lundi 21 janvier 2013 - par la Singette

« Normal » de Fred Romano ou scènes extraordinaires de la vie familiale !

Fred nous revient avec un nouveau roman « Normal » au thème emblématique qui fait le zèle littéraire de cette auteure géniale qui dégomme une famille ordinaire au blaze « Bourgeois ». Tout un programme ! Toujours en verve et en finesse, Fred dresse un huis-clos magistral. Elle s’en donne à cœur joie dans les monologues des héros, qui se télescopent le trop de réalité. La promiscuité de cette famille nombreuse avec les apparences peut s’avérer si trompeuse !

 

 
Même qu’en 2011 à quatre mains avec le Bartos, elle vous a concocté aux petits gnons des visuels de sa composition pour leur feuilleton « On n’en parle jamais  » qui a paru une fois par semaine durant 24 épisodes : http://www.lepost.fr/perso/on-n-en-parle-jamais/
 
Coluche ne s’y était pas trompé, tombant en amour pour la belle durant plusieurs mois. Fred la dernière compagne du sacré bonhomme a relaté leur amour fou et zarbi les amis dans son merveilleux roman du « Film pornographique le moins cher du monde  » (2000) : http://lasingette.blogspot.fr/2006/.... J’en dis tout le bien sur mon blog de l’époque. (O fête mon ami Pascal Kneuss, chroniqueur littéraire suisse est en train de le lire et bientôt nous écrire son article sur son blog favori : http://passion-romans.over-blog.com/ avec à la clé déjà une superbe critique de « Normal  » !)
 
La littérature elle connait et la planète est trop petite pour elle. Elle parle et lit l’anglais, l’espagnol, le catalan, le français et je dois en oublier au passage. Riche de sa multiculture et son expressivité informatique depuis son île de Formentera aux Baléares, elle ne vit pas en recluse mais en citoyenne du monde et des cultures vivantes.
 
 
Des nouvelles, elle en donne aves ses « Contaminations  » (2001 ). Un recueil de toutes les calamités écologiques du fait de la main du genre humain. Plus besoin d’être gaulois pour croire que le ciel va nous tomber sur la tête. Ciel on est mortel…. Merde alors ! Les farines animales, les rivières qui se baignent au mercure, les couches de souffre sur les bonbons destinés aux enfants, les délices de l’amiante, les réchappés d’une explosion nucléaire… toutes ces contaminations entrent en scène chez Fred  ! Il faut vous dire, qu’en plus de son talent littéraire affirmé, Fred est une scientifique de renom et une informaticienne qui a fait sienne le langage des machines auquel je ne pige que couic. La médecine allopathique avec ses tics à la Kong lui avait prédit la vie brève dès les années 2002. Du pathos faisons table rase de sa sclérose multiple, Fred gagne à vivre et se soigne avec les eaux thermales en Hongrie et sous le climat clément de Formentera. Avec un mental fortiche, ses recherches aboutissent à se soigner de façon saine sans tous les effets secondaires de la médecine officielle.
 
En 2006, elle publie « Basque Tanger  », une plaidoirie pour l’amour fou et une baffe à la camarde entre Inaki (désolé pour l’accent sur le n que ma mon clavier ignore encore) un Basque espagnol emprisonné pour trafic de haschich à Tanger et Mirem sa belle atteinte d’un cancer incurable qui refuse la chimiothérapie. Un roman une fois de plus envoûtant qui repousse encore les limites humaines.
 

Comment ne pas omettre le moindre talent de cette Fred si riche personne de tous ses trésors de composition. Le quatrième de couverture de son roman «  Normal  » me fournit l’alibi rêvé. «  Has-been, fantôme de l’Opéra, exilée volontaire, pionnière Internet et enfin neurodégénérative, Fred Romano, active, biologiste, reporter, activiste, programmatrice html, catalane, céramiste, sclérosée en plaques, polyglotte, tireuse de Tarot de Marseille, photographe, bouddhiste, dzogchen, installatrice solaire, apnéiste, etc, n’est pas seulement une auteure, c’est un tout. Cependant, elle avoue elle-même ne rien comprendre au puzzle de ses existences  ».

Franchement, comment parler de ce roman hors des normes de la littérature aseptisée des pisse-froids qui inondent de leur sénilité affirmée les librairies ? A rebrousse-poil, Fred s’en peigne sa superbe tignasse et vous sourit avec son regard qui zèbre l’azur. J’attends toujours d’un livre qu’il me tombe des mains tellement il m’a surpris. Chez Kirographaires, son éditeur, aucun souci à l’encollage. Avec Fred attention au décollage, ça vous déménage à chaque page.

Déjà dans la forme, chaque personnage haut en couleur s’astique la posture à s’exprimer à la première personne du singulier, déclinant ses rapports pluriels et conflictuels avec la communauté familiale au nombre de huit, qui vit et sévit sous le même toit. De classe moyenne au blaze de Bourgeois, cette famille le porte en sautoir pour se donner un genre. Dans un pavillon retranché à Orgeval en banlieue parisienne au fronton d’un parc paysager, c’est une famille recomposée et multi-ethnique sur trois générations qui a le chic à tous les âges de la vie, à se fiche sur la tronche tous ses préjugés de classe pour tirer les marrons du feu et se farcir la tirelire sur le dos des autres. Et comme de bien entendu, il y a les secrets de famille bien gardés qui ressurgissent et jouissent dans le malaise.

Au départ, je l’avoue, avec ce huis-clos, j’avais un peu peur même si j’adore ces situations. On n’est pas du tout, je vous rassure dans un film protestant de chez Bergman, d’une famille qui se morfond la psyché sur le cadavre encore fumant de l’ancêtre. Portrait de famille, le vieil Auguste n’a rien du clown triste, il est flanqué de sa tribu avec Barbara sa moitié pour l’éternité, leurs deux filles Nana et France et leurs maris à la nationalité à faire frémir Marine Lapeine à jouir, avec leurs deux jumelles et une demi-sœur. Il y a aussi les zinzins de service avec la Dominique et Hyppolyte la bête humaine, la bête fauve, le môme infâme qu’on cache à la cave pour cause apparente de trisomie.

Comme toujours chez Fred avec son sens scientifique de cerner ses personnages au scalpel, rien n’est laissé au hasard. Tout le monde s’aime pour les apparences et se poignarde au couteau dans le dos pour des propos, des broutilles, des jalousies, un égo et des visées sur le fric très développées. Une famille banale, normale, quoi ! Vous me direz, mais de-là à écrire un roman, c’est pas un peu léger comme concept ? Du tout, on ne s’ennuie pas. Fred a le regard exercé. Elle peut même se permettre des touches d’humour où on ne s’y attend pas. Et cette routine familiale avec ses tics et ses tocs s’avère bien fragile. Le jour où un événement survient comme élément déclencheur de toutes les torpeurs et les haines larvées qui se révèlent au grand jour dans les propos. Imaginez, Hyppolyte est invité à participer à une émission de télé. Le taré congénital, le monstre familial qu’on cache en sous-sol, comme représentant de cette superbe famille unie. La guerre est déclarée chez les Bourgeois et pas de quartier. Il faut sauver coute que coute la famille en danger.

J’adore les deux frangines hackeuses ados qui prônent « l’hacktivisme est une hacktivité à proprement parler prenante  ». (page 84) Car en plus les gamines elles sont engagées. Elles ont déjà un projet de société bien particulier ! Le personnage d’Hyppolite reclus par sa famille malgré lui est aussi très attachant et dérangeant. « Nous les handicapés, devons être militants ou mourir. Notre contestation est notre droit à la vie et le silence notre condamnation. C’est pourquoi parfois j’ai le besoin de crier, de hurler jusqu’à m’en étourdir, jusqu’à m’en rendre sourd  ». (page 140)

A croire aussi, qu’aucun de ces personnages ne nous soit complètement inconnu. Etonnant non ? Normal ! Tout, tout vous saurez tout sur la famille Bourgeois, ses haines, ses rancœurs, ses rapports au fric, à la nique, aux chiens, ses mœurs étranges. Comment également en vivant en vase clos, certains esprits forts peuvent s’évader. Un peu comme le personnage de Jack London qui avait la faculté de s’extraire de sa camisole de force et se rire de ses gardiens pour voyager. Mais c’est une autre histoire.

Chaque livre de Fred Romano est un bel ouvrage à part. A chaque nouveauté, on est surpris. Elle renouvelle son genre littéraire. Elle est inclassable, c’est tout son charme. Imprévisible par son talent, c’est une grande dame de l’écriture encore par trop méconnue. A croire que les éditeurs du landerneau parisien l’ignorent, par ce qu’elle a décidé de s’exiler du pays franchouille et que ses écritures qui la démangent dérangent.

En parlant de talent justement, je vous offre en avant-première un extrait de son dernier ouvrage consacré à Alger, qui cherche à être édité et que la grande Fred a encore beaucoup travaillé. C’est un bel ouvrage accompli : http://mondesfrancophones.com/blog/... Avis aux éditeurs……

Après avoir lui « Normal  » de Fred Romano, vous ne regardez plus jamais du même œil votre famille !

Normal de Fred Romano, éditions Kirographaires, octobre 2012, 142 pages, 16,95 euros.

 

La bibliographie de Fred Romano :

Le film pornographique le moins cher du monde, roman chez Pauvert (2000)

Contaminations, nouvelles chez Pauvert (2001)

Basque Tanger, roman chez Scali (2006)

Son cyberoman Edward_Amiga : http://www.terra.es/personal/fromano

 

Extrait :

Dans cette maison du parc d’Orgeval, dans ce trou du cul du monde, nous sommes guère plus que des recluses au sein de cette famille psychotique qui nous restreint l’accès à la télévision, nous interdit de parler aux étrangers et même d’aller à l’école. France notre mère prétend que dans notre pays c’est l’éducation et non l’école qui est obligatoire, aussi a-t-elle ordonné à Adèle qu’elle se charge de nous apprendre les rudiments exigés pour nous éviter la mauvaise influence des collèges publics. Celle-ci ne s’est pas fait prier, elle avait besoin de nous former dans le cadre de la lutte pour l’Avènement Indigène. N’ayant guère d’autre opportunité de distraction qu’Internet, Josiane et moi, avons épuisé notre combativité dans l’apprentissage et sommes devenues ce que l’on pourrait appeler d’excellents artisans. Nous avons même réussi à enseigner le langage html à Hippolyte, à condition qu’il fasse le chien et nous lèche les pieds, s’il veut obtenir de nous des invocations JavaScript, dans lesquelles nous sommes devenues aussi expertes qu’Adèle.




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