mercredi 31 juillet 2013 - par C’est Nabum

Le pays des quarts de Chopine

Sur la route de l'Avale-Loire ...

Le pays des sobriquets

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Il est une bien étrange commune en bord de Loire qui ne fait rien tout à fait comme les autres. Elle a le caractère trempé et l'indépendance fortement ancrée dans ses jeunes traditions. Tout s'explique à qui prend la peine d'observer attentivement l'histoire. Ici, on peut sans peine imaginer que c'est parce que ce village est fort récent que ses concitoyens se plaisent à donner des noms à toute chose, manière sans doute de s'inscrire définitivement dans le paysage local.

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La Possonnière est une bien jeune commune qui a vu le jour lors de la révolution industrielle. Elle a obtenu de haute lutte son indépendance administrative en 1851. A cette date Louis Napoléon Bonaparte (alias Badinguet) en personne scellait du sceau de l'Etat une loi promulguée par l'assemblée nationale précisant que La Possonnière était « distraite » de Savennières, dont elle dépendait depuis 1790. Voilà le point de départ d'une aventure où pseudonymes, sobriquets et autres facéties langagières se jouèrent des patronymes classiques.

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La Possonnière avait pourtant une histoire bien plus ancienne. Les braves bénédictins y avaient élu domicile au XIV siècle et pour marier l'utile à l'agréable, fût-il des plus douteux et des moins recommandables, les bons pères avaient installé juste en face de leur demeure une taverne louche, un bord d'eau comme on disait à l'époque, auquel les hommes pieux pouvaient accéder par un souterrain des plus discrets. Avaient-ils été influencé par « La Guillemette » cette petite rivière qui se donne à la Loire en ce lieu ? Nul ne le saura jamais, mais la faribole n'était pas loin !

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La Taverne du Prieuré n'échappa pas à la folie lexicale des individus du coin. Elle changea de nom au fil du temps. D'abord « Auberge du Croissant Couronné » en l'honneur du Roi René, puis « Au bon Louis » pour honorer Louis XIV avant que d'être sous la révolution « L'Auberge de l'Ancre de Marine », elle finit par s'assagir en perdant ses hôtesses très spéciales.

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Le nom du village lui-même n'allait pas dans la demi-mesure. La Posson était une unité de mesure ancienne pour les liquides. Sous l'ancien régime, la précision était de mise et sa valeur était de 11,9018 cl. Les gens du coin préfèrent se dire qu'il valait un quart de chopine, quantité qui n'a jamais suffi à abreuver un autochtone, loin s'en faut.

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Les habitudes ne se perdent pas en cours de route. La bonne ville du maire dit « Célestin le bon échevin » se plait encore à renommer tout ce qui lui tombe sous la main. Ville mécréante, elle trouve sans doute dans cette pratique une petite consolation. L'eau bénite est plus souvent remplacée par un bon vin naturel d'Anjou pour officialiser le sobriquet qui fera référence au sein de la communauté villageoise. Nous fermerons les yeux sur cette coutume qui après tout ne fait de mal qu'au foie des plus vaillants baptiseurs.

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La Loire fut la première source d'inspiration de nos facétieux Possonnéens. Depuis 1908, on y implanta des épis pour creuser un chenal. Ces avancées de pierre au milieu de la rivière furent ici repérées par un nom. Épi de JPP, épi de la colo, épi de Glorex et autre épi des pêcheurs, les gens de ce pays ont besoin de mettre une étiquette sur toute chose.

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Naturellement, les humains n'échappèrent pas à ce délire de la désignation. Nos amis les pompiers furent les principales victimes de la chose. Ils ne sont d'ailleurs connu, par la plupart des villageois, que par leur seul sobriquet. « Goût de Fût » en tête, digne habitant d'une ville qui valait un quart de chopine est le premier d'une longue liste.

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« Tête de genou » peut bien se faire des cheveux, il ne saura jamais pourquoi il a hérité d'une telle appellation. « Tête plate » a beau se la creuser, lui non plus n'en saura jamais plus. La caserne n'est fort heureusement pas la seule à se voir qualifier de quelques particularités secrètes. Nous trouvons encore un certain « Tatus » qui inaugure la liste des rimes en « us ». « Minus » n'est pas flatteur et « Laïus » guère élogieux. « Schluss » sent son exotisme quand « Boum-Boum » éclate au grand jour.

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Certains héritent de sobriquets plus inscrits dans la mémoire commune. « Pompidou » est en bonne compagnie avec « Schadock ». « Mini-jupe » nous régale de ses charmes et « La Dorade » de ses formes. Je préfère en rester là, d'autres sobriquets pourraient contrarier ceux qui en sont affublés. Ce qu'il faut affirmer ici, c'est que ce ne sont pas des enfants qui usent de ces surnoms pour désigner leurs camarades. J'avais face à moi une belle flopée de dignes représentants du conseil municipal et ce sont eux qui usaient ainsi de la métaphore.

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Je préférai ne pas rester trop longtemps en ce curieux village. Je ne veux pas me voir gratifié d'un titre peu glorieux, d'un particularisme physique ou pire d'un défaut inavouable. Il était plus sage de prendre la poudre d'escampette d'autant que depuis longtemps déjà, de nombreuses bouteilles avaient été vidées au pays des quarts de chopine …

Sobriquettement leur.

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17 réactions


  • Gasty Gasty 31 juillet 2013 09:51

    A Nantes on va baiser la fillette, c’est une chopine de muscadet.


  • Radix Radix 31 juillet 2013 12:31

    Bonjour Nabum

    Grâce à vous, je viens d’avoir l’explication d’un nom de bateau qui m’avait toujours semblé un peu mystérieux : « Goût de Fût » était le nom d’un voilier contre lequel nous régations souvent.

    J’avais attribué la dénomination au goût « légèrement immodéré » de l’équipage de trois retraité pour la bouteille !

    Ces joyeux lascars profitaient de la plus petite pétole pour ouvrir des bouteilles dont ne goutions que la sonorité du bouchon !

    Radix


    • C'est Nabum C’est Nabum 31 juillet 2013 12:44

      Radix


      les sobriquets nous entraînent parfois au paus des souvenirs, en enfance et en nostalgie.
      Un voyage souvent agréable qu’il est aisé de refaire à chaque fois que l’on ferme les yeux.

      Belle balade à vous ! 

  • Vipère Vipère 31 juillet 2013 16:05

    Bonjour Nabum

     

    On en apprend de belles !

     

    Ils picolent les mariniers ? Remarquez à force d’être entourée d’eau, pour ne pas rouiller, ils ont l’antidote, le bon jus de raisin ! smiley smiley

     

     

     

     

     


  • auguste auguste 31 juillet 2013 16:57

    @ C’est Nabum

    Je ne fais que passer rapidement.

    Il fait 39° à l’ombre et j’ai vidé une quantité impressionnante de chopines (d’eau gazeuse pauvre en sodium).

    Je vous parlerai des sobriquets une prochaine fois, lorsque je serai en mesure de passer davantage de temps au clavier qu’a la vidange.

    Mictionnellement vôtre.

    Et il faut que j’y retourne.....


  • TSS 31 juillet 2013 20:34

    Jadis, la « fillette » etait très en cour dans les estaminets tourangeaux !! Elle correspondait à

    une 1/2 bouteille (37,5 cl) ... !!


  • Prudence Gayant Prudence Gayant 31 juillet 2013 20:39

    Nabum,

    Ferez-vous un livre de toutes vos belles histoires de Loire ? 
    Avec images et belles photos. 
    Non sans quelques recettes de cuisine.

    • C'est Nabum C’est Nabum 31 juillet 2013 23:51

      Prudence


      J’ai finit par accepter de faire un livre de mes chansons de Loire avec CD inclus.

      Je ne suis pas là pour faire du commerce ...

    • Prudence Gayant Prudence Gayant 1er août 2013 16:56

      Nabum,

      Je n’ai pas un seul instant pensé au côté pécuniaire, juste pensé au livre magnifique que cela donnerait. 
      Evidemment qui dit livre dit papier-monnaie. Mais j’ose encore croire au beau au lieu du pognon que cela rapporterait. 
      Vous vivez la Loire depuis si longtemps, alors que nous autres les étrangers à la région nous rabattons parfois faute de vécu sur du papier. 
      C’est dur parfois de se faire comprendre tout simplement. 

    • C'est Nabum C’est Nabum 1er août 2013 18:52

      Prudence


      Pour des raisons qui m’échappent, je suis vu comme le mauvais objet, celui qu’on écoute pas en Orléans. Je n’ai pas le bonheur de plaire à monsieur le Maire et mes fables sont parfois insupportables à ceux qui se pensent détenteurs du pouvoir !

      Alors, prendre le risque d’être édité (forcément par une maison locale) c’est courrir le risque de l’ostracisation qui ne manquera pas de venir. Tous mes textes sont accessibles gratuitement sur chroniques-ovales.com

      Les fables se trouvent dans la rubrique : les menteries du girouet

      Je ne peux faire plus

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