lundi 5 février 2018 - par Robin Guilloux

La conception alinienne de l’éducation

 

Alain, Propos sur l'éducation, suivi de Pédagogie enfantine, Presses Universitaires de France, collection Quadrige.

Propos sur l'éducation est un recueil de pensées d'Alain concernant l'éducation, publié en 1932. Le livre est composé de 86 chapitres, ou propos, indiqués en chiffres romains. Alain y développe ses idées sur l'éducation, tirées de sa propre expérience de professeur La pensée d'Alain ne peut se résumer en quelques mots, laissons ainsi à l'auteur le soin de définir son entreprise philosophique : "L' immense danger et l'urgence, toujours aussi pressante, de tirer l'humanité de la barbarie proche, commandent d'aller droit au but humain. Il faut que l'enfant connaisse le pouvoir qu'il a de se gouverner et d'abord de ne point se croire ; il faut qu'il ait aussi le sentiment que ce travail sur lui-même est difficile et beau... Les vrais problèmes sont d'abord amers à goûter ; le plaisir viendra à ceux qui auront vaincu l'amertume." Après Kant et Rousseau, Alain insiste sur la nécessité de l'éducation de chaque homme pour en faire un sujet libre et responsable de lui-même comme d'autrui. (source : babelio)

Alain, né Émile-Auguste Chartier le 3 mars 1868 à Mortagne-au-Perche (Orne) et mort le 2 juin 1951 au Vésinet (Yvelines), est un philosophe, journaliste, essayiste et professeur de philosophie français.

"Je n'ai pas beaucoup confiance dans ces jardins d'enfants et autres inventions au moyen desquelles on veut instruire en amusant. La méthode n'est déjà pas excellente pour les hommes. Je pourrais citer des gens qui passent pour instruits, et qui s'ennuient à La Chartreuse de Parme ou au Lys dans la vallée. Ils ne lisent que des oeuvres de seconde valeur, où tout est disposé pour plaire au premier regard ; mais en se livrant à des plaisirs faciles, ils perdent un plus haut plaisir qu'ils auraient conquis par un peu de courage et d'attention.

Il n'y a point d'expérience qui élève mieux un homme que la découverte d'un plaisir supérieur, qu'il aurait toujours ignoré s'il n'avait point pris d'abord un peu de peine. Montaigne est difficile ; c'est qu'il faut d'abord le connaître, s'y orienter, s'y retrouver ; ensuite seulement on le découvre. De même, la géométrie par cartons assemblés, cela peut plaire ; mais les problèmes les plus rigoureux donnent aussi un plaisir bien plus vif. . C'est ainsi que le plaisir de lire une oeuvre au piano n'est nullement sensible dans les premières leçons ; il faut savoir s'ennuyer d'abord. C'est pourquoi vous ne pouvez faire goûter à l'enfant les sciences et les arts comme on goûte les fruits confits. L'homme se forme par la peine ; ses vrais plaisirs, il doit les gagner, il doit les mériter. Il doit donner avant de recevoir. C'est la loi."

ALAIN, Propos sur l'éducation, V

I. La thèse de l'auteur est exprimée à la fin du texte :"L'homme se forme par la peine ; ses vrais plaisirs, il doit les gagner, il doit les mériter. Il doit donner avant de recevoir. C'est la loi."

La thèse d'Alain est paradoxale (contraire à l'opinion commune) car nous avons tendance à opposer le plaisir et la peine, à la souffrance. Pour la plupart d'entre nous, le plaisir est le contraire de la souffrance ; pour Alain, il y a différentes sortes de plaisirs : les plaisirs "bas", immédiats (passifs), par exemple lire "des oeuvres de seconde valeur", faire de la géométrie en manipulant des cartons, taper au hasard sur les touches d'un piano, manger des fruits confits et des plaisirs élevés, actifs : lire La Chartreuse de Parme, découvrir Montaigne, résoudre un problème de géométrie, apprendre à déchiffrer une partition et à jouer du piano.

II. L'auteur avance les arguments et les exemples suivants :

a) Les hommes qui préfèrent la lecture d'oeuvre médiocres (faciles) à celle deLa Chartreuse de Parme (Stendhal) ou du Lys dans la vallée (Balzac) perdent un plus haut plaisir.

b) La lecture de Montaigne est difficile, mais vaut la peine d'être entreprise par les découvertes qu'elle procure.

c) La géométrie "par cartons assemblés" ("la main à la pâte") ne procure pas de plaisir aussi vifs que des problèmes plus rigoureux.

d) Le plaisir de lire une oeuvre au piano n'est pas sensible pour les débutants.

III. L'instruction ne doit pas être fondée sur le jeu

"Je n'ai pas beaucoup confiance dans ces jardins d'enfants et autres inventions au moyen desquelles on veut instruire en amusant." : Alain fait allusion à certains théories pédagogiques qui préconisent l'apprentissage par le jeu. Alain ne dit pas qu'il n'a pas tout confiance dans ces "inventions", mais "pas beaucoup". La restriction "pas beaucoup" à la place de "pas du tout" indique qu'Alain leur accorde une part de légitimité. Il faut en effet tenir compte de l'âge et des possibilités affectives et intellectuelles d'un jeune enfant, de sa difficulté à se concentrer longtemps, de son goût pour le jeu.

Dans les yeschivas (écoles talmudiques) d'Europe de l'Est, existait une touchante coutume consistant à enduire les lettres de miel pour apprendre aux jeunes enfants l'alphabet. Alain ne serait sans doute pas opposé à ce procédé, ni au fait de prendre en compte l'âge des enfants et leurs possibilités.

Les lettres enduites de miel ont un signification très profonde : les grands textes (et pas seulement la Torah) sont faits pour être savourés, les livres ne sont pas seulement destinés à être "lus", mais à être "mangés", incorporés. Montaigne le dit aussi à sa manière avec sa métaphore des abeilles qui font leur miel de toutes sortes de fleurs et auxquelles il nous invite à ressembler : « Les abeilles pilotent decà delà des fleurs ; mais elles en font après le miel, qui est tout leur ; ce n’est plus thym ni marjolaine : ainsi les pièces empruntées d’autrui, il les transformera et confondra pour en faire un ouvrage tout sien, à savoir son jugement : son institution, son travail et étude ne vise qu’à le former. Qu’il cèle tout ce de quoi il a été secouru, et ne produise que ce qu’il en a fait. » (I, 26)

Le savoir doit être "savoureux" et ce qui advient au début : le "jardin d'enfants", le vert paradis, le plaisir, le jeu... ne doit pas être abandonné au profit du travail, de l'ennui et de la peine, mais retrouvé à la fin, au terme de l'ennui, du travail et de la peine.

Note : Peut-on stimuler le désir de connaissance ?

Jean-François Lyotard (Pourquoi philosopher ?) souligne le lien étymologique entre "savoir" et "savourer" (du latin "sapere"). Comment donner le désir de connaître ? Comment donner de la saveur au savoir ? Le petit enfant qui explore son environnement fait déjà preuve d'un désir de connaître. On peut se demander s'il faut rendre le savoir "attractif" (et comment ?) par une "pédagogie ludique" hostile à la contrainte, ou solliciter, par l'action d'une "contrainte seconde", les forces libératrices de l'intelligence et du savoir conquis, comme le suggère Hegel dans la remarque du § 175 des Principes de la Philosophie du Droit.

Si, pour citer Aristote, "tous les hommes désirent naturellement savoir"... comment maintenir le savoir comme objet de désir ? Pourquoi l'élan vers la connaissance est-il contrarié, suspendu et parfois éteint chez certains enfants ? Comment comprendre ces ruptures et comment renouer avec un désir qui conditionne largement le destin scolaire ?

Ce que conteste Alain dans ce texte, ce n'est pas le jeu dont on sait le rôle fondamental qu'il joue dans la construction de la personnalité de l'enfant, mais le parti pris consistant à éliminer la part de travail et d'effort dans l'apprentissage en privilégiant systématiquement le plaisir et le jeu ou en mélangeant le jeu et le travail.

"Au contraire, dit cette grande Ombre (Hegel), je veux qu'il y ait comme un fossé entre le jeu et l'étude. Quoi ? apprendre à lire et écrire par jeu de lettres ? A compter par noisettes, par activités de singe ? J'aurais plutôt à craindre que ces grands secrets ne paraissent pas assez difficiles, ni assez majestueux", écrit-il dans un autre passage des Propos sur l'éducation.

"J'aime mieux, dit l'Ombre, j'aime mieux dans l'enfant cette honte d'homme, quand il voit que c'est l'heure de l'étude et qu'on veut encore le faire rire. Je veux qu'il se sente bien ignorant, bien loin, bien au-dessous, bien petit garçon pour lui-même ; qu'il s'aide de l'ordre humain ; qu'il se forme au respect, car on est grand par le respect et non pas petit. Qu'il conçoive une grande ambition, une grande résolution, par une grande humilité. Qu'il se discipline et qu'il se fasse ; toujours en effort, toujours en ascension. Apprendre difficilement les choses faciles. Après cela bondir et crier, selon la nature animale. Progrès, dit l'Ombre, par oppositions et négations."

Propos sur l'éducation (1932)

IV. Tous les plaisirs ne se valent pas

Alain établit dans ce texte une hiérarchie entre les plaisirs. Tous les plaisirs ne se valent pas, certains sont plus élevés que d'autres. Il existe des plaisirs "bas", immédiats, passifs : lire des romans de gare, manipuler des morceaux de cartons, taper au hasard sur les touches d'un piano, manger des fruits confits... et des plaisirs plus élevés, actifs, médiatisés par l'effort et par le temps : lire Stendhal, Balzac ou Montaigne, résoudre un vrai problème de géométrie, apprendre à déchiffrer une partition et à jouer du piano.

Le point de vue d'Alain est paradoxal, car la difficulté que l'on éprouve à lire un roman un peu difficile, à découvrir la pensée d'un philosophe, à déchiffrer une partition, à jouer du piano ou à faire de la géométrie n'est nullement un plaisir, mais plutôt une peine.

Ce que veut dire Alain, c'est que le plaisir immédiat, le plaisir qui ne s'accompagne d'aucune peine, d'aucun effort est inférieur au plaisir "médiat", celui qui a été obtenu au prix d'une peine, d'un effort, d'un travail.

V. Plaisirs quantitatifs et plaisirs qualitatifs

Selon John Stuart Mill, le critère qui permet de distinguer la supériorité d'un plaisir sur l'autre est sa qualité. Un plaisir inférieur est un plaisir essentiellement quantitatif, il relève de la satisfaction des besoins du corps (boire, manger, dormir...). Les plaisirs supérieurs sont des plaisirs qualitatifs, spirituels (la pensée, la contemplation des oeuvres d'art...)

Note : John Stuart Mill (John Stuart Mill (20 mai 1806 à Londres - 8 mai 1873 à Avignon, France) est un philosophe, logicien et économiste britannique. Parmi les penseurs libéraux les plus influents du XIXème siècle, il était un partisan de l'utilitarisme, une théorie éthique préalablement exposée par Jeremy Bentham, dont Mill proposa sa version personnelle.

Le bonheur est un état de satisfaction complète et de plénitude, un accord entre les aspirations humaines et l'ordre des choses. Il se distingue du simple plaisir, qui est un bien-être agréable, fragmentaire, essentiellement d'ordre sensible. Le bonheur résulte d'un accord entre les aspirations humaines et l'ordre des choses ; le contentement de la satisfaction d'un besoin ou d'un désir limités. Un être doué de facultés élevées, pour reprendre l'expression de J.S. Mill, aspire en fait au bonheur, plutôt qu'au plaisir en tant que simple contentement.

On peut donc dire que la pédagogie par le jeu qui privilégie le plaisir de l'enfant (ou comme on dit son "épanouissement"), ne satisfait pas son aspiration au bonheur (ou du moins à une satisfaction durable), car le plaisir est éphémère.

La différence entre un plaisir bas et un plaisir élevé repose sur un rapport différent à la temporalité. Un plaisir "bas" est un plaisir immédiat, un plaisir élevé est un plaisir différé dans le temps, médiatisé par le travail, l'effort et la peine.

VI. L'éducation a pour but de former le courage et l'attention

"Ils perdent un plus haut plaisir qu'ils auraient conquis par un peu de courage et d'attention" : Alain souligne l'importance de deux qualités étroitement liées à l'apprentissage et que les pédagogues doivent, selon lui, développer chez l'enfant : le courage et l'attention. le courage est la faculté d'entreprendre, d'oser, de nous mesurer à quelque chose qui nous dépasse. L'attention est la capacité de fixer son esprit, son entendement sur un objet sans se laisser distraire par un autre.

La philosophe Simone Weil a montré que le développement de cette dernière faculté, l'attention, était en fait la finalité essentielle des études primaires et secondaires, car elle conditionne tous les apprentissages et constitue la clé de la réussite. Selon Alain, les deux matières qui contribuent le mieux à cet objectif sont le latin et les mathématiques, mais on pourrait en dire autant de l'orthographe et de la grammaire.

VII. Tout ce qui en vaut la peine est toujours d'un abord difficile

Selon Alain, l'homme doit, à un moment ou à un autre, faire l'expérience de la peine, non par masochisme et parce que la peine aurait une valeur intrinsèque, mais parce que la peine accompagne nécessairement l'ajournement du plaisir (la renonciation momentané au plaisir) en vue, non d'une peine plus grande, mais d'un plaisir plus haut.

Alain prend l'exemple d'un homme qui préfère le "plaisir facile" de lire des romans "de seconde valeur" (des romans de gare), "où tout est disposé pour plaire au premier regard" plutôt que le plus haut plaisir de lire de grandes oeuvres littéraires comme La Chartreuse de Parme de Stendhal ou Le lys dans la vallée de Balzac. Nous avons tendance à préférer les romans de gare (ou les bandes dessinées !) à la Chartreuse de Parme et au Lys dans la vallée car nous préférons le facile au difficile, le connu à l'inconnu, le plaisir immédiat et passif au plaisir raffiné, différé et actif que nous procurent les chef-d'oeuvres de la littérature. Alain n'entend pas nous interdire pour autant de lire des romans de gare (des romans policiers, des BD) - qui n'en lit jamais ? - mais veut nous inciter à lire aussi "des romans de première valeur".

Alain prend également l'exemple de la lecture d'un philosophe qu'il appréciait particulièrement : Michel de Montaigne. La lecture de Montaigne est difficile, même si nous le lisons dans une traduction en français moderne. Il y a beaucoup de références qui nous échappent, par exemple à des auteurs de l'antiquité grecque et romaine, à des événement contemporains de l'auteur, etc. Les Essais de Montaigne sont comme un labyrinthe dans lequel le lecteur moderne a du mal à s'orienter. On peut et on doit faire l'effort de le "connaître", de "s'y orienter", mais on ne peut pas le faire seul, il faut pour cela un "fil d'Ariane", une initiation par quelqu'un qui possède les "clés" de l'oeuvre. Nous aurons alors le plaisir de "découvrir" Montaigne, comme on découvre un paysage magnifique après une longue et fatigante ascension. Pour reprendre la distinction stoïcienne des choses qui dépendent de nous et de celles qui n'en dépendent pas, il n'est pas en notre pouvoir de comprendre d'emblée et sans aucune aide extérieure l'oeuvre de Montaigne, mais ce qui est en notre pouvoir, c'est de faire l'effort de nous intéresser à Montaigne, de lire Montaigne, bref, de nous saisir des clés d'un trésor intitulé "Les Essais de Montaigne".

VIII. Du concret à l'abstrait

Alain évoque dans la deuxième partie du texte la "géométrie par cartons assemblés". cette méthode pédagogique n'est pas totalement illégitime ; on peut l'employer dans les débuts, comme la méthode des "bûchettes" dans les petites classes pour initier l'enfant à l'arithmétique. Mais pour Alain, la géométrie "par cartons assemblés" ne peut constituer qu'une propédeutique à la géométrie véritable qui ne porte pas sur des figures réelles, mais sur des figures idéales. Autrement dit, la géométrie par cartons assemblés n'est pas une fin en soi. Il ne faut pas en rester au "concret", mais aller du concret vers l'abstrait.

Le plaisir d'assembler des cartons n'est pas un "plaisir vif", mais un plaisir modéré. Les problèmes les plus rigoureux (ceux que l'on trouve dans un livre de géométrie) et que l'on résout en utilisant le raisonnement pur, les mathématiques et non en manipulant des objets concrets, procure, selon Alain un plaisir "bien plus vif".

IX. Réhabilitation de l'ennui

Alain affirme qu'il faut savoir s'ennuyer d'abord résonne étrangement dans le contexte de notre "société de consommation" qui proscrit l'ennui et favorise systématiquement le divertissement.

Pour Alain, au contraire, il y a une positivité de l'ennui. L'ennui est le signe que "le savoir prend", que le plaisir immédiat est ajourné, que le décentrement nécessaire eu égard aux préoccupations égocentriques du moi s'effectue en faveur de l'Autre (l'objectivité des savoirs). Il faut savoir s'ennuyer, il faut savoir accepter de s'ennuyer, non pas parce que l'ennui aurait une valeur intrinsèque, mais parce que, là encore, il est lié à l'ajournement du plaisir en vue d'un plaisir plus haut.

L'auteur joue sur la polysémie du mot "goûter" : goûter des fruits confits, goûter des plaisirs plus hauts. On ne peut pas goûter au plaisir des sciences et des arts comme on goûte à celui des fruits confits car le plaisir que nous procurent les fruits confits est un plaisir sensible, éphémère, alors que le plaisir des sciences et des arts est un plaisir spirituel et durable. Le plaisir de manger des fruits confits ne vaut pas celui que nous procure la contemplation d'une oeuvre d'art où figure une grappe de raisins que nous ne pourrons jamais manger.

"L'homme se forme par la peine ; ses vrais plaisirs, il doit les gagner, il doit les mériter. Il doit donner avant de recevoir. C'est la loi." :

X. Alain, lecteur de Kant

a) Il faut apprendre aux enfants à travailler

Dans ses Réflexions sur l'éducation Emmanuel Kant (Emmanuel KANT, Réflexions sur l’éducation, 1776-1786.Trad. fr. par A. Philonenko, Vrin, 1987, pp.110-111) se demande si les enfants doivent être élevés à l’écart du monde des adultes dans un monde préservé du travail. L’éducation doit-elle viser à « l’épanouissement » des facultés naturelles de l’enfant, notamment son goût pour le jeu ?

Kant répond par la négative en avançant une conception de l’éducation fondée sur une définition de l’homme comme « animal laborans » : si l’enfant est un homme en devenir, alors il ne convient pas de l’élever comme un petit animal, il faut au contraire l’extraire de la nature, le faire sortir du « vert paradis de l’enfance » en lui apprenant à travailler.

« Il est de la plus haute importance que les enfants apprennent à travailler. » Contrairement aux animaux, l’homme doit travailler pour subvenir à ses besoins. Le travail n’est pas une « malédiction », une conséquence du « péché originel », car il nous fait échapper à la torture de l’ennui. Il y a deux sortes de repos : le mauvais repos de l’oisiveté et le bon repos qui suit le travail et permet à l’homme de réparer ses forces.

Le rôle de l’école est de faire entrer le petit homme dans la culture à travers le travail ; le penchant naturel au jeu ne doit donc pas être cultivé chez l’enfant au dépens du penchant au travail car sans culture et sans éducation l’homme n’est rien.

b) Le travail arrache l'homme à son existence immédiate

« L’homme est le seul animal qui doit travailler » : les animaux ne travaillent pas, ils assouvissent leurs besoins directement, sans transformer le donné naturel. L’homme, au contraire a besoin de « beaucoup de préparation » : il s’est mis à fabriquer des armes et des outils, à « apprivoiser » le feu, à transformer sa nourriture, à élever des animaux et à cultiver la terre… L’humanisation s’est accompagnée de la mise en place d’un « délai » de plus en plus grand chez l’être humain entre le besoin et sa satisfaction. Le travail est le résultat d'un projet conscient et volontaire, alors que l'activité animale est instinctive. Le travail arrache l'homme à son existence immédiate, en lui imposant la médiation du temps.

L’enfant n’est pas un petit animal, mais un homme en devenir. Il convient donc de l’éduquer en le faisant passer de la nature à la culture ; la culture, l’éducation suppose un certain arrachement au « vert paradis de l’enfance », semblable à celui où vivaient Adam et Eve avant la chute dans l’historicité. Cet arrachement peut être douloureux parce qu’il n’est pas « naturel » et nous pouvons avoir la "nostalgie" du "vert paradis de l'enfance".

c) Le rôle de l'Ecole

Kant souligne, à propos de l'entrée dans la culture, le rôle de l’École et on remarque qu’il ne parle ni de famille, ni de précepteur comme J.J. Rousseau dans l’Émile, son traité d’éducation où l’élève est éduqué par une seule personne, à l’ écart du monde et de la société.

Kant ne semble pas admettre pas non plus l’idée rousseauiste de s’instruire « dans le grand livre de la nature », ni de ne pas encombrer la mémoire de l’élève « avec des connaissances inutiles » : « Émile n’apprendra jamais rien par cœur.", décrète Rousseau.

Le rôle de l’éducateur n’est pas de distraire l’enfant, de l’amuser, mais de lui transmettre des connaissances explicites, précises, de lui indiquer, comme le dit Hannah Arendt dans La crise de l'Éducation : « Voici notre monde. »

Lectures complémentaires :

Kant, Emmanuel KANT, Réflexions sur l’éducation, 1776-1786.Trad. fr. par A. Philonenko, Vrin, 1987, pp.110-111.

Hegel, in Textes pédagogiques, Paris, Ed. Vrin,, 1978, p. 108 sqq.

John Stuart Mill, L'utilitarisme 

Hannah Arendt, "La crise de l'éducation" (in La crise de la culture)

Texte complémentaire :

Des gens jouaient aux Lettres, jeu connu ; il s'agit de former des mots avec des lettres éparpillées ; ces combinaisons excitent l'attention prodigieusement ; l'extrême facilité des petits problèmes à trois ou quatre lettres engage l'esprit dans un travail assez fatigant ; belle occasion d'apprendre les mots techniques et l'orthographe. Ainsi, me disais-je, l'attention de l'enfant est bien facile à prendre ; faites-lui un pont depuis ses jeux jusqu'à vos sciences ; et qu'il se trouve en plein travail sans savoir qu'il travaille ; ensuite, toute sa vie, l'étude sera un repos et une joie, par cette habitude d'enfance ; au lieu que le souvenir des études est comme un supplice pour la plupart. Je suivais donc cette idée charmante en compagnie de Montaigne. Mais l'ombre de Hegel parla plus fort.

L'enfant, dit cette Ombre, n'aime pas ses joies d'enfant autant que vous croyez. Dans sa vie immédiate, oui, il est pleinement enfant, et content d'être enfant, mais pour vous, non pour lui. Par réflexion, il repousse aussitôt son état d'enfant ; il veut faire l'homme ; et en cela il est plus sérieux que vous ; moins enfant que vous, qui faites l'enfant. Car l'état d'homme est beau pour celui qui y va, avec toutes les forces de l'enfance. Le sommeil est un plaisir d'animal, toujours gris et sombre un peu ; mais on s'y perd bientôt ; on y glisse ; on s'y plonge, sans aucun retour sur soi. C'est le mieux. C'est tout le plaisir de la plante et de l'animal, sans doute ; c'est tout le plaisir de l'être qui ne surmonte rien, qui ne se hausse pas au-dessus de lui-même. Mais bercer n'est pas instruire.

Au contraire, dit cette grande Ombre, je veux qu'il y ait comme un fossé entre le jeu et l'étude. Quoi ? Apprendre à lire et à écrire par jeu de lettres ? À compter par noisettes, par activité de singe ? J'aurais plutôt à craindre que ces grands secrets ne paraissent pas assez difficiles, ni assez majestueux. L'idiot s'amuse de tout ; il broute vos belles idées ; il mâchonne ; il ricane. Je crains ce sauvage déguisé en homme. Un peu de peinture, en jouant ; quelques notes de musique, soudainement interrompues, sans mesure, sans le sérieux de la chose. Une conférence sur le radium, ou la télégraphie sans fil, ou les rayons X ; l'ombre d'un squelette ; une anecdote. Un peu de danse ; un peu de politique ; un peu de religion. L'Inconnaissable en six mots. « Je sais, j'ai compris », dit l'idiot. L'ennui lui conviendrait mieux ; il en sortirait, peut-être ; mais dans ce jeu de lettres il reste assis et fort occupé ; sérieux à sa manière, et content de lui-même.

J'aime mieux, dit l'Ombre, j'aime mieux dans l'enfant cette honte d'homme, quand il voit que c'est l'heure de l'étude et qu'on veut encore le faire rire. Je veux qu'il se sente bien ignorant, bien loin, bien au-dessous, bien petit garçon pour lui-même ; qu'il s'aide de l'ordre humain ; qu'il se forme au respect, car on est grand par le respect et non pas petit. Qu'il conçoive une grande ambition, une grande résolution, par une grande humilité. Qu'il se discipline et qu'il se fasse ; toujours en effort, toujours en ascension. Apprendre difficilement les choses faciles. Après cela bondir et crier, selon la nature animale. Progrès, dit l'Ombre, par oppositions et négations.

Propos sur l'éducation (1932)

 



15 réactions


  • Gollum Gollum 5 février 2018 12:01

    Pas emballé par cette façon de voir assez manichéenne pour dire vrai. Opposer le facile et le difficile, rejeter l’apprentissage par jeu (même si Alain nuance quelque peu) pour l’opposer à l’apprentissage noble, difficile..


    Je pense qu’il faut à la fois rejeter le facile et le difficile. Conception orientale de la voie du Juste Milieu. De l’équilibre entre les contraires. 

    Ne surtout pas rejeter le jeu car celui-ci encourage l’apprentissage. Combien voit-on de personnes refusant d’apprendre une discipline sous prétexte qu’elle serait trop difficile ? Alors qu’en prenant plus de temps, en fractionnant l’apprentissage, en vagabondant, en ne cherchant pas de résultat explicite, immédiat, une discipline dite « difficile » finit par s’apprivoiser, au grand étonnement de celui qui s’y est adonné.

    Ne pas rejeter le difficile non plus car il y a toujours des moments de mutation brusque qu’il faut savoir assumer. Il suffit de savoir les repérer, les anticiper, pour les accepter intérieurement à l’avance, les rendant ainsi plus faciles.

    Sur le travail je préfère nettement la façon de voir de Nietzsche que celle d’Alain. J’y renvoie.

    Sur les animaux : que des vieilleries, des façons de voir que l’on sait être complètement fausses maintenant.

    Cette phrase est idiote : L’homme est le seul animal qui doit travailler » : les animaux ne travaillent pas, ils assouvissent leurs besoins directement

    Les lionnes qui doivent assumer toute une stratégie difficile afin de coincer une proie je doute fort, si elles étaient en capacité de parler, qu’elles diraient qu’elles ne travaillent pas et qu’elles assouvissent leurs besoins directement… Les seuls animaux qui assouvissent leurs besoins directement sont les animaux domestiques (mangeoires pleines sans intervention de leur part)

    Quant au traditionnel l’activité animale est instinctive, rien n’est plus faux. Les animaux savent anticiper, se projeter dans l’avenir (éléphants qui sentent la sécheresse venir et décident de se déplacer). Bref, il serait bon d’intégrer quelque peu les données de l’éthologie moderne au lieu de ressasser les poncifs des siècles précédents.


    • Robin Guilloux Robin Guilloux 5 février 2018 12:17

      @Gollum


      Alain pense à l’Ecole de la République et à la majorité des enfants. Il ne pense ni aux adultes, ni à ceux que l’on appelle aujourd’hui les « enfants précoces ». Cette école qui a fonctionné jusque dans les années 70 (Réforme Haby : 1974) a formé des générations d’enfants qui savaient lire, écrire et compter correctement. Il y a une lettre de Karl Marx à Friedrich Engels dans laquelle il écrit vers 1875 : « La France possède désormais la meilleure école du monde ». 

    • Gollum Gollum 5 février 2018 12:32

      @Robin Guilloux

      J’avais bien compris. Il est vrai que j’ai appris à  lire, écrire et compter correctement.

      Il n’en est pas moins vrai aussi que j’y ai appris l’ingurgitage de force sans participation active de ma part, que j’y ai eu la sensation d’être une oie que l’on gave, d’y avoir appris la passivité et la soumission

      En fait tout ce que j’ai appris de réellement important, je l’ai appris de moi-même, parce que j’avais en moi le goût du savoir. 

      Ce n’est pas l’EN qui m’a donné ce goût du savoir. En fait j’ai relativement bien résisté au broyage opéré par l’EN. Tous mes autres petits camarades se sont contentés d’oublier une fois arrivés à l’âge adulte, et de ne pas continuer à s’instruire parce qu’on ne leur en avait jamais donné le goût…

      C’est bien beau le difficile mais ça a des effets pervers. J’en conviens le facile aussi. On est passé en fait d’un pôle à l’autre...

    • Alren Alren 5 février 2018 13:33

      @Gollum

      Bien sûr que la pédagogie d’Alain était inadaptée pour former un citoyen amoureux de la connaissance et de la culture.
      Quand on a souffert d’un enseignement austère et source de souffrances, on a tendance à prendre en grippe ce qui a fait l’objet des cet apprentissage. Ce que reconnaît l’adage : « Chat échaudé craint (même) l’eau froide »

      Il a une conception archaïque l’être humain : c’est un dualiste qui sépare complètement l’esprit (l’âme ?) du corps, ce qui l’amène à négliger le rôle essentiel des émotions dans la mémorisation et la structuration de la personnalité.
      Elles sont extrêmement fortes d’autant que l’enfant est plus jeune et que ne s’est pas développé ce « surmoi » qui permet de les relativiser et donc d’en diminuer l’importance.

      Il néglige totalement l’importance de l’apprentissage par motivation qui succède à l’apprentissage par imitation des premiers âges.
      Or il n’y a pas de motivation sans plaisir et le jeu est le meilleur plaisir à créer pour apprendre durablement.
      C’est la grande difficulté de la pédagogie du primaire jusqu’au lycée : susciter l’intérêt pour ce qu’il faut comprendre et apprendre.


    • Gollum Gollum 6 février 2018 09:40

      @Alren

      c’est un dualiste qui sépare complètement l’esprit (l’âme ?) du corps


      Oui. Et en ce sens il est bien l’héritier de ce christianisme manichéen qui a fait de même pendant des siècles.

  • Gollum Gollum 5 février 2018 12:24

    Sur le travail : 


    Se trouver un travail pour avoir un salaire : - voilà ce qui rend aujourd’hui presque tous les hommes égaux dans les pays civilisés ; pour eux tous le travail est un moyen et non la fin ; c’est pourquoi ils mettent peu de finesse au choix du travail, pourvu qu’il procure un gain abondant. 
    Or, il y a des hommes rares qui préfèrent périr plutôt que de travailler sans plaisir : ils sont délicats et difficiles à satisfaire, ils ne se contentent pas d’un gros gain lorsque le travail n’est pas lui-même le gain de tous les gains. De cette espèce d’hommes rares font partie les artistes et les contemplatifs, mais aussi ces oisifs qui passent leur vie à la chasse ou bien aux intrigues d’amour et aux aventures. Tous cherchent le travail et la peine lorsqu’ils sont mêlés de plaisir, et le travail le plus difficile et le plus dur, s’il le faut. Sinon, ils sont décidés à paresser, quand bien même cette paresse signifierait misère, déshonneur, péril pour la santé et pour la vie. Ils ne craignent pas tant l’ennui que le travail sans plaisir : il leur faut même beaucoup d’ennui pour que leur travail réussisse. Pour le penseur et pour l’esprit inventif, l’ennui est ce “calme plat” de l’âme qui précède la course heureuse et les vents joyeux ; il leur faut le supporter, en attendre les effets à part eux : - voilà précisément ce que les natures inférieures n’arrivent absolument pas à obtenir d’elles-mêmes ! Chasser l’ennui à tout prix est aussi vulgaire que travailler sans plaisir… 

    Nietzsche, Le Gai Savoir, § 42.

    On peut dire ici, de la part d’un auteur qui a toujours voulu réconcilier les opposés, qu’il s’oppose à la vision manichéenne que j’ai dénoncé plus haut. Il fait du oisif un travailleur, du travail difficile un plaisir ce qui est une manière d’en ôter la difficulté.

    • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 6 février 2018 06:24

      @Gollum

      Tout à fait d’accord avec ce que vous disiez plus haut. L’opposition que fait Alain est par trop manichéenne et partant, un peu facile
       
      L’approche de Nietzsche va davantage à l’essentiel qui tient simplement au fait que le plaisir doit venir de l’activité elle-même (motivation intrinsèque) et non d’une récompense externe (motivation extrinsèque) qui dévalorise l’activité d’autant plusqu’elle est importante (cf. les expériences de Festinger sur la dissonance cognitive, il y a plus de 60 ans).
      (ceci dit je ne suis pas absolument contre un système de récompense pour aider l’enfant à traverser la phase d’ennui ou même de souffrance (quand il se vit déjà comme étant en échec).
       
      Pour revenir à Alain, son propos se résume en deux mots chers à Piaget : l’assimilation et l’accommodation. La première est source des plaisirs faciles, la seconde celle des plaisirs qui coûtent. Et pour Piaget, il est évident que l’adaptation (l’intelligence) découle de l’équilibre assimilation et accommodation. Les deux sont nécessaires et un équilibre (dynamique, pas nécessairement statique) doit être constamment recherché.
       
      Celui qui est (mis) dans l’accommodation en permanence, cad, n’accède pas aux fruits de ses efforts (l’assimilation), celui-là s’épuise et se désespère. C’est le cas des élèves en échec scolaire. Ils ont payé le prix de l’ennui, le prix de la souffrance et n’ont rien obtenu. Dès lors, ils refusent ce jeu pervers et n’avancent que contraints et forcés, quand ils ne s’enfuient pas smiley
       
      Le grand malheur de l’éducation nationale est que des notions aussi élémentaires mais fondamentales que celles que je viens d’évoquer n’ont jamais vraiment fait trace ni sens dans l’esprit de la plupart des enseignants. Seuls les enseignants spécialisés du RASED ont grosso modo accédé à ces significations déterminantes pour leur pratique. L’avènement du cognitivisme STI (système de traitement de l’information) n’a fait qu’aggraver leur égarement. La récente OPA des neurosciences sur l’Education Nationale va définitivement les enterrer. Ils ne comprendront plus rien à rien et seront seulement dans une stratégie de survie au quotidien avec pour principales issues la démission ou le suicide.
       
      Autrement dit, l’échec scolaire va bientôt être celui des enseignants autant que des élèves. Et il faudra patienter jusqu’à ce qu’il devienne aussi celui de l’Education Nationale. C’est pourquoi l’entrée en lice des neurosciences est finalement une bonne chose. L’échec patent du ministère n’arrivera que plus vite !


    • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 6 février 2018 06:50

      @ l’auteur

      Merci pour cet aperçu très intéressant sur les conceptions d’Alain. Il offre une belle matière à réflexion mais il est clair qu’on ne peut plus s’y arrêter, sauf à monter sur ses épaules smiley


    • Gollum Gollum 6 février 2018 09:45

      @Luc-Laurent Salvador


      Merci pour ces explications d’un professionnel du secteur (ce qui n’est pas mon cas).

      Autrement dit, l’échec scolaire va bientôt être celui des enseignants autant que des élèves. Et il faudra patienter jusqu’à ce qu’il devienne aussi celui de l’Education Nationale. C’est pourquoi l’entrée en lice des neurosciences est finalement une bonne chose. L’échec patent du ministère n’arrivera que plus vite !

      Oui. Je crois qu’il vaut mieux, dans certains cas, que l’échec aille jusqu’au bout, plutôt que de redresser quelque chose de trop bancal. Cela aura le mérite de tout remettre à plat pour repartir sur de bonnes bases. En ce sens, l’EN ne fait qu’imiter l’ensemble de la civilisation occidentale.

      Là encore un aphorisme de Nietzsche : Quand un arbre est prêt à tomber il ne faut pas le retenir mais au contraire le pousser !

    • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 9 février 2018 11:20

      @Gollum

      « En ce sens, l’EN ne fait qu’imiter l’ensemble de la civilisation occidentale. »

      Oui, très bien vu !

      Et là encore bien d’accord avec Nietzsche sauf que quand même il vaut mieux parfois laisser faire les choses plutôt que d’être jugé coupable de ce qui serait de toute façon arrivé tout seul...


  • Sinbuck Sinbuck 5 février 2018 12:55

    Les différentiations énoncées par Alain et explicitées par Robin Guilloux sont intéressantes et toujours d’actualité. La pédagogie du jeu ou du courage, de l’attention et de l’ennui. Il y a en effet comme l’exprime Gollum une distinction manichéenne un peu simpliste.


    Le problème de l’éducation est complexe et tout rentre en compte pour transmettre un savoir ou inciter les élèves aux développements de certaines compétences. Même l’état psychologique du prof le jour du cours rentre en compte (comme l’état psy de l’élève ou l’étudiant).

    Pour éviter que les pensées s’opposent dans tous les sens, il faut déjà distinguer l’âge de l’apprenant pour trouver la bonne méthode. Mon expérience (pour des élèves de lycée et de BTS) dans le savoir mathématiques et des sciences physiques et chimiques n’aboutie pas aux mêmes conclusions que celles de ma femme (prof des écoles en maternelle et en CP). C’est évident.
    • Pour un enfant de 3 à 8 ans, le jeu dans les apprentissages est bénéfique.
    • De 8 à 13 ans le goût de l’effort dans l’acquisition des apprentissages est de plus en plus important.
    • De 14 à 17 ans : la transmission magistrale du savoir doit s’effacer progressivement devant la notion de « l’élève acteur de sa formation »
    • De 17 à 25 ans : l’autonomie dans le travail est essentielle et le « jeu » n’a pas trop de sens. Le développement de l’abstraction chez l’apprenant est essentielle.
    C’est pourquoi j’aime distinguer en fonction de l’âge des évidences humaines que l’on a tendance à oublier : développer les instincts du corps chez les petits, stimuler la stabilisation des émotions chez les moyens et structurer le mental chez les grands. Chaque étape nécessite de grands développement à chaque étape, mais ce n’est pas le propos ici.

    Je pense finalement que la charisme de l’enseignant est essentiel et que les méthodes peuvent varier en fonction de chaque psychologie (qu’il s’agisse des profs ou des élèves) d’où l’idée de différentiation pédagogique au sein d’une même classe et de liberté et/ou d’autonomie dans l’application des méthodes pédagogiques. Ensuite le goût de l’effort (à tous les âge) est essentiel et là Alain l’exprime assez clairement. Enfin, il y a principalement deux méthodes pédagogiques (et toutes les méthodes intermédiaires nuancées) :
    • ceux qui font apprendre par cœur et qui attendent une restitution avec rigueur (j’appelle cela l’apprentissage des ânes)
    • ceux qui s’efforcent de stimuler chez l’apprenant les aptitudes à résoudre « par lui-même » une approche de la solution souhaitée.
    Bien sûr il s’agit combiner un peu les deux (30% pour la première et 70% pour la seconde méthode) dont les proportions varient en fonction de l’âge des élèves.

    • Sinbuck Sinbuck 5 février 2018 14:41

      @Choucas
      plutôt marrant et navrant aussi. Cependant je suis d’accord avec toi pour la réflexion (inutile souvent et hors contexte) des pédagogues théoricien comme pour désigner un ballon par un « référentiel bondissant ». Cependant je suis sur le terrain et je parle de mon expérience...

      Merci pour les chiffres entre France et Allemagne (salaire profs)
      Tu fais preuve de beaucoup de dérision et d’approfondissement des idées (surtout dans la critique) mais as-tu des solutions ?

    • Sinbuck Sinbuck 5 février 2018 18:01

      @Choucas
      Trop de radicalité dans tes propos, les minorités culturelles n’ont pas causé l’effondrement du système éducatif. C’est le « mental rationnel » qui en est la cause...


  • Sinbuck Sinbuck 5 février 2018 13:05

    Voir certaines hypothèses/solutions/propositions que j’énonce pour généraliser la problématique de l’Education Nationale : http://histoire-des-sciences.eu/education-et-paradigme-2/



  • rogal 5 février 2018 14:57

    Les Propos, sur l’éducation comme sur tout autre sujet (guerre, sagesse, etc.) étaient écrits au jour le jour et destinés au public. Ils ne faut pas considérer leurs recueils comme formant des traités.
    Dans « Mars ou la guerre jugée », par exemple, on voit évoluer fortement le point de vue d’Alain, entre le début et la fin, sur les ressorts de l’obéissance.
    Je doute que l’on puisse dire que les « Propos sur les philosophes » exposent une histoire de la philosophie, et encore moins une philosophie. Je doute, donc je suis... alinien, car une de ses leçons les plus fortes est peut-être notre devoir de mette en doute les autorités de toutes espèces ; la parole des pouvoirs établis au premier chef.


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