jeudi 22 août 2013 - par Bernard Dugué

Les oiseaux sont plus civilisés que les humains

Depuis ma fenêtre, j’observe de temps à autre les oiseaux et j’ai fini par me persuader que ces volatiles sont plus civilisés que les humains et d’ailleurs, ils n’ont pas besoin de gps pour parcourir des milliers de kilomètres. Observer le monde animal nous renvoie parfois à notre condition humaine, avec une image qui ne tourne pas forcément à notre avantage. Pourquoi ne pas suivre cette piste et nous laisser entraîner vers une méditation philosophique légère qui n’a pas pour objectif de se substituer au savant galimatias intellectuel qu’on entend chez une Elisabeth de Fontenay avec sa complainte sur le droit des bêtes. Soyons plus léger et désinvolte.

Depuis ma fenêtre, je vois parfois nombre de pigeons venus picorer les quelques bouts de pain sec que lancent les locataires et même moi puisque je me suis pris à ce jeu et je n’ai pas été déçu. Une fois le morceau de pain sur l’herbe, on peut assister à un vol faussement désordonné de ces volatiles qui semblent arriver de nulle part pour se diriger vers le bout de pain. Commence alors un étrange ballet. Tous ces volatiles affairés, quelque peu maladroits, picorant, avec le morceau de pain se déplaçant de quelques centimètres tout en se réduisant. Ce qui est fascinant, c’est l’absence d’agressivité, même à dix pour se partager quelques miettes. Chaque pigeon semble ignorer ses congénères, se préoccupant d’attraper non sans une touchante maladresse de quoi bouffer. Aucun coup de bec déplacé. Parfois, les moineaux sont sur l’affaire. Ils guettent, se faufilant parmi les pigeons sans être nullement inquiétés. Puis avec une rapidité étonnante l’un d’entre deux se saisit du bout de pain, le serre dans son bec et s’envole au loin pour déguster sa pitance à l’abri des convoitises, ou bien nourrir sa progéniture. Comme quoi, avoir une cervelle de moineau n’empêche pas de pigeonner les pigeons.

Les corneilles ne se mêlent pas à la partie, préférant zoner en quête de mets plus succulents comme les résidus de hamburgers. La corneille est certes sournoise mais elle affiche une posture aristocratique. Si bien que ces volatiles ont conclu un bird-agreement et ma fois, j’apprécie ces oiseaux si courtois et bien peu agressifs envers la diversité ornithologique, pas comme d’autres espèces…

Maintenant je vais m’intéresser aux humains, qui à notre époque n’ont pas besoin de se battre pour bouffer (sauf dans le cas précis d’un médecin du monde qui arrive avec un sac de riz). Par contre, ce qui les fait saliver, ce sont les objets, surtout lorsqu’ils sont offerts à prix réduit lors des soldes. Les grilles se lèvent. Cette fois, ça court dans tous les sens, ça se bouscule, ça crie et même quelques disputes au bord de la bagarre et de l’émeute. Quel contraste avec la sérénité du pigeon face à son bout de pain. Quelques uns seraient tenté de s’exclure de cette bataille des soldes pour jouer la posture civilisée en jugeant ces agités comme une populace. Mais l’affaire est plus contrastée. Observons les journalistes et les photographes, des gens bien comme il faut. A l’arrivée d’une célébrité ou d’un lauréat du Goncourt, vous constaterez cette même hystérie collective qu’on voit dans les soldes.

Le temps est venu pour pointer les yeux au ciel et observer les vols d’oiseaux et notamment ce spectacle magnifique des grues cendrées qui, à l’approche de l’hiver, s’en vont chercher le soleil en volant avec une régularité parfaite, les oiseaux dessinant des grandes flèches parfaitement visibles, chacun à sa place, avec une précision aussi fine que dans un concours de natation synchronisée. Des dizaines et même des centaines de volatiles volant avec majesté et harmonie, de quoi évoquer la sérénité universelle de la nature si ordonnée et magique.

Comparons avec un autre tableau, un soir, dans le centre d’une grande ville, le club vient de remporter un trophée et voilà qu’une horde de sauvages envahit les rues, éructant, criant, se bousculant, avec quelques congénères qui sitôt face à une caméra, se mettent à gesticuler avec des mouvements de mains maladroits tout en exécutant des grimaces. Lors de ces manifestations, l’humain n’utilise plus que borborygmes et une dizaine de mots. Ouais, putain, génial, rhhha, ouahhhh, on est les champions, huhhuhh ….. Et dire que la civilisation nous a légué une langue avec des milliers de mots.

Autre spectacle affligeant que ces jeunes filles hystériques, larmoyantes, courant dans tous les sens, se bousculant, sautant d’un pas désordonné, vociférant à la limite de la folie. Pas de trophée, juste un chanteur prénommé Justin qui arrive pour une séance d’interviews dans un grand hôtel parisien. Il n’y a pas que lui. On a pu observer ces phénomènes avec les membres du groupe Tokyo Hotel et bien d’autres.

Quel contraste avec le vol régulier des oiseaux. Une escadrille de canards sauvages s’en va zoner vers le sud et que c’est beau, comparé au pathétique harlem shake qui en dit long sur la propension de l’homme à se mirer dans sa laideur. Si j’avais des ailes, je crois bien que je les accompagnerais pour les observer de près et méditer sur la nature. Un ressourcement aussi précieux qu’un séjour dans un monastère. Finalement, s’il n’y avait pas la nature et Dieu, l’existence avec les humains serait invivable.

Voilà, c’était mon devoir de vacance avec comme thème la misanthropie traitée avec légèreté, comme un battement d’ailes de papillons. Penser à 2025 n’a rien d’utile tant le Système actuel est déglingué, avec une clique d’élites atteintes de sida mental.



3 réactions


  • Demian West 22 août 2013 10:00

    J’espère que vous ne vivez pas au-dessus du premier étage, car l’envol risque d’être compromis par quelque dalle sur la rue. La misanthropie est une immense qualité qui se goûte les fenêtres fermées et avec toutes sécurités pour se préserver le plus longtemps. Au fond, le misanthrope n’aime pas l’humanité chez les autres, mais la couve en lui-même. Donc tout n’est pas perdu ni envolé.


  • Croa Croa 22 août 2013 20:03

    ça ne fonctionne pas avec les coqs et les poules : il y a ceux qui se servent, ceux qui volent la part du voisin et ceux qui n’ont droit à rien sinon ils se prennent un coup de bec. Par contre il y a aussi le cadeau au copain (plutôt à la copine, histoire d’en profiter pour lui monter dessus !) 

    Si un coq ou une poule trouve de quoi, il appelle ses copains... Si c’est l’indésirable qui se présente : Coup de bec !

    Bref, avec les poules c’est comme avec les hommes... En pire !  smiley


  • Croa Croa 22 août 2013 20:15

    Expérience involontaire amusante : Un jour qu’il nous restait plein de frites (c’est rare mais il peut arriver que l’on fasse trop de frites !) et qu’il fallait faire rentrer les poules au poulailler j’ai cru malin de les servir dedans afin que tout ce monde rentre... ERREUR ! Effectivement toute la volaille rapplique mais voilà une première poule qui attrape sa frite et part avec ! La seconde pareil... Et ainsi de suite... C’est ainsi qu’en quelques secondes j’avais des poules partout sauf dans le poulailler !

    Le but était évidemment de manger sa frite sans se la faire piquer, ce qui arriva effectivement à certaines.


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