samedi 28 avril 2018 - par Venise

“Travail 2025” du sociologue Domenico De Masi

 

Un sociologue qui cite sur la première page de son site officiel une phrase de Paul Valéry “Il faut être léger comme l'oiseau et non comme la plume” a de quoi étonner. Vous n'êtes pas au bout de vos surprises. Sur sa page intitulée “Paradigma” (paradigme) le choix visuel de ce qui est exemple de perfection est un buste de l'Empereur Adrien avec ces trois mots “Différent, multiple, multiforme”.

Sur “Compétences” une photo d'Amour et Psyché du grand sculpteur vénitien Canova et une citation d'Apulée (écrivain platonicien du II ème siècle après J.C.) extraite de “L' âne d'orou “Les métamorphoses” : “Ainsi Psyché devint l'épouse légitime de Cupidon (“Amore” en Italien) et quand arriva l'heure de l'accouchement nacquit une petite fille appelée Volupté”.

Ceci pour vous expliquer que le sociologue italien Domenico de Maso n'est pas le sociologue habituel nourrit au marxisme mais nourrit à la culture humaniste gréco-latine telle qu'elle existe encore chez les élites italiennes. 

Cette étude prédictive sur comment évoluera le marché du travail en Italie et en Europe en général dans la prochaine décénnie est coordonnée par le sociologue Domencio De Masi et suit la méthodologie scientifique Delphi avec la collaboration de onze experts de différents secteurs : Leonardo Becchetti, Federico Butera, Nicola Cacace, Luca De Biase, Donata Francescato, Fabiano Longoni, Walter Passerini, Umberto Romagnoli, Riccardo Staglianò et Michele Tiraboschi, tous ignorant qui a commandité cette analyse, afin de ne pas les influencer.

Bonne question ! Qui a commandé cette analyse prédictive sociologique à celui qui est considéré comme le meilleur sociologue du travail en Italie ? Le Mouvement 5étoiles. Celui qui est désormais le premier parti politique en Italie, qui a gagné les élections le 4 Mars dernier avec le centre-droit de la coalition Salvini- Berlusconi-Meloni.

Un mouvement "anti-système" qui a été toujours accusé par les partis traditionnels de ne savoir rien faire, d'être sans expérience, de cette génération sacrifiée par les gouvernements passés pour les besoins du système. Ces pseudos "bons à rien", en prévision de la probabilité d'aller gouverner le pays ces cinq prochaines années (affaire à suivre car on ne sait pas encore qui ira au pouvoir) a eu l'humilité et l'intelligence de demander à qui est spécialisé en sociologie du travail de prévoir ce qui arrivera demain afin de prendre les décisions les plus opportunes pour guider le pays. Belle preuve de sagesse non ? Domenico de Maso en a été très heureusement surpris, précisant bien que c'est la première fois dans sa vie (et il n'est pas jeune) que des politiciens le lui demande, à lui, le plus éminent professeur de sociologie du travail en Italie.

Suite à la remise de l'étude en mai 2017, le Mouvement 5 étoiles a invité tous les membres de la Chambre des députés à venir écouter les résultats de cette analyse prédictive, invitation que nombreux ont accueilli avec intérêt. Pendant deux jours, cela a été l'occasion de débats à la Chambre des députés sur les résultats obtenus, conférence qui a été posté sur You Tube par le Mouvement 5étoiles (en lien à la fin de cet article). 

 

Analyse predictive sur le marché du travail en 2025

Le marché du travail consiste en l'équilibre entre l'offre et la demande. Malheureusement, l'offre a augmentée beaucoup plus que la demande. L'offre augmente parce que la population croît, parce que la vie moyenne s'allonge, parce qu'il arrive de nombreux immigrés provenant d'autres pays, en concurrence avec les travailleurs locaux, parce que de nombreuses entreprises réduisent leurs mains-d'oeuvre qui est alors réintroduite à son tour sur le marché du travail, à la recherche d'un autre travail, parce que la santé des citoyens s'améliore et donc il y a moins de malades soustraits au marché du travail, parce que les femmes, les jeunes, les vieux, les handicapés recherchent eux aussi un travail, parce qu'augmente le consummisme et avec lui, la nécessité d'un salaire en plus dans les familles pour acheter tous ces biens de consommation, parce que les femmes ont peu d'enfants et donc s'absentent moins du travail...L'effet de tous ces facteurs et de bien d'autres encore, font qu' en Italie le nombre de travailleurs est passé de 15 millions au début du XIX ème siècle aux 23 millions de travailleurs d'aujourd'hui. Mais ceux qui voudraient travailler sont environ 26 millions de citoyens.

Parallèlement, la demande tend à croître moins rapidement que l'offre, pour au moins quatre facteurs.

Le premier est le progrès technologique qui substitue l'activité humaine par des robots toujours plus intelligents et "labour saving".

Le deuxième facteur est le développement organisationnel : nous avons appris à mieux organiser le travail en produisant toujours plus de biens et de services avec toujours moins d'heures de travail nécéssaires pour les réaliser.

Le troisième facteur est la globalisation qui fait que trop souvent on achète à l'étranger (toujours plus dans le tiers monde) ce qu'autrefois on produisait chez nous.

Le quatrième facteur est l'accumulation des richesses planétaires en toujours moins de mains. Aujourd'hui en Italie dix familles possèdent à elles seules la même richesse détenue par les six millions d'Italiens les plus pauvres. Et dans le monde, 82% des richesses produites en 2017 ont bénéficié aux 1% les plus riches du monde. Ces 1% représentent 388 personnes sur 7 millards d'êtres humains. Et 42 personnes détiennent à elles seules (étude Oxfam) autant que la moitié la plus pauvre de la planète. 

Domenico de Masi nous dit que pour résorber le chômage en Italie et dans le monde, il faudrait apprendre à partager le travail avec équité. Travailler moins mais travailler tous. Mais, sommes nous disposés à le partager ? 

Il écrit : “Pour éliminer le chômage, la première solution serait de supprimer toutes les heures extraordinaires réalisées par ceux qui ont un travail salarié et réduire les heures de travail proportionnellement à l'économie des heures de travail obtenue en introduisant de nouvelles technologies et de nouvelles organisations plus efficace du travail". Méthode choisie avec succès en Allemagne et partiellement en France avec les 35 heures dans la fonction publique. 

La deuxième solution potentielle, choisie par l'Italie, dérive du principe de croire que le chômage ne peut être résolu que partiellement et graduellement. Ainsi en Italie les heures supplémentaires sont elles tolérées et même imposées de même que la durée du travail reste invariée autour des 40 heures par semaine, en augmentant toujours plus l'âge de la retraite (67 ans en Italie actuellement, 71 ans à partir de 2019), donner des avantages économiques aux entreprises qui embauchent, exploiter au maximum la flexibilité de l'emploi pour créér différents types de travail toujours plus alternatifs et précaires afin d'augmenter statistiquement le nombre de personnes ayant un emploi....Sans aucun résultat sur le chômage. 

Concernant le chômage des jeunes, un remède pourrait être de donner des avantages à sincrire et à fréquenter l'université évitant ainsi que les étudiants ne rentrent dans la cohorte des gens au chômage. Malheureusement l'Italie compte un très bas pourcentage d'étudiants et de diplômés universitaires : autour des 23 % seulement, du fait de la cherté des études universitaires (environ 2000-2500 euro par an de taxes universitaires contre les 400 euro en France) Ce n'est donc pas l'Université pour tous pour les classes moyennes fortement touchées par la cherté des études universitaires alors que les pauvres en sont (justement) exemptés. L' Allemagne a éliminé les taxes universitaires des trois premières années pour encourager les études universitaires. 

En Italie, avec le “Job acts” fortement voulu par le parti démocrate (PD) de Matteo Renzi l'année dernière, on a réduit le coût du travail pour les entrepreneurs et on leur a donné la plus grande liberté : de modifier autonomement l'organisation du travail, de déplacer ou de licencier le personnel. L'Italie est devenu le pays européen possédant la plus grande flexibilité contractuelle du travail. Un entrepreneur peut désormais vous engager puis vous licencier le jour d'après sans devoir fournir la moindre explication avec les nouveaux contrats de travail. Malgré toutes ces mesures fortement favorables au patronat, le taux de chômage reste cloué à 12% et des milions de chômeurs, essentiellement des jeunes, restent condamnés au désespoir, du moment que le manque de travail les privent de tous les avantages que le travail comporte : le salaire mais aussi la socialisation et l'auto-réalisation de soi.

Les mesures prises par les gouvernements précédents ont été nocives à la société italienne car donner plus de liberté aux entrepreneurs c'est les encourager à ne faire que leurs intérêts propres et non ceux de la Société Civile. En cas de davantage de profit, les entrepreneurs, au lieu d'engager plus de personnel investissent dans le secteur financier plutôt que dans le secteur productif. Et dans le cas où ils investissent dans le secteur productif, ils préférent délocaliser ou acheter des robots plutôt que d'engager de nouveaux salariés. Ainsi, le chômage est resté à hauteur de 12 % et proche des 40 % chez les jeunes en Italie. Un nombre croissant de jeunes travailleurs ont des activités toujours plus précaires avec des contrats à temps déterminés qui permettent d'être licenciés à n'importe quel moment pendant que leurs parents continuent à travailler dix heures par jour et avec un allongement croissant de l'âge légal de la retraite (71 ans en 2019). Bref, ce sont toujours les mêmes qui travaillent. Au détriment de tous. 

Nous avons trois millions de chômeurs en Italie plus autres trois millions d'inoccupés, en tout six millions de personnes qui voudraient avoir accès au marché du travail mais qui ne l'ont pas. En Europe, les chômeurs sont plus de 26 millions. Dans le monde plus de 197 millions. Et ne cessent de croître. 

L'économiste Nicola Cacace souligne que progrès technologique et globalisation incident de manière décisivement négative sur le marché du travail. On travaille moins (en heures totales annuelles) mais on réussit à produire 60 % de biens et de services en plus...Parallèlement au développemennt technologique se poursuit une globalisation toujours plus rapide, on produit donc toujours plus de biens et de services avec toujours moins de travail humain pour le bienfait immédiat de la plutocratie mondiale dominante, qui s'enrichit chaque année davantage. Chaque destruction d'emploi est un bénéfice pour eux. Toute globalisation et introduction de nouveaux robots les enrichit davantage. Au détriment des Nations ou Sociétés Civiles qui doivent payer les pots cassés de la marginalisation croissante d'une partie toujours plus grande de population sans emploi (aides financières ou à la réinsertion). 

C'est pourquoi il faudrait redistribuer le travail mondial restant ( s'amenuisant sans cesse à cause de la globalisation et de la robotisation du marché du travail mondial) en l'assignant à un nombre toujours plus grand de postulants au niveau mondial. Et nous devons remodeler notre vie en trouvant le baricentre non plus dans le travail mais dans le temps libre, toujours croissant. 

Paradoxalement, en Italie où le produit intérieur brut par habitant (PIB) est de 35.865 dollars et le taux de chômage de 12%, un salarié travaille en moyenne 1725 heures par an, alors qu'en Fance où le PIB est de 42.719 dollars et le chômage à 10%, un salarié travaille en moyenne 1482 heures. Et en Allemagne où le PIB est de 48.042 dollars et le chômage à 3,8%, un salarié travaille environ 1371 heures par an. Dans la pratique, moins on travaille, plus bas est le taux de chômage et plus élèvé la richesse par habitant.

Le travailleur italien travaille donc 243 heures en plus du Français et 354 heures en plus de l'Allemand. Et comble de tout, l'Italie cultive le vice des heures extraordinaires non retribuées chez les cadres et les dirigeants, ainsi que la repérabilité à travers portable et internet, y compris en dehors des heures de travail. En France, il a été interdit par la loi du 1 er janvier 2017 la repérabilité en dehors de certains horaires. En Italie non. Environ un million et demi de cadres et dirigeants offrent tous les jours une moyenne de deux heures par jour d' heures non retribuées à leurs entreprises, soustrayant ainsi environ 250.000 postes de travail aux chômeurs.

Si chacun des 23 millions de travailleurs italiens travaillaient le même nombres d'heures des collègues français, il y aurait du travail pour 4,4 millions de chômeurs. S'ils travaillaient avec le même nombre d'heures des Allemands cela serait 6,6 millions de nouveaux postes de travail créés. Comme les chômeurs italiens sont au nombre de trois millions nous pourrions ainsi supprimer tout chômage en Italie.

Cette simple mesure de la réduction du temps de travail, bien que soutenue par les mathématiques et le bon sens, ne se réalise pas en Italie parce que les travailleurs salariés et leurs syndicats ne veulent même pas céder un 10 ème de leur travail aux chômeurs, ignorant les avantages que cela leur porteraient en plus de temps libre, ainsi que pour l'entreprise en gagnant une plus grande productivité et la Société Civile toute entière en évitant émargination et conflit sociaux.

Le problème est le suivant : que peuvent faire 3 millions de chômeurs pour convaincre les 23 millions de salariés à partager 10% de leur travail ? Selon Domenico de Masi, l'unique action possible, efficace et non violente, est de se mettre en concurrence avec les salariés en travaillant gratuitement. En attendant, les chômeurs-travailleurs resteraient privés de salaire mais ils pourraient socialiser et s'autoréaliser. De Masi écrit : “Je propose que pour obtenir le travail auquel ils ont droit, les chômeurs recourent par un acte de force temporaire, offrant gratuitement leur travail jusqu'à ce que les salariés et leurs syndicats n'acceptent l'idée de la réduction du temps de travail”.

Cela est urgent parce que “Si le travail reste un privliège pour certains et un mirage inatteignable pour d'autres, il devient alors un facteur de dissendence profond entre salariés et chômeurs, un motif de guerre entre pauvres et nantis”.

 

https://www.youtube.com/watch?v=AZCfDtjUHwM

 

 

http://www.marsilioeditori.it/libri/scheda-libro/3172808/lavoro-2025

 

 

http://www.domenicodemasi.it/

 



7 réactions


  • Sozenz 28 avril 2018 11:53

    Je propose que pour obtenir le travail auquel ils ont droit, les chômeurs recourent par un acte de force temporaire, offrant gratuitement leur travail jusqu’à ce que les salariés et leurs syndicats n’acceptent l’idée de la réduction du temps de travail”.

    il en a d autres de bonnes idées comme cela à la con ?
    ils pourraient sucer aussi non ?

    Si le travail reste un privliège
    il faut arreter de dire que le travail est un privilège . c est une enchainement de vie plus le plus grand nombre de personnes .


    un motif de guerre entre pauvres et nantis

    ce n est pas le manque de travail qui fait qu ’ il y a des guerres entre pauvres et nantis . c est juste l esprit d esclavage , quand les benefices sont x6 pour les grosses entreprises et qu il y a de plus en plus de pauvres , voilà ce qui revolte le pauvre .

    c est affolant le conditionnement mental que cet homme veut donner !
    soit il est plein pot pour le système et il veut l accentuer encore plus . soit il est hors sol ..


    • Venise Venise 28 avril 2018 12:46

      @Sozenz

      Wouah ! Vous avez lu mon article fleuve jusqu’au bout : bravo ! Je voudrais préciser que moi non plus je ne suis pas d’accord du tout avec sa solution proposée et qui ne concerne que lui. Je pense qu’il parle de sa categorie de prof universitaire privilégié faisant fort peu d’heures et avec des étudiants pendus à ses lèvres...Une minorité d’entre nous donc. Si lui pourrait travailler gratis, ce n’est pas le cas des 90% de la population restante. Travailler 8 à 10h par jour gratuitement, sans tenir compte de la fatigue et de l’éventuelle pénibilité de certains jobs, non merci ! Mais lui appartient à une catégorie de « nantis » comme il dit lui-meme....

      J’ai trouvé l’analyse prédictive très intéressante (vaut mieux savoir de quelle mort mourir) mais je ne suis pas du tout d’accord avec la solution proposée. Je tenais à le dire. 

    • Sozenz 28 avril 2018 13:14

      @Venise
      ce n est pas uniquement le problème du travail gratuit . c est apporter l accentuation de la concurrence entre les personnes ;
      lui il fait ceci en plus et celui là , il se dévoue , il travaille gratuitement pour l économie de ....c est un homme courageux etc ... et petit à petit il y a une diminution des exigences de la part des travailleur et une augmentation de la par du grand patronat .jusqu’ à pour les travailleurs en devenir le dindon de la farce . c est un jeu extrêmement dangereux pour tous .

      je peux concevoir ce système pour des toutes petites entreprises, mais jamais au grand jamais pour les grandes structures ;


    • Venise Venise 28 avril 2018 13:51

      @Sozenz
      Bien d’accord avec vous. Nous avons tout à y perdre. 


    • Venise Venise 29 avril 2018 09:25

      @Jao Aliber

      Oui, nous y sommes en pleine guerre économique. Soit les citoyens comprennent enfin qu’ils sont les dindons de la farce et se rebellent contre les 344 qui tirent les fils de tous nos malheurs soit cela continuera de mal en pis....Mais qui sait ce qu’est le Nouvel Ordre Mondial ? Qui sait qui tirent les ficelles ? Qui connait le groupe Bildenberg, une partie de ceux qui tirent les ficelles justement ? 1% de la population peut etre....Et pourtant c’est meme sur wikipedia en version édulcorée :

      https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_membres_du_groupe_Bilderberg

      Quelle tristesse ! Citoyens, réveillez-vous !


  • Sozenz 28 avril 2018 12:17

    on voit ce que donne les contrats stages gratuits. les netreprises tournent avec ces stages gratos . il n y a pas beaucoup d embauche après le stage
    et ceci touche non seulement les personnes non qualifiées mais beaucoup de personnes hyper qualifiées ( cadres ) .
    il y a eu une explosion du nombre de propositions de stages.


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