En juin, fais ce que tu peux
Sauf si le temps devient foot ...
Alors que le calendrier s’accélère, qu’approche le long tunnel de l’été, juin s’habille comme chaque année de son empressement à disperser les sollicitations, à bouleverser l’emploi du temps, à se multiplier en tout sens pour vous mettre la tête, le foie et le cœur à l’envers. Soudain, à son apparition, il semble que la semaine ne dispose jamais d’assez de jours pour remplir toutes ces promesses tandis que le week-end se désespère de ne pas disposer de plus de jours.
Juin, c’est le mois de toutes les invitations, spectacles, sorties, balades, fêtes. La liste en est si longue qu’il est impossible de répondre à toutes. Vous vous désespérez de ne pouvoir être là tandis qu’il vous faudrait passer ici, rester quelques instants plus loin sans oublier d’honorer une invitation ici. C’est la quadrature de l’agenda ce curieux mois qui se fait un malin plaisir à rallonger les jours et raccourcir plus encore vos nuits.
Juin est une merveilleuse dispersion, une douce folie, un temps qui fait la sarabande avec votre santé, votre capacité à résister à cette cascade d’apéritifs à laquelle vous ne saurez vous dérober. Il convient de vous munir d’une quantité colossale d’aspirine pour résister ou du moins faire bonne figure en passant de place en place.
Tout le monde s’accapare ce trop bref instant de l’année durant lequel la météo est censée vous donner carte blanche. Parfois, vous découvrez amèrement que le ciel n’est pas toujours de la partie, qu’il fait grise mine et noie les apéritifs et les barbecues sous des trombes d’eau. Qu’importe, il peut bien doucher les convives, la volonté de se retrouver en liesse est bien plus forte tandis que les barnums ont été conçus pour mettre tout ce joli peuple des fêtards à l’abri.
Juin est encore le temps des examens. Au supplice des angoisses et des efforts incommensurables s’ajoute toujours la frustration de laisser les autres à leurs folies nocturnes. C’est là une curieuse manière de motiver les candidats que de leur agiter sous le nez tout ce dont les autres vont profiter tandis qu’ils réviseront puis plancheront.
Quand en prime le monde devient foot, juin perd pied avec le réel. Tout soudain devrait se plier au calendrier des énergumènes en short et de leur cohorte innombrable de supporters inconditionnels. Cette fois, juin perd son allure de bacchanale délirante. Les festivals sont désertés, les guinguettes pareillement jusqu’à ce que le match terminé, la vague des furieux ne vienne exprimer son enthousiasme par des coups de klaxons et des hurlements bestiaux pour peu que la victoire soit au rendez-vous.
Dans le cas contraire, juin prend des allures de Bérézina. Il est alors impossible de briser la glace, de consoler les inconsolables amoureux du ballon rond et de la fibre tricolore. Malheur à qui organise quelque chose un soir de défaite de l’équipe de France de football. C’est la pire chose qui puisse arriver, le deuil national, la chute du ciel sur des têtes si vides que le coup de tonnerre qui en résulte fait un vacarme assourdissant.
Qui n’a pas connu les soirs de la mémorable coupe du monde en Afrique du Sud ne peut comprendre le risque qu’il y a à programmer une animation durant cette étrange période en parenthèse foot-balistique. Juin est le plus beau mois de l’année à la seule condition d’éviter ce terrible rendez-vous.
Nous devons nous y préparer. Dans quelques jours, le pays entier devra régler ses montres, ses conversations, ses interrogations et ses enthousiasmes sur la farce qui se déroulera en Russie. C’est fort dommage que tout ceci débute durant ce si joli mois de transe. Qu’importe, les rares personnes qui échapperont au délire profiteront des horaires de match pour disposer de beaucoup plus de place là où la vie festive ne se pliera pas à l’intrusion de l’écran géant. J’ose espérer qu’il restera des zones épargnées mais plus la compétition avancera et plus le risque sera grand de ne pouvoir échapper à cette lobotomisation de masse.
Compétitivement leur.