jeudi 30 juillet 2020 - par Robin Guilloux

Michael Crichton, Sphère

Michael Crichton, Sphère

Michael Crichton, Sphère

Michael Crichton, Sphère, traduit de l'américain par Jacques Polanis, Editions Robert Laffont, 1988

L'auteur : 

Michael Crichton, né le 23 octobre 1942 à Chicago et mort le 4 novembre 2008 (à 66 ans) à Los Angeles, est un écrivain américain de science-fiction, scénariste et producteur de films. Auteur de nombreux romans et nouvelles à succès comme Jurassic Park, Sphère ou encore État d'urgence, il est souvent considéré comme étant l'un des pionniers du techno-thriller. Il a au cours de sa carrière utilisé les pseudonymes de Jeffery Hudson et John Lange. Ses trois derniers ouvrages, Pirates (2009), Micro (2011) et Dragon Teeth (2017), ont été publiés à titre posthume.

Le roman (quatrième de couverture) :

Dans le sud de l'océan Pacifique, à des milliers de mètres sous la mer, un étrange vaisseau spatial est repéré, reposant sur les fonds sablonneux... Un groupe de savants américains descend dans les abysses pour examiner cette extraordinaire découverte qui défie leur imagination : un engin spatial intact après une chute aussi vertigineuse ! Encore plus incroyable, il semble que l'objet qu'il contient, une sphère, ait traversé au moins trois siècles... Provient-elle d'un univers différent ? Du futur ? Un fait est certain : elle n'a pas été construite par l'homme.

Résumé :

Des scientifiques américains sont embarqués dans une expédition sous-marine, le but étant d'observer un vaisseau spatial immergé depuis trois cents ans au fond de l'eau. Ils y trouvent une sphère dorée luisante qu'ils pensent être venue de l'espace. La sphère s'ouvre mystérieusement. Chacun des scientifiques parvient à y entrer sans en garder le souvenir. Une série d'événements bizarres s'ensuit car la sphère donne à celui qui y est entré le pouvoir de matérialiser, inconsciemment, ses pensées …

Mon avis sur le roman :

On retrouve dans Sphère les ingrédients habituels des romans de Michael Crichton : un suspens sans temps mort, une écriture efficace et sans fioritures, des personnages bien campés, des informations scientifiques exactes (notamment en psychologie, en astrophysique, en mathématiques et en biologie marine), à la portée du profane...

Ce qui fait l'originalité de Sphère, ce n'est pas tant ce vaisseau spatial venu du futur et dont l'origine n'est pas extra-terrestre, mais ce mystérieux artefact, cette "Sphère" qui, elle, ne semble pas être d'origine terrestre.

Tout le roman tourne autour du mystère de cet objet que les trois personnages principaux s'efforcent tour à tour de percer et qui semble capable de lire leurs pensées, d'enregistrer leurs émotions, de réaliser leurs désirs les plus secrets.

L'intérêt du roman ne réside pas dans la communication avec une quelconque entité extra-terrestre, mais dans la mise en évidence du fait que l'être humain est capable de réaliser, pour le meilleur et pour le pire, tout ce qu'il est capable d'imaginer et par conséquent dans la nécessité pour lui, s'il veut survivre, de se connaître et de s'accepter (de connaître et d'accepter son "ombre", explique Norman, le psychologue du groupe en se référant à Jung, c'est-à-dire sa part obscure, son inconscient).

Beth, la spécialiste en biologie marine est une femme très compétente dans son domaine et Harry est un brillant mathématicien, mais ils ne se connaissent pas vraiment ; leur personnalité est construite sur des peurs, des frustrations, un sentiment d'infériorité qu'ils ont compensé en développant leur intellect.

La Sphère que Norman, le psychologue du groupe compare à une "enzyme de l'esprit" va concrétiser ces peurs et ces frustrations qui vont se révéler d'autant plus dangereuses et destructrices que Beth et Harry refusent de comprendre que ce sont leurs propres pensées qui produisent ces manifestations destructrices et qu'ils se croient parfaits.

Norman, qui a réussi à entrer le dernier dans la Sphère et qui se connaît mieux lui-même est lui aussi victime de son "ombre" : il éprouve la tentation de regagner seul la surface en abandonnant les deux survivants de l'équipe.

A la fin du roman, Norman propose à Beth et à Harry de renoncer aux pouvoirs que leur confère la Sphère en l'effaçant de leur mémoire avec tout ce qui s'y rapporte afin qu'elle ne tombe pas aux mains de l'armée. Car, comme le dit Norman, Dieu seul sait ce que pourrait faire un pays qui déciderait de se servir de la Sphère comme d'une arme. 

"Le sommeil de la raison engendre des monstres" a dit Goya. Mais on peut dire aussi que c'est la raison elle-même qui engendre des monstres quand elle refuse de s'interroger sur son "ombre". 

On peut lire Sphère de plusieurs manières : comme un formidable thriller, mais aussi comme une parabole philosophique. La Sphère est un miroir, elle ne fait que refléter le niveau de conscience (et d'inconscience) de ceux qui y pénètrent. L'humanité, comme dit Hölderlin est "riche en mérites", elle a atteint un degré de développement scientifique et technologique extraordinaire. Nous sommes capables d'aller sur la Lune, d'explorer les autres planètes, de descendre au fond des océans, de manipuler les gènes du vivant, mais notre conscience morale et spirituelle est loin d'être à la hauteur de nos pouvoirs.

L'homme a conquis le monde et est en passe de conquérir l'univers. Il lui reste à se conquérir lui-même pour ne pas être détruit par ses conquêtes.

Car comme le dit l’Évangile : "A quoi sert à l'homme de conquérir l'univers, s'il vient à perdre son âme ?"

 



6 réactions


  • Gollum Gollum 31 juillet 2020 09:46

    On peut voir la sphère comme archétype du Soi dirait un disciple de Jung.

    Elle git au fond de l’océan et donc de l’inconscient rajouterait notre psy..

    Bon, c’était plus pour meubler votre texte afin qu’il ait au moins un commentaire que vous ne vous sentiez pas tout seul... smiley


  • Loatse Loatse 31 juillet 2020 14:12

    J’ai bien aimé cette fiction et la lecture que vous en faites, Robin, me satisfait beaucoup (ou entre en résonnance avec la mienne au choix ;)

    Sphere, c’est comme une marche qui m’a menée de manière inconsciente puis consciente vers d’autres marches/fictions telles que « la vie des maîtres », la propéties des Andes (sur les synchronicités) puis dernièrement à l’écoute d’ Eckart Tolle.


    « A quoi sert à l’homme de conquérir l’univers, s’il vient à perdre son âme ? » dites vous...


    Pour certains perdre son âme c’est adhérer « au système », pour d’autres c’est faire fi de certaines lois qui régissent le quotidien de milliards d’individus, contester les dogmes...


    Je ne m’étais jusque là, jamais vraiment penché sur la question : qu’est ce que perdre son âme ?


    A la lecture de votre article je me demande si perdre son âme n’est pas fuir ou tenter de fuir notre moi conscient... se laisser dominer par la peur, laquelle peut générer bien des monstres intérieurs, lesquels sous différentes formes s’inscrivent dans la réalité...


    A quand la « levée du voile » ?

     


    • Robin Guilloux Robin Guilloux 31 juillet 2020 22:26

      @Loatse

      Je me suis posé les mêmes questions en commençant à lire le texte j’ai eu peur de trouver une banale histoire d’extra terrestres mais ça parle de tout à fait autre chose ça parle de nous pardon pour le manque de ponctuation j’écris sur mon portable


  • HELIOS HELIOS 31 juillet 2020 17:07

    ... il existe un film de Barry Levinson avec Dustin Hoffman, Sharon Stone, Samuel L. Jackson de 1998 tiré de cette nouvelle (jouent également Peter Coyote  E.T, Erin Brockovich  et Queen Latifah, la chanteuse)

    Ce n’est pas un chef d’oeuvre, certes, mais en se replaçant à l’époque de sa sortie, c’est visible... de la SF d’époque.


  • Wald 1er août 2020 21:42

    Merci pour le compte rendu, Crichton est un auteur de SF que je n’ai jamais lu et je l’aurai à l’esprit désormais. 

    Le scénario fait quand même peu original, la matérialisation des pensées est un thème traité dans d’autres films, il y a bien sûr l’excellent Solaris de Tarkovski (pas son remake nullissime avec Clooney), mais aussi des catastrophes (Event horizon, le vaisseau de l’au delà).

    Post-ado, j’avais vu le film d’un coin de l’oeil à la tv, l’adaptation m’avait paru pseudo-philosophique, lourdingue et réalisée à la truelle.


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