vendredi 13 décembre 2019 - par Piere CHALORY

Affaire Conclue

Victor Siffonné déprimait ; lassé du télé achat qui l'avait condamné à vivre au milieu d'un capharnaüm empli de chozinutiles, pacotille laide, souvent défectueuse, parfois très dangereuse voire létale ; non seulement pour lui mais aussi pour son entourage immédiat, et même au-delà.

Victor donc s'était habitué à regarder une de ces innombrables et grotesques émissions intitulées tv-réalité  ; en fait 100 % bidonnées. Génératrices d'instants insanes. Anti-spectacles, buzz-propagande exaltée, cirque encensant le con texte vicié des temps nouveaux ; ces élaborations assommantes du mode de vie obligatoire du mougeon ensorcelé au fond du fauteuil amélioraient tous les jours l'horreur mentale pafique*.

 

La vente des biens des maisonnées chèrement appauvries par la macronie au galop emballée, devenait une mode in croyable ; car, si à Las Vegas les joueurs lessivés apportent logiquement & régulièrement de quoi se refaire aux margoulins de Pawn Star ou autre usuriers ; en France, du moins jusqu'à aujourd'hui, la mise au clou des bijoux de famille ne s'était pas encore généralisée, les gamins n'étaient pas non plus obligés de revendre leurs fringues usagées en ligne pour en acheter des neuves sur le bonkoin.

Cette insanité tv-rapacique avait un drôle de nom ; affaire conclue ; un pauvre type cherchait chez lui ce qu'il pensait avoir quelque valeur lui permettant de se chauffer l'hiver ou de manger à sa faim quelques jours de plus.

Puis, il apportait son bien face à un expert qui estimait la valeur du truc en fonction des us et coutumes des commissaires (mé) priseurs ; voleurs déguisés en bourges parlant pointu.

Bobos chicosoïdes avec la frange brushée fiérote et le col conséquent ; le gilet gris, les Raybans Wayfarer incrustées dans les cheveux ou masquant l'œil du vautour, et les pompes chromées-noires reflétant de bas en haut le menton déformé du faciès avide.

Ces types horribles, premiers facteurs de faux érigés en chef d'oeuvres à musées pour cause économique, escrocs labellisés références du monde de l'art ; revendaient très cher les trouvailles achetées à vil prix en rackettant en plus les pauvres pourçentés à sec de 20 % sur leur ridicule pécule.

Siffonné possédait un vieux revolver à moitié rouillé mais encore plus ou moins fonctionnel qu'il n'utilisait plus ou presque. La dernière fois, c'était à cause d'une voisine qui écoutait en boucle Maurick Truelle ; devant l'inconséquence de la groupie fanatisée par Trucker, il avait dû faire usage de son arme afin de détruire la chaine hifi co-responsable du vacarme détimbré qui le rendait fou.

Après avoir vidé le chargeur sur l'amplificateur et les enceintes vectrices du son caractériel, il était reparti en ricanant tandis que la voisine terrorisée n'osa porter plainte et se mit à Jauni au walkman.

—''Finalement, je vais proposer mon Luger à cette jolie émission, rien que pour approcher la si sexy-soft Sofy d'Avant...''

Pensa-t-il.

Il faut dire que Victor était amoureux depuis vingt ans au moins de Sofy d'Avant, il lui postait des lettres enflammées copiées-collées sur la correspondance d'écrivains célèbres pimentées avec les sous-titres de vidéos de Youporn ou autre site salace. Ça donnait des textes bizarres en franglais qui avaient fini par intriguer puis émoustiller Sofy d'Avant qui se demandait qui était ce Don Siffono, le pseudo choisi par Victor.

 

 

Le jour J vint vite, son sms surtaxé atteint son but ;

''Bravo Monsieur Siffonné, vous avez gagné le droit de vous rendre à l'étude de Mètre Renart Argenté de la Tirelire, où Sofy d'Avant vous accueillera voluptueusement. Si votre objet correspond à nos critères partiaux et subjectifs, et si vous acceptez de signer ce bon de décharge nous dédouanant à vie d'éventuels désagréments dont vous auriez à pâtir, consécutifs à la vente forcée d'objets de valeur à prix dérisoire, vous aurez le droit de le liquider à nos prestigieux acheteurs.''

Les prestigieux acheteurs étaient en fait des caricatures tristes, glauques et vestimentées multicolore comme des insectes venimeux, l'exemple quadrupède de ce qui se fait de pire en terme d'acculture, de vulgarité et de mode alakon ; un lgbtiste évaporé genre polnareff-décati, un intello-brocanteur à lunettes bleues, et des boboes blondies sur talons aiguilles au parler antiquiteux.

— Aaaa, enfin je vais La voir ! et qui sait, peut-être que ce pistolet vaut une fortune…

Dans la mesure où les acheteurs étaient censés représenter le nec plus ultra de l'intelligentsia mercantile et symbolisaient le bon goût contemporain, une mise en scène humiliante avait été montée par les ingénieurs video-sociaux…

Comme au tribunal, le vendeur généralement simplet, provenant même de contrées souvent reculées, de villages perdus ou de villes dépeuplées, mais pas forcément, devait respecter une distance de sécurité face à ses bourreaux âpres au gain ; apeuré, figé à une dizaine de mètres des margoulins kitsch, peu habitué à parler derrière un micro, il était systématiquement moqué par les pourceaux surévalués ; appâtés par l'odeur du flouze qu'ils pourraient dérober au crétin nécessiteux.

Le Luger de Siffonné paraissait oxydé et noirâtre car il était fait d'argent massif sauf le canon et le mécanisme évidemment. La crosse était de nacre et des gravures très sophistiquées l'ornaient, avec les initiales A.H et une svastika minuscule gravée dans la gâchette, à l'endroit où appuie le doigt.

L'expert margoulin ne mit pas longtemps à réaliser à quoi il avait affaire, c'était un exemplaire unique de Luger fabriqué pour Adolf Hitler à l'époque de son apogée, doté de caractéristiques ésotériques datant de l'époque où Adolf fréquentait les Aliens. Ceux-ci lui avaient précisé que tant qu'il gardait l'objet sur lui il serait protégé par magie magnético-dimensionnelle, mais un jour il l'oublia dans sa table de nuit et on connaît la suite.

Après avoir fait un clin d'oeil discret à Sofy, l'expert escroc prit un air dépité face à Victor et lui expliqua que :

—''Bof, son pistolet était certes relativement ancien, mais sa valeur fiduciaire restait assez faible, en fonction de son état apparent et du cours du marché, de l'ordre d'une cinquantaine d'euros.''

Toutefois, par qualité d'âme et dans la mesure où Siffonné avait fait plus de 800 kilomètres en bus pour venir ici, il accepterait de lui signer le ticket d'accès aux acheteurs prestigieux.

 

 

Aussitôt Victor parti, l'expert phona à ses complices leur expliquant le deal ;

— ''Voilà, il suffit de ne pas dépasser 100 euros pour l'abruti du jour, et ensuite on se partagera les 100 000 euros minimum qu'on raflera à la prochaine vente publique d'armes anciennes exceptionnelles. Si tout se passe bien, on devrait même palper deux à trois cent mille euros, même divisé par trois ou quatre, ça nous laisse une bonne marge, ha ha ha, hi hi hi  !''

Sofy d'Avant, qui était évidemment dans la manigance mais peu intéressée, se contenterait d'un câlin langoureux de la part d'un des participants à l'opération. C'est alors que Victor raccompagné à la porte par Sofy, n'y tenant plus, avoua son amour d'Avant ; oui, Don Siffono c'était lui, qui lui écrivait depuis vingt ans sa passion brûlante…

Privée depuis quelque temps des bras de son ex enfui quelque part au Siam, Sofy d'Avant saisit l'occasion et Victor en même temps, elle l'entraîna dans un placard comme Anémone dans le Quart d'heure Américain et là, ils s'adonnèrent aux jeux de l'amour et du hasard un moment.

Puis, satisfaite de la prestation de Don Siffono, des remords envahirent la tendre Sofy ;

— Merci pour ce moment Vic, seulement, il faut que je te dise, ton pistolet ne vaut pas 50, mais au moins 100 à 200 000 euros, cette émission est une escroquerie…

---- 1 ? Que dites vous là Sofy ? Ce flingue pourri, 100, 200 000 Euros, c'est une blague ?!

— Non Victor, regarde ;

S'emparant d'un bidon de Miror qui traînait dans le placard, Sofy frotta de ses mains expertes le joujou meurtrier à la ouate ; en moins d'une minute, l'objet était comme neuf, rutilant, les gravures étincelaient sous le néon des couloirs de Rance 2

— Ça alors…

---- Oui Vic, tu ne dois pas te laisser avoir...

 

 

Victor n'avait pas dormi de la nuit.

Qu'il avait passée dans un hôtel proche de la gare du Nord, au milieu des rats. Il se leva, but un café infect porté par la soubrette tourmentée du bouge et partit au pas de course vendre son Luger à-la-télé.

— Aaah ! Le Voilà !!

Dirent en même temps les gredins endimanchés derrière leur comptoir hautains.

---- Alors Monsieur Ducon heu, Monsieur Siffonné, il paraît que vous avez un objet à nous proposer ??

---- Oui, je possède le Luger d'Adolf Hitler, en argent massif, gravé par un descendant direct d'Albrecht Dürer, crosse de nacre et quelques autres détails détonants, c'est Sofy qui me l'a dit…

---- Hein, Sofy ?

---- Oui, il paraît qu'il vaut entre cent et trois cent mille Euros, mais je me contenterais de 80 000, ce qui vous laisse encore une belle marge…

---- Heuuu, hem…. Mais, elle est devenue folle ou quoi ?! Mais c'est sûrement une blague, Sofy aime bien plaisanter, faites nous voir ça tout de même…

Victor marcha jusqu'au comptoir et déballa l'arme étincelante sous l'oeil ébahi du brocantoc à lunettes outremer. Ne s'attendant pas à voir le Luger dans son état sorti d'usine ou presque, fasciné par la couleur de l'argent, le margoule bleuit jusqu'à rendre invisible ses lorgnons Elton Johniques. Il se reprit toutefois très vite ;

---- Wibon, c'est vrai qu'il est très joli, mais on voit tout de suite qu'il s'agit d'une contre façon made in Taïwan en zinc, je vous en offre 40 euros.

---- 40 euros ? Mais parler d'euros ne veut plus rien dire, l'europe de macron-merkel c'est fini, tenez, je suis prêt à vous faire un prix ; trois balles...

---- Trois balles ! vous voulez dire trois euros ?

---- Non, pour toi ce sera trois balles, mais d'abord rend-moi mon Luger en argent, pignouf !

Siffonné sentencieux visa l'affreux brocanteur et lui décocha une balle sur le pin's téléthon qu'il portait sur sa chemise, puis une autre symétriquement au niveau du coeur, et enfin une troisième au milieu du front, façon Mesrine punissant le journaleux traîtrique. Puis, il fit un croc en jambe au polnareff-contrefaçé qui tentait de s'enfuir, lui logea une bastos dans les roubignolles et l'acheva d'un coup de santiag dans la tête sous l'oeil de Sofy affolée de tant de virilité.

Puis, il se réveilla en sursaut au milieu de la nuit.

Encore un cauchemar ; il avait aussi abusé des pieds de cochon vin blanc carottes et mojettes qu'il affectionnait plus que tout, particulièrement l'hiver.

 

 

*de Paf ; ''paysage audiovisuel francais''

 

PC 2019

 



7 réactions


  • In Bruges In Bruges 13 décembre 2019 16:25

    Un poil long, mais pas mal du tout.

    Et puis vous avez le courage de vous attaquer au vrai problème :

    vous dites :

    "Il faut dire que Victor était amoureux depuis vingt ans au moins de Sofy d’Avant, il lui postait des lettres enflammées copiées-collées sur la correspondance d’écrivains célèbres pimentées avec les sous-titres de vidéos de Youporn ou autre site salace.« 

    C’est vrai ça, on manque de statistiques crédibles sur le seul sujet qui vaille :

     » sur les milliers de fois où des amoureux transis ont crié « Aline », pour quelle revienne, combien de fois sont-elles effectivement revenues ?

    Hein ?


    • Piere CHALORY Piere CHALORY 13 décembre 2019 17:05

      @In Bruges

      C’est vrai que le format nouvelle est normalement un peu plus court, mais je me suis laissé emporter par les dialogues et les descriptifs des personnages de cette émission, clairement ’à chier’..

       smiley

      C’est surtout cette mise en scène grotesque du malheureux vendeur plus ou moins pris à la gorge financièrement face à cette équipe de ???s dont la morgue n’a d’égale que l’imbécillité, qui m’énerve... Ce genre de sous-produit télévisuel donne quand même une bonne idée du délabrement mental des concepteurs de ces trucs copiés collés des modèles ricains, mais en plus ridicule et plus mesquins, français quoi..

      Quant au nombre de fois où les Alines sont effectivement revenues... On se le demande.

       smiley

      Cdlt


    • exocet exocet 13 décembre 2019 19:58

      @Piere CHALORY
      Face d’ampoule, va...moi j’aime bien Sophie Davant et l’émission affaire conclue...
      Et vos conclusions péremptoires, vos idées préconçues sorties de votre imagination me semblent le plus souvent fausses...


    • Piere CHALORY Piere CHALORY 13 décembre 2019 20:06

      @exocet

      ’’moi j’aime bien Sophie Davant et l’émission affaire conclue... ’’

      Moi aussi j’aime bien S.Davant, c’est d’ailleurs pour ça qu’elle a le beau rôle dans cette histoire, c’est lézotres qui m’énervent,...

      Mais après tout chacun ses goûts, et vous faites bien d’affirmer haut et fort les vôtres.


  • In Bruges In Bruges 13 décembre 2019 16:29

    En tous cas merci de ne pas aboyer ici avec les loups sur le grand sujet du moment qui inquiète tant les foules :

    combien vais-je toucher quand je serai impuissant,chauve, édenté, demi-sourd et mal voyant -mais bien pétant- ?

    Question subsidiaire :

    combien d’années pourrais-je profiter de cette vie merveilleuse de retraité, avant que l’arbitre ne siffle la fin du match ?.


  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 13 décembre 2019 20:17

    M’a l’air d’avoir deux mains gauches la Sophie... lui confierai pas mon service trois pièces pour expertise.


  • S.B. S.B. 13 décembre 2019 20:59

    J’adore.


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