lundi 8 février 2016 - par arax

7/9 du dimanche – France Inter

Ceci est une parodie

“Bonjour Vanessa !”

“Bonjour Patricia !”

“Tout à l'heure dans Intersexions, Vanessa, nous serons à Cologne, ville où le soir de la Saint-Sylvestre, de nombreuses agressions sur des femmes ont été constatées. Dès l'annonce de ces actes, bien évidemment odieux et condamnables, l'extrême-droite allemande s'est emparée du sujet pour dénoncer le vivre ensemble et prôner l'expulsion des réfugié, point e, point s...”

“Oui Patricia, profitant de ce fait divers malheureux, le Parti Pegida a envoyé ses troupes défiler dans les rues avec des slogans qui rappellent furieusement les heures les plus noires de l'Allemagne. La gauche et les organisations antiracistes se sont immédiatement mobilisées, sans point car tout est au féminin, en masse, comme un seul homme...”

“Attention Vanessa, le tout nouvel Observatoire des Genres, des Couleurs et des Ratios, l' OGGR, veille et nous avons déjà pas mal de soucis depuis quelques mois... Cherchez d'autres expressions moins connotées hétéro-patriarcales !”

“heu... oui Patricia, vous avez raison, je manque encore de pratique dans l'auto-typex. Disons alors... heu... unanimement ?”

“C'est parfait Vanessa, vous verrez avec le temps vous serez parfaitement gendrée, é - e, poursuivez, je vous en prie...”

“Oui, donc, le camp du bien a fait son coming-out pour contrer cette propagande haineuse et rappeler que tout, point e, réfugié, point e, est le bienvenu, point e. D'ailleurs la Fédération des industriels allemands, le Medef d'Outre-Rhin, vient justement de rappeler qu' un million d'étranger, point e, point s, ne sont pas suffisant, point e, point s pour relancer la machine de g... heu... la machine industrielle allemande et que tous, point t, point s,...heu...non : point t, point e, point s, trouveront un travail adéquat, pour peu qu'ils ne soient pas trop regardant, point e, point s.”

“Vanessa, je vous rappelle amicalement mais fermement la règle grammaticale édictée par le Ministère de l'Éducation participative et égalitaire : si l'on entend le s, comme dans touS, il faut dire toutes et touss dans l'ordre gendralphabétique, et non point t, point e, point s, comme vous venez de dire si suavement.”

“Vous êtes sûre Patricia ? Ne dit-on pas touss et toutes, le s étant devant le t dans l'ordre alphabétique historico-patriarcal ?”

“Écoutez Vanessa, si vous ne me croyez pas, vérifiez : c'est dans la plaquette pdf envoyée aux chroniqueur, point e, point s, de Radio France : le français - point e, langue rénovée pour le XIXe siècle... Vous chercherez ça plus tard, en attendant, rendez-vous dans deux heures pour Intersexions !”

“Merci Patricia de votre rappel salutaire ; on doit être en permanence vigilants. À tout à l'heure, donc !”

“Je me tourne maintenant vers Emmanuelle Daviet : Bonjour Emmanuelle, Emmanuelle deux l, point e, je précise pour les auditeurs malengendrants...”

“Bonjour Patricia Martin !”

“Vous êtes rayonnantes aujourd'hui...Ce derme ! de l'abricot à son terme. Vous étiez dans quelle station ? Hi, hi hi, on se comprend. Aujourd'hui, vous allez nous parler de votre expérience d'immersion en grande banlieue...”

“Oui, Patricia, suite aux affirmations fallacieuses de la Complosphère et des nouveaux réacs, il me fallait tenter par moi-même une expérience, pour voir si, en France, enfin dans les quartiers comme on dit, les mains des mecs étaient aussi baladeuses que chez nos amis teutons.”

“Ainsi, Emmanuelle, vous avez emprunté le RER en direction de la Nouvelle Ville de Mergy-en-Vaux, seule, je précise, avec notre preneur de son, Hugon Baliveau, une balise GPS reliée directement au commissariat de Francheville-sur-Gueuse et guidée par Samy, un jeune diplômé de Sciences-Po issu de ces quartiers perdus du fond du 98 ; le célèbre 9-8, département limitrophe de la région Grand Centre, sinistrée depuis la fermeture des bases américaines en 1966.”

“Toutàfé. Je précise que ni Hugon, ni Samy n'étaient des amis. Je les ai rencontré pour la première fois sur le quai de la gare Saint-Michel, grâce à l'application dédicacée Meetaktik. Je précise aussi que j'ai financé ce reportage avec l'argent que je gagne en tant que productrice à France Inter, et donc que je n'ai reçu aucune somme d'aucun ministère, d'aucune mairie, d'aucune entreprise philantropique, ni d'aucune ONG. Voilà, je veux que les choses soient claires entre les auditeurs et moi.”

“C'est tout à votre honneur Emmanuelle. Si tout le monde pouvait partager votre éthique !”

Meetaktik ? Il suffit de télécharger gratuitement l'application sur le site de Libération. C'est le fils Mouchard, ou petit-fils Mouchard, suivant de quelle génération on parle, qui, diplômé du Montparnasse Institute of Technology, a développé cette admirable application, que tout journaliste devrait avoir sur son smartphone.”

“D'accord Emmanuelle, alors racontez-nous votre périple ! Je suis follement curieuse ! Je n'ai pas pris le RER depuis plusieurs années et je ne sais même pas où se situe le 98 sur une carte. Autrefois on limogeait un fonctionnaire en l'envoyant à Limoges, aujourd'hui on le noeufuitte dans le 9-8...”

“Vous ne croyez pas si bien dire Patricia. Nous sommes partis à 5 heures 55. Après 1 heure 45 de trajet en RER, 20 minutes d'attente à Francheville-La-Neuve et 30 minutes en bus repeint en arc-en-ciel, suite à un caillassement festif, nous sommes enfin arrivé, point e, point s, à Mergy-La-Dalle. Lors de la construction de la ville nouvelle en 1972, c'est l'architecte Roberto Gründmayer qui a dessiné le quartier de La Dalle, ses fontaines colorées avec mobiles animés, ses tours camouflages dans le quartier Cassiopée et son centre commercial hyper-souterrain, le marécage enchanté, sa bibliothèque-médiathèque Jean Cocteau avec hublots à poissons. Bon, depuis, ça a pas mal changé... Il n'y a plus de fontaines... enfin plus d'eau à cause des pistes de skate et seulement des mobiles abîmés et immobiles ; la moitié des tours a été démolie ; l'autre moitié déplacée à Mergy-sur-Côteaux, grâce à un investissement qatari, autour de la nouvelle mosquée Al Bizarr', comme la surnomme affectueusement les habitants. Le centre commercial a fermé en 1993, après un incendie... et les célèbres poissons, grillés et engloutis lors du dernier bal des pompiers il y a 20 ans, avant le déménagement de la caserne pour Francheville !”

“Avec un nom pareil : La Dalle, pouvait-on s'attendre à autre chose ?”

“Pourtant, le quartier des Prés verts est toujours là, Patricia, bouillonnant de vie, autour de et sur la dalle, avec ses écoles bariolées et son Centre de la diversité créatrice, et puis quelques échoppes qui résistent vaillamment à l'exode vers Francheville : boucherie hallal, centre d'appel, livraison de pizzas et resto de kebabs.”

“Alors dites-moi tout, Emmanuelle, comment sont les habitants de ce quartier en devenir ? Avez-vous pu entamer un dialogue constructif, questionner les coeurs, ébaucher des solutions pour l'avenir ?”

“Samy nous avait prévenu : il n'y a pas beaucoup d'enfants de coeur, d'ailleurs l'église pyramidale de la Fraternité Oecuménique, tout en béton bon marché et marbre rare de porphyre, construite par Bonneton, un disciple étourdi de Le Corbusier, est peu fréquentée, sauf le dimanche, grâce à une communauté haïtienne vivace... Et quelle ne fut pas ma surprise de trouver quantité de bonnes gens ouvertes à la causerie, certaines passionnément disposées à ouïr ce qui se disait dans la Capitale, à dix-huit lieux de là, dans les salons de Monsieur de Bergé ou de Madame de Taubira ; la malle-poste des PSC-V (PhySioCrates Verts), tant attendue des Gueusiens, comme on appelle les indigènes, n'étant pas passée depuis trois mois.”

“Sont-ils aussi diversifiés qu'on le dit ?”

“Oui et non, beaucoup de Français, point e, point s, issu, point e, point s, de la diversité, un peu de Mergiennes et de Mergiens génération 1972, Gueusiens enracinés ou Franciliens déracinés et très peu d'étranger, point e, point s, fraîchement arrivé, point e, point s, à cause de l'éloignement de Paris. Vous savez Patricia, seul, point e, point s, les nouvelles et les nouveaux trouvent rapidement un boulot, souvent au noir... à Paris et dans la petite couronne. Là-bas, à Mergy, du bouleau il y en a, mais plutôt dans la forêt domaniale de Francheville-sur-Gueuse !”

“Très amusant, heu... enfin pas trop pour les habitant, point e, point s... Mais comment s'occupent-ils s'il n'y a pas de travail ?”

“Heureusement le Centre de la diversité créatrice, l'ancienne médiathèque, remédie en partie à l'oisivité forcée des jeunes. Une vraie pépinière d'artistes. En ce moment, on y joue “En attendant Momo”. Et puis le groupe de rap hardcore, Digital Fuck, y a son studio d'enregistrement. Vous connaissez Digital Fuck, bien sûr, Victoires de la Musiques 2013, dans la catégorie, Zikmu benzur” !

“Vous voulez dire Musiques urbaines ? Vous savez, Emmanuelle, je ne suis pas complètement cloche, mon fils me donne des cours de verlan par Skype. Mon petit doigt me dit que vous les avez rencontrés... ?

“Toutàfé. Des types très sympas, limite bien coiffés ; aucune main baladeuse à signaler. On a bu de la bière et on a bien rigolé en faisant une improvisation sur la musique de leur nouvelle album : “Danton culture”. Samy et Hugon faisaient les choeurs sur la chanson “ganja pour tous”.”

“Hé bien, je vois que vous avez passé du bon temps... et ensuite ?”

“Ensuite, vers 11 heures on a fait un tour sur la dalle. Un vieux monsieur très charmant, qui parlait un excellent français d'avant la Réforme, avec une pointe d'accent étranger, nous a demandé si c'était vrai qu'à Paris Johnny avait fait un concert sans public. Il m'a aussi raconté la dernière anecdote qui a fait le tour de la cité : Tout récemment, une dame s'est pris sa burka dans le dernier ascenseur en état de marche. Par miracle, l'ascenseur est tombé en panne à ce moment là. Depuis, l'ascenseur a été transformé en lieu de prière improvisé et on alimente la pauvresse par l'entrebaillement des portes, en attendant l'arrivée d'un technicien de la mairie de Francheville. Ça le faisait beaucoup rire. Toujours avec les p'tis gars de Digital Fuck et mes accompagnateurs, on a été dans un café, enfin dans LE café de la Dalle. Il y avait plein d'hommes ; en fait, maintenant que j'y pense il n'y avait que des hommes. Avec Hugon, j'ai commandé une bière, mais comme y en avait plus en stock depuis 8 ans, au final, on a bu un excellent thé à la menthe, comme les autres clients.”

“Donc, pour résumer, Emmanuelle, vous êtes non seulement sortie indemne de cette expédition, mais pour ainsi dire transformée ?”

“Oui, Patricia, transmutée même : Je kiffe les quartiers péribanlieusards. Je ne vous cache pas que j'ai ressenti un fort désir d'intégration, surtout de la part de Samy dans le bus du retour de 15:20, le dernier que nous avons d'ailleurs failli rater. On doit se revoir très bientôt pour un projet de tour des villes nouvelles en rollers, dans le cadre de la semaine de la mobilité européenne. Samy a été repéré par le magazine Huffyslaughter.fr comme "Young Leader of European Diversity". D'ailleurs, le protocole ayant été signé par Ségolène Royal, Representative Minister of European Defense, une base américaine devrait incessamment rouvrir du côté des carrières de la Gueuse-Champs fleuris, non loin de la Dalle, mais en Région Grand Centre. Nous avons obtenu un sauf-conduit de Bruxelles pour un reportage exclusif.”

“Vous rollerez toujours avec vos propres deniers ?”

“Non, cette fois-ci, nous serons sponsorisé, point e, point s. On ne rolle pas seulement pour le plaisir de roller. La liste sera sur la page de mon blog. Je vous rassure pas de Monsanto, ni de Soros, hi, hi, hi !”

“Mon petit doigt me dit que la Commission européenne y sera de sa poche !”

“Digital luck, Patricia !”

“Merci Emmanuelle, revenez quand vous voulez dans le Cint-Seqs, heu... pardon, Cinq-Sept de France Inter !”

 



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