La nature vivante, grande absente de l’architecture contemporaine
L'architecture est parcourue de représentations de la nature vivante. Les édifices anciens, grecs et égyptiens, d'apparence souvent sobre et géométrique, sont ornés de motifs végétaux ou animaux, ou s'inspirent de formes puisées dans la nature. Dans la Rome antique, à l'époque médiévale, à la Renaissance et jusqu'au néoclassicisme du XIXème siècle, les chapiteaux des colonnes sont habillés de façon tantôt discrète, tantôt exubérante, de représentations de la nature. Même dans les abbayes cisterciennes, de discrets motifs floraux et végétaux couronnent généralement les colonnettes des cloitres.
Au XXème siècle, l'art nouveau a supprimé les codes qui cantonnaient la nature à des ornements bien identifiés, sur les supports de balcons, sur les balustrades en fer forgé, sur les chapiteaux ou bien encore sur les corniches des immeubles : la nature, comme reprenant ses droits, s’est alors emparée du contour des fenêtres et des portes, des bouches de métro et de la structure même des lits et des bibliothèques. En France, l'art nouveau n'a, cependant, pas duré, à l'instar des tentatives baroques et rocailles dont les incursions timides ont été balayées par les lignes classiques immuables et éternelles.
La nature, dans l’art déco, est présente sous une forme stylisée, avec notamment des motifs floraux géométriques et des vasques aux plantes abondantes, et sur tous les supports : pierre de taille, bas-reliefs, vitraux, mosaïques. Une rupture intervient avec la Seconde Guerre mondiale et la Reconstruction. Une architecture fonctionnelle et dépuillée, déjà en germe dans les années d’avant-guerre, triomphe alors.
Depuis, la nature vivante a quasiment disparu des ornements architecturaux. Aucune fleur, aucune branche, aucun fruit, aucune feuille, aucun tronc, aucune ronce n’orne plus jamais les façades des immeubles d’habitation et de bureaux, ni les bâtiments publics ou de prestige. Des traces de la nature sont présentes au niveau de la forme globale des constructions – par exemple le stade de Pékin qui a une forme de nid ou le pavillon français de l’exposition universelle de Milan qui ressemble à une grotte en bois – mais encore de façon abstraite et conceptuelle. La mode des « immeubles végétaux » s’est, certes, également développée mais il ne s’agit pas de représenter artistiquement la nature.
Quelles sont les raisons d’une pareille disparition ? Elles sont probablement multiples : à la fois l’exode rural, qui a pour effet de couper de la nature, le fait que l’architecture n’est plus conçue comme la clé de « voûte des arts » où convergeaient auparavant le dessin, la sculpture, l’art du vitrail et de la mosaïque, la peinture qui sont autant de mediums pour représenter la nature, l’affaiblissement de l’idée que l’on construit pour durer etc.
La nature vivante va-t-elle faire son grand retour sur les façades de nos constructions ? Probablement car on voit mal comment la tendance millénaire des hommes à puiser des formes ornementales et architecturales dans la nature vivante pourrait disparaître !