancé car chacun en bord de Loire n'espère qu'une chose : « Retrouver la belle Terrasse au Printemps ! ». C'est tout ce que nous pouvons dire à ces restaurateurs qui aiment tant leur métier. J'espère que nombreux seront ceux qui viendront alors leur redonner le sourire en venant retrouver ce haut lieu de la gastronomie orléanaise. En attendant, le restaurant reste ouvert avec une petite jauge. N'hésitez pas.