mercredi 5 août 2009 - par lisca

On a Marché sur la Dune

C’était dans la nuit brune sur les clichés jaunis la lune comme un poisson d’avril.

Pierrot l’a dit en dansant sous le fil. Or Pierrot, on sait bien qu’il est au RMI, pardon au RSA, oh même pas en fait.

En fait, il est sorti des circuits et on va le refourguer séance tenante aux marchands de chômeurs qui eux savent comment l’économie fonctionne, et comment pousser, larguer le pauvre Pierrot loin de la lune et du songe d’été de ses nuits câlines, direction nuits d’échine, nuits bibine, nuits poids-lourds. De ses songes pleins, argentés et lointains comme la lune, on fera un songe creux d’argent insaisissable, impalpable et fantomatique comme... la lune.

 

O lune, si mad et si off, que piqua de son dard un Apollo d’Apollinaire :

 

J’ai peur du dard de feu de cette abeille arcture

Qui posa dans mes mains des rayons décevants

Et prit son miel lunaire à la rose des vents.

 

Le 22 juillet 2009, pour fêter ses quarante ans d’Apollo, la bougresse, pas assez cognée de météores sans doute, a fait une éclipse et sur le Pacifique encore (1).

Soleil masqué, lunette noire, elle a viré ténébreuse, veuve, inconsolée sur le luth tout constellé de la melancholia.

 

Un instant seulement, car elle s’amuse, Phœbé. Elle s’est toujours fendue d’un doux ris de Joconde dans une mer de tranquillité. Courtisée en tous temps par des célébrités internationales, elle est mondaine, mondiale, suprême, baladeuse, sujette aux caprices, aux mantilles affriolantes et aux secrets.

 

T’aimera le pilote,

Dans son grand bâtiment

Qui flotte

Sous le clair firmament.

Musset

 

Attention, il ne faut pas s’y fier. On assure qu’elle rend fou, lunatique comme disait la perfide Albion quand elle était encore elle-même. A trop se mirer dans cette fausse étoile, comme Narcisse on s’y noie.

 

Bref, mondialiste, Séléné ?

Pas tout à fait.

 

Les nuages couraient sur la lune enflammée

Comme sur l’incendie on voit fuir la fumée,

Et les bois étaient noirs jusques à l’horizon.

Vigny

 

En colère. Car elle a entendu quelqu’un qui lui a dit :

 

ON A MARCHÉ SUR LA LUNE. 

 

Tout est dans le ON, ce petit pronom indéterminé, apanage français du songe et de l’imprécision, tout un monde.

Une chose dont on est sûr, c’est que que Cyrano de Bergerac, Tintin, Tournesol et sans doute Peter Pan, ont réalisé l’exploit.

Une chose dont on est moins sûr, c’est qu’EUX, le 16 juillet 1969, leur aient emboité le pas

 

Eux ?

Les vibrions planétaires, les commerçants ailés à longs naseaux de la NASA. (2)

 

Ils sont les maîtres du monde. La lune ? Pouf, dans la poche.

 

La lune en son halo ravagé n’est qu’un œil

Mangé de mouches, tout rayonnant des grands deuils.

Jules Laforgue.

 

Dans la poche, donc, aussi sec sur le marché. On l’a vendue presto au kilomètre carré à qui préfère un deux tu l’auras au seul "tiens !" qu’on ne tient plus, sur le principe agité de l’agent foncier premier crieur, premier servi. 

Achat garanti par l’assurance NASAlade. En 2007, "les prix, actuellement relativement accessibles (60 dollars le demi hectare), risquent de s’envoler parallèlement aux progrès du programme spatial des États-Unis." (3)

Cours-y vite ! Ils vont filer.

 

Pensez donc ; on avait mis les pieds sur l’astre, pieds légers, éthérés, bondissants. Pieds esquissant sous un ciel sans étoiles un paso doble, une espèce de moonwalk commémoratif (4) qui, lorsqu’on visionne le film en doublant sa vitesse, ressemble au pas tout simple de grossiers terriens sur le plancher des vaches, comme dans la chanson :

 

La meilleure façon de marcher

C’est encore la nôtre

C’est de mettre un pied d’vant l’autre

Et d’recommencer.

 

La lune n’est que reflet. Toujours son argent dépendra de l’or du Soleil, c’est le sort des astres morts. Toujours les nations de la terre dépendront de l’euro-dollar-maravédisme, c’est le sort des satellites.

Non ? Ah bon.

 

La lune, comme les garçons, pleure tout bas. C’est le soleil, ce salaud.

 

Quand parfois sur ce globe, en sa langueur oisive,

Elle laisse filer une larme furtive,

Un poëte pieux, ennemi du sommeil,

Dans le creux de sa main prend cette larme pâle,

Aux reflets irisés comme un fragment d’opale,

Et la met dans son cœur loin des yeux du soleil.

Baudelaire

 

Il ne fait pas l’ombre d’un doute que, dans l’anatmosphère cruelle, les ombres des cosmonautes se soient mises à faire des caprices de starlettes. Le soleil dans le fond, avec sa tendance machiste à tout régenter et son rigorisme tranchant, aurait dû les aligner dans le même sens. Or on les voit ces ombres se projetant à droite, à gauche, n’importe où, n’importe comment, comme capturées par des projecteurs opportunément disséminés par les ovnis précédents. Les ovnis évidemment ! Car, sur ces étendues déventées, seuls des petits hommes verts pouvaient agiter les 50 étoiles du drapeau à leur souffle scientifique d’hypertechnocrates ultrasupérieurs (5).

 

"Nous n’avons visité (et photographié) que six endroits dont le plus éloigné se situait peut-être à quatre ou cinq kilomètres (du point d’alunissage initial)."

Neil Armstrong (6)

 

Au fait, qui filmait Neil Armstrong

Tandis qu’il trébuchait dingue dong

Tout irradié à perdre haleine,

Tout ceinturé de Van Allen

Avec toujours, de mille en mille,

La même ligne d’horizon,

Et toujours les mêmes éparpilles

de cailloux, sans rime ni raison ?

 

Théâtre d’ombres, marionnettes, facéties apollonaires. Au vaisseau fantôme, Colombine a prêté son nom, Arlequin son goût des farces et mon ami Pierrot son visage pâle.

Eux qui connaissent la lune sur le bout de leur commedia, ont été doublés par Guignol et Sganarelle. Le metteur en scène est toujours planqué.

 

La lune, comme un point sur le I d’Ici-bas, d’Imposture ou d’Iscariote ? C’était le 16 juillet 1969.

Depuis lors, la Lune entendit les chacals piaulant par les déserts de thym...

Rimbaud

 

Notre belle rousse inviolée qui écarquille ses yeux en lacs sur le désert du Nevada, se fend bien la pêche au spectacle. Nous, on s’illune comme dirait un poète de sept ans (7), quand la Clique

fermant le livre du devoir,

S’en allait satisfaite et très fière, sans voir,

Dans les yeux bleus et sous le front plein d’éminences

l’âme de sa victime livrée aux répugnances".

 

C’est l’été, et "c’est l’heure exquise" de Verlaine. Alors on peut bien répugner et fabriquer menu des lunes de fiel dédiées à la dizaine d’astronautes aujourd’hui gravitant sur le cercle des poètes disparus (8).

Assassinés ?

 

Au clair de la lune,

On n’y voit que peu ;

On chercha la plume,

On chercha le feu.

Cherchant de la sorte

Ne sais c’qu’on trouva ;

Mais je sais qu’la porte

Sur eux se ferma.

 

 

Références

1. http://www.google.com/hostednews/af...

2. http://www.dailymotion.com/video/x9...

3. http://www1.alliancefr.com/le-04010...

4. http://www.youtube.com/watch?v=s7Mm...

5. http://www.spectrosciences.com/prin...

6. http://en.wikipedia.org/wiki/File:A...

7. http://www.lettres-et-arts.net/hist...

8. http://www.capcomespace.net/dossier...




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