samedi 9 avril 2016 - par C’est Nabum

Les fraises à la chantilly

Cette fois c’est le printemps !

Il est des signes qui ne trompent pas, de petits indices discrets qui nous font soudainement basculer du côté du temps qui s’étire, qui alanguit et jouit des variations climatiques. Les lilas ne sont pas encore en fleurs mais le pollen des pins inonde les terrasses de sa poudre jaune. Les températures se font plus clémentes, les salons de jardin vous tendent leurs bras pour les premiers apéritifs extérieurs. Avec un peu de chance, le repas se prendra dehors, les lunettes de soleil seront de sortie, la vie est belle, c’est le printemps !

Pour en être certain, il faut se rendre au marché, faire provision de ces petits riens qui embellissent l’existence, qui redonnent le sourire après un long hiver, les journées grises et moroses. Les saveurs s’offrent à vous, les parfums envahissent l’atmosphère, le sourire irradie les jolies femmes qui ne vont pas tarder à sortir les robes légères.

Les fraises à la chantilly font leur retour fracassant. Sans crier gare, sans avertir de leur venue, elles s’insinuent à votre table, s’imposent à vous et vous réjouissent, pour peu que vous soyez gourmands au-delà de la raison. Le sourire aux lèvres et parfois une petite marque blanche sur le bout du nez, vous regardez la vie sous un nouveau jour, vous chassez les nuages gris et acceptez de prendre quelques kilogrammes superflus.

Le printemps claironne sa joie de vivre et d’aimer, il vous ouvre l’appétit et la bonne humeur, vous titille un peu et se joue de vos hormones. Il fleure bon le renouveau et la joie de lézarder au soleil. Plus de contraintes ; l’heure d’été a sonné le départ des soirées qui n’en finissent pas, des pauses entre amis, des tablées qui ne désemplissent pas.

Vous revivez, vous vous réveillez, vous vous réjouissez. Les asperges vont suivre, apportant leurs phantasmes et leurs délices. Vous allez jouir sans entrave des plaisirs de la table. Les verres vont se remplir de vins gouleyants, les coupes vont se choquer, le bonheur est sur la nappe. Le panier de la ménagère va entraîner quelques ponctions pécuniaires, le légume nouveau a un prix : celui du sourire et de la légèreté. Qu’importe, vous savez que rien ne vaut cette plongée dans l'hédonisme, les fraises sont de retour.

Vous savez pourtant que l’essentiel n’est pas encore présent. Les Gariguettes et autres Mara des Bois ou bien encore Annabelles ne sont que les éclaireuses du printemps. Celui-ci sera en pleine majesté avec l’arrivée des cerises, le temps des révolutions et des chants d’amour. Il faut se garder de trop d'enthousiasme : le temps n’est pas encore aux nuits à la belle étoile, aux escapades friponnes ou aux rêves d’ailleurs.

Prenez ce renouveau comme il vient, profitez de ce bonheur simple. Ce n’est qu’en mangeant des fruits de saison qu’on apprécie pleinement la métamorphose de la nature. Les clients de la distribution mondialisée ne peuvent jouir de ce bonheur simple de calquer leur horloge interne sur le rythme des saisons. Ceux-là ont, depuis longtemps, perdu tout lien avec la nature : ils la plient à leurs désirs sans jamais comprendre sa sensibilité.

Mais laissons là ces sottes gens, ces prétentieux qui veulent que tout se plie à leur volonté. Nous sommes des êtres de chair et de douceur : les fraises nous font savoir que nous allons entrer dans le temps de la gourmandise et de la lascivité. Il y a tout lieu de s’en réjouir, de respirer à pleins poumons les pollens qui vont nous faire éternuer. Il y a toujours un prix à payer pour les plaisirs simples de la nature : pour peu que vous soyez responsables d’un petit bout de pelouse, vous savez également que la ronde des tondeuses se profile à l’horizon.

Mais qu’importe, le temps est venu de croire à la beauté de la nature, d’espérer le soleil et la douceur des jours. Prenez la vie comme elle vient, soyez heureux, gourmands et amoureux ; les fraises à la chantilly sont de retour. Le printemps est la plus belle des saisons ; n’hésitez pas un seul instant et si vous souhaitez faire de ce printemps-ci le plus beau de tous, passez la nuit debout et boutez ce gouvernement hivernal et morose.

Printanièrement vôtre.

fraises-et-creme.jpg

 

 



10 réactions


  • juluch juluch 9 avril 2016 18:29

    Un texte printanier !!


    Bientôt les asperges......en brouillade !

    Les fraises de Roquevaires sont en vente depuis quelques jours.....autant en profiter

    A bientôt !  smiley

  • sls0 sls0 9 avril 2016 20:33

    Je vis sous les tropiques où c’est l’été 9 mois de l’année et trois mois de printemps.
    Ca me manque cette marque des saisons, cette attente et arrivée de plaisirs simples.

    Bon je ne vais pas me plaindre non plus, des fruits qui ont du gout à longueur d’années c’est pas désagréable. N’empêche quand on a été marqué par des repères temporels ça reste.
    Quand on me parle de mes racines, je réponds qu’elles se déplacent en même temps que mes pieds, cet article me fait dire que ma réponse ce n’est pas du 100%, j’ai quand même une culture ou un habitus climatique.


    • C'est Nabum C’est Nabum 11 avril 2016 07:16

      @sls0

      Les racines c’est que qui nous construit et nous donne cette implantation dans la vie qui nous donne repères et bonheur

      Les saisons scandent notre vie et je pense qu’elles sont nécessaires à ceux qui sont nés ici.
      S’expatrier est un risque que je ne pourrai assumer


    • sls0 sls0 11 avril 2016 19:57

      @C’est Nabum
      Plus on devient zen, plus les racines ont tendance à s’évanouir.
      Le fait d’être zen ne s’oppose pas au bonheur, certains disent même que ça y contribue.

      Le printemps est un plaisir par contraste par rapport à l’hiver, plus de lumière, des températures plus clémentes pour les ballades, les premiers légumes du jardins...

      Plus on vieilli, plus le temps passe vite, jeune il y a les vacances scolaires qui coupent l’année en plusieurs tronçons agréables, ensuite on travaille, beaucoup moins de tronçons ensuite c’est la retraite où seul le printemps laisse encore une empreinte temporelle agréable.
      Sans saison, je suis hors temps, comme vivre zen c’est vivre l’instant présent ça me va très bien.

      S’expatrier, je vais où on a besoin de moi, je ne suis pas trop partie prenante dans l’affaire, pas d’attentes particulières donc pas de déceptions.


    • C'est Nabum C’est Nabum 11 avril 2016 20:43

      @sls0

      Je ne parlais pas pour vous mais pour vous
      Je suis trop enraciné pour vivre ailleurs


  • bernard912 10 avril 2016 15:51

    Merci, C’est Nabum, j’accueille le printemps autrement.


  • ZenZoe ZenZoe 11 avril 2016 11:11

    A chaque fois qu’on me parle de fraises, je pense avec émotion à ma grand-mère. Veuve de guerre, vivant dans un grand dénuement, elle s’offrait juste un seul plaisir par an : quelques fraises du marché, roulées dans un peu de sucre et trempées dans de la crème fraîche. Rien ni personne n’aurait pu se mettre en travers de sa petite fête annuelle personnelle, peut-être un heureux souvenir traversait-il à ce moment-là son esprit ?


    • C'est Nabum C’est Nabum 11 avril 2016 11:40

      @ZenZoe

      Beaucoup de nos souvenirs sont liés à des moments comme celui-là.

      Heureux sont ceux qui gardent encore une mémoire liée à la nourriture ! Je plains ceux qui ne vivent que de la bouffe


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